Notre quinzaine : L’Occident au risque de l’Histoire

Publié le 04 Juil 2020
Notre quinzaine : L’Occident au risque de l’Histoire L'Homme Nouveau

En quelques semaines, les États-Unis et l’Europe ont été emportés par une fièvre iconoclaste. À tout prix, il fallait détruire les symboles d’une civilisation qui serait par nature raciste et violente.

Partie des États-Unis, cette fièvre s’est propagée comme un virus, emportant avec elle toutes les défenses immunitaires qui auraient dû lui être spontanément opposées. Au-delà de la manipulation et des manœuvres, bien réelles, du nouveau radicalisme antiraciste, l’impact de ces manifestations destructrices montre à la fois la perte de la raison et du bon sens des nations occidentales mais aussi le profond épuisement moral et spirituel qui les habite désormais. La mort tragique aux États-Unis d’un homme noir (George Floyd) n’a pas conduit à un surcroît de justice, comme on aurait pu l’espérer, mais, au contraire, au déferlement d’une formidable injustice généralisée envers la mémoire de personnalités historiques et, plus largement, d’une civilisation occidentale mise d’un bloc au banc des accusés. Comme si l’injustice de la mort de Floyd ne pouvait être réparée que par une injustice encore plus grande, et le présent par une attaque systématique contre le passé et ce qui le représente, en l’occurrence des statues.

Perversion idéologique

Dans tout processus révolutionnaire, un événement tragique est détourné pour devenir un symbole et être récupéré au profit de causes qui dépassent son seul cas. Ici, cette récupération implique paradoxalement que les racistes comme les antiracistes communient en un étrange mimétisme dans la réduction de Floyd à la seule couleur de sa peau. Au point que l’on oublie qu’il s’agit d’abord de la mort d’un homme et d’un individu.

Il est vrai que le communautarisme des sociétés anglo-saxonnes favorise cette « réduction » raciale et nourrit, par contrecoup, une autre « réduction », celle des personnalités du passé à leur seule attitude vis-à-vis d’autres races. Considéré jusqu’ici comme le vainqueur du nazisme, l’incarnation du combat à outrance contre le fascisme ainsi que d’une certaine idée de la démocratie, Churchill est devenu du jour au lendemain le symbole du mal absolu. Les historiens apprécieront cette évacuation de la complexité. Mais il convient d’aller plus loin. Ce nouvel épisode de la « guerre des races » – théorisée par Michel Foucault, importée aux États-Unis, diffusée dans les universités et réimportée en Europe – ne constitue au fond que le dernier effet de la perversion idéologique dans laquelle nous baignons constamment.

Au fond, qu’est-ce que l’idéologie, sinon cette réduction du tout à la partie, de l’humanité à une classe, une caste, une race ou aux images que l’on s’en fait. Laquelle, en retour, a pour pendant l’exaltation de la partie au détriment du tout. Christophe Colomb est réduit à n’être qu’un esclavagiste pendant que l’appartenance à la race noire de George Floyd est exaltée. Derrière cette dialectique subversive se profile, en fait, le projet moderne visant à faire de l’homme la mesure de toute chose et à ne retenir que le point de vue subjectif, porté à son point d’incandescence. Un projet aussi vieux que la Renaissance et les Lumières et dont les contradictions internes débordent aujourd’hui jusque dans nos rues.

Sortir du piège dialectique

Que faire, dira-t-on ? D’abord ne pas se laisser submerger par l’émotion et le flot des opinions. Ensuite ne pas tomber dans le piège dialectique qui consiste à opposer les bons aux méchants, le présent au passé, en donnant crédit à la contre-culture diversitaire et à la culpabilité qui l’accompagne. Retourner au réel aussi, en interrogeant l’Histoire dans toute l’étendue de sa complexité.

C’est ce que nous tentons dans ce numéro dans le cadre étroit d’un dossier de quelques pages (voir également l’Essentiel en p. 34-35). Car l’extension du domaine de la lutte – c’était prévisible – vise aussi l’Église, matrice de la civilisation occidentale. Junípero Serra (1713-1784), par exemple, un prêtre missionnaire espagnol, a été canonisé par le pape François en 2015. Son crime ? Il est considéré comme l’apôtre de la Californie, ce qui a entraîné le renversement de sa statue à San Francisco. Derrière ce fait se profile l’attitude de l’Église vis-à-vis du racisme et de l’esclavagisme ou encore, dans l’Ancienne France, la question du Code noir. Pour notre part, nous sommes allés plus loin en rappelant ainsi le racisme d’une des grandes figures des Lumières.

Il n’y a que le vrai qui apporte la véritable libération. Que nous soyons blanc, noir, jaune ou rouge. Le Christ est venu pour tous et le salut qu’Il apporte n’est destiné ni à une race, ni à une nation, ni à un clan. C’est pourquoi Il est notre seule espérance ! 

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneÉditorialDoctrine socialeLettre Reconstruire

Avortement : il est urgent de remonter à la source

Lettre Reconstruire n°34 – Edito | Le lundi 4 mars, le droit à l’avortement est officiellement entré dans la Constitution de la République française. Votée en 1975 comme une dépénalisation et une exception, la loi libéralisant l’avortement s’est muée au fil du temps en un véritable droit positif dont la remise en cause s’est vue de plus en plus entravée. Sans aucun doute, cette défaite pour la vie et pour le militantisme anti-avortement aura des conséquences dans les mois ou les années à venir. Un examen de conscience et une remise en cause des méthodes employées et de la doctrine sur laquelle se fonde ce combat sont nécessaires.

+

constitutionnalisation avortement
ÉditorialBioéthique

Notre quinzaine : La vérité, à temps et à contretemps

Édito du Père Danziec | Dans sa fameuse lettre Que dire à un jeune de vingt ans, Hélie de Saint Marc suggère à son jeune lecteur de « ne pas s’installer dans sa vérité et de vouloir l’asséner comme une certitude »mais lui conseille plutôt de « savoir l’offrir en tremblant comme un mystère ». Permettez-moi, à l’occasion de cet éditorial, de me plier à une rapide étude de la citation d’Hélie de Saint Marc en tentant de l’appliquer au drame de la constitutionnalisation de l’avortement qui fait la couverture de ce numéro.

+

vérité
ÉditorialCarême

Notre quinzaine : La gratuité ou l’amour à l’état pur

Edito du Père Danziec | La correspondance de dates entre la Saint-Valentin le 14 février et le mercredi des Cendres permet de lever le voile sur l’un des défis majeurs de notre époque. Disons-le sans détours : notre monde crève de dureté, de froideur, d’inclémence et d’impiété. Nos contemporains suffoquent chaque jour un peu plus de manque d’amour. Et pourquoi donc ? Parce qu’il réside au fond du cœur de l’homme un immense besoin d’amour. Parce qu’à l’image de Dieu, d’un Dieu qui est amour, l’homme est constitutivement fait pour l’amour.

+

carême amour gratuité
ÉditorialBioéthiqueDoctrine socialeLettre ReconstruireMagistère

Face à l’avortement et à l’euthanasie

Lettre Reconstruire n°33 - Edito | Le thème de la constitutionnalisation de l’avortement en France et le projet de légalisation de l’euthanasie ont réactivé de manière frappante la question de la légitimité d’un État institutionnalisant ces formes de meurtres. Dans son encyclique Evangelium Vitae (25 mars 1995), le pape Jean-Paul II avait abordé ces deux thèmes en les liant justement à la moralité des lois édictées et à leur légitimité. Comme éditorial, nous proposons plusieurs extraits de cette encyclique, hélas toujours d’actualité. 

+

avortement