Pour le deuxième été consécutif, le pape François publie un texte consacré à la liturgie. L’an dernier, le 16 juillet, c’était le motu proprio Traditionis Custodes qui entendait porter un coup d’arrêt définitif à l’existence de l’ancienne liturgie, portée pourtant par Summorum Pontificum de Benoît XVI.
Cette année, l’objet de la lettre apostolique Desiderio Desideravi s’attache plus largement au thème de la formation liturgique à laquelle François appelle l’ensemble du peuple de Dieu. Le titre de ce document renvoie à l’évangile selon saint Luc (22, 15), plus particulièrement à ce passage où le Christ déclare : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! » (trad. AELF). C’est assurément un titre magnifique qui résume parfaitement l’importance et la nécessité de cette formation liturgique que développe l’ensemble du texte en 65 courts paragraphes.
Plusieurs de ces derniers insistent ainsi sur des points capitaux, comme ceux sur « l’ars celebrandi » (n. 49 et suivants) sur « la dynamique du langage symbolique » ou sur le fait que « l’art de la célébration ne s’improvise pas ». Dans le même ordre d’idées, François porte également l’attention de son lecteur sur l’importance du silence (n.?52) qui appartient totalement à l’action liturgique.
Le véritable objectif du texte
Pour autant, ces rappels ne semblent pas constituer précisément le fond du message du pape François. À nouveau, et après un an d’incompréhension, de démarches variées, d’appels à la sollicitude, de discussions aussi, il réitère de manière forte sa décision de mettre fin à Summorum Pontificum de Benoît XVI. Il voit dans la célébration de l’ancien rituel un problème ecclésiologique et dans le refus de la réforme liturgique celui du concile Vatican II. D’où son renvoi à la constitution Sacrosanctum Concilium, « qui exprime la réalité de la liturgie en lien intime avec la vision de l’Église admirablement décrite par Lumen Gentium ».
Celui qui lira ce texte conciliaire sans œillères sera frappé pourtant par l’énorme distorsion qui existe entre ces rappels et sa mise en application telle qu’elle s’est traduite avec le Missel de 1969. Dans un entretien qu’il m’avait accordé en 2001, le cardinal Ratzinger avait d’ailleurs souligné que la réforme liturgique avait été l’« une des applications possibles de Sacrosanctum Concilium, mais pas l’unique ». De manière plus concrète, cette distorsion apparaît justement à propos de la question du silence, de la place de la langue latine comme langue liturgique, de l’usage du chant grégorien, « chant propre de l’Église », sur d’autres points encore. Dans un article publié en Italie par la Nuova Bussola Quotidiana le 30 juin dernier, Luisella Scrosati remarque également à ce sujet : « Il serait bon de comprendre quand et où les Pères du Concile ont demandé l’abolition de la Septuagésime, de l’Octave de la Pentecôte, des Rogations, des Quatre Temps (en vérité laissés ad libitum à la décision des conférences épiscopales paresseuses), la refonte des rites de l’Offertoire » (trad. « Belgicatho »). D’où l’étonnement qui perdure devant cette volonté de supprimer définitivement l’ancien rituel, vécu jusqu’ici sereinement par des milliers de catholiques (et au moins aussi catholiques que les fidèles de rite zaïrois), alors même que les problèmes véritables sont ailleurs. Pensons seulement à l’état de l’Église en Allemagne.
Un texte au ton classique
D’après les informations recueillies de bonne source, il semble que l’essentiel du texte qui compose Desiderio Desideravi avait été préparé du temps où le cardinal Robert Sarah était préfet de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements. Rien d’étonnant donc d’y retrouver ce ton « classique », cet appel à plus de rigueur liturgique, ce souci du silence. Nous sommes bien là dans les préoccupations de Benoît XVI et du cardinal Sarah. Malheureusement, son successeur, le futur cardinal anglais Arthur Roche, mène une guerre personnelle contre l’antique liturgie, comme si elle était, après qu’elle ai assuré pendant des siècles la prière publique de l’Église romaine, la seule source de dysfonctionnement liturgique, voire d’abus en la matière.
Soyons sérieux ! Quel que soit le positionnement de chacun sur ce sujet, et les lecteurs de L’Homme Nouveau optent pour des options pratiques bien différentes en la matière, l’Église ne peut aucunement se couper de ses racines liturgiques, surtout quand elles sont aussi vivantes et produisent tant de prêtres et de vocations. Dans l’Église comme dans la société, le réel finit toujours par commander. C’est en ce retour au réel qu’il faut espérer, contre toute espérance, en restant fidèlement attaché à l’Église de Rome et à sa liturgie.