Notre quinzaine : prêchez-nous le Christ, pas l’assimilation au monde

Publié le 25 Nov 2019
Notre quinzaine : prêchez-nous le Christ, pas l’assimilation au monde L'Homme Nouveau

Des propos lénifiants

Du long, du très long, du trop long discours de clôture de l’assemblée plénière des évêques de France, réunis à Lourdes du 5 au 10 novembre dernier, que faut-il retenir ? Dans le Figaro (11 novembre 2019), Jean-Marie Guénois, le chroniqueur religieux du quotidien parisien, notait que Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, élu président de la Conférence des évêques de France en avril dernier, avait abordé « tous les sujets d’actualité : lutte contre la pédophilie, “écologie intégrale” (…) voile musulman, immigration ». « Pas de mot en revanche, indique encore le journaliste, sur la question de la chute des vocations sacerdotales et sur la réforme des séminaires, pourtant au programme de cette assemblée. »

À la vérité, c’est encore peu que de noter l’absence des thèmes annoncés. Dans une Église qui s’interroge en synode sur l’ordination éventuelle de viri probati (cf. l’instrumentum laboris du synode sur l’Amazonie) ou qui préconise l’ordination de diacres permanents (cf. le document final du même synode), il est compréhensible que l’annonce sur la chute des vocations sacerdotales ait été renvoyée à plus tard et que la réforme des séminaires disparaisse des écrans radars. 

Le plus grave n’est pas tellement là. Confessons-le, même si c’est réellement avec douleur : il y a longtemps que nous sommes habitués aux propos lénifiants des responsables de la Conférence des évêques de France, quels qu’ils soient. L’archevêque de Reims a donc beau jeu de discourir sur le fait que le rôle des évêques n’est pas « de préserver des structures » et d’assimiler à celles-ci l’Église elle-même… Il a beau jeu encore de se réjouir de la synodalité en œuvre et d’inviter « à édifier l’Église comme unité dans la diversité » alors même que des pans entiers de celle-ci sont laissés aux marges. Et il a toujours beau jeu de nous appeler à « la conversion écologique » et de dénoncer les conditions de vie dans les pays industrialisés. 

Malheureusement, une fois encore, une fois de plus, ce type de discours, qui peut contenir des choses justes en elles-mêmes, se tait sur ce qui relève de la mission des évêques. Peu de mots auraient pourtant suffi pour dire l’essentiel : « convertissez-vous, reconnaissez vos péchés et faites pénitence ». De péchés, il n’en est quasiment pas question, sauf du « péché écologique ». De conversion, un peu plus, bien que nous ne sachions pas à quoi exactement, si ce n’est, encore une fois, à l’écologie. Quant à la pénitence, elle brille par sa dramatique absence.

Disons-le tout net : nous écouterons nos évêques sur les sujets mondains quand ils nous auront prêché la Croix et non l’assimilation-dissolution au monde. Non pas que nous contestions qu’ils interviennent dans les questions sociales et politiques, mais à condition qu’ils le fassent en vue du Salut et de l’extension du règne, y compris social, du Christ. 

Voile islamique et immigration

Sur la question de l’immigration, l’exemple, sur ce plan, est flagrant, au point que l’on se demande s’il s’agit encore de naïveté ou d’aveuglement politique. Évoquant la question du voile islamique, qui a connu ces derniers temps de nouveaux rebondissements, le président de la CEF se contente de s’interroger sur ce qu’en pensent les femmes musulmanes. Sous prétexte de réalisme, il prend acte comme d’une donnée irréversible de l’afflux constant de « migrants » et déclare tranquillement : « les bouleversements de nos sociétés seront grands, nous pouvons choisir de les rendre positifs ». Heureux optimisme scandant une marche en avant qui s’auto-convainc elle-même que demain les choses iront mieux. 

Si le président des évêques de France salue la générosité de ceux qui aident les « migrants », pas un mot, en revanche, n’est adressé à ceux de nos concitoyens qui souffrent directement des conséquences de l’immigration. À la CEF, qui aime tant faire appel à des « experts », a-t-on lu par exemple les travaux du géographe Christophe Guilluy sur la France périphérique ? Et sur l’islam, pourquoi n’a-t-on toujours pas fait appel aux travaux d’islamologues comme Marie-Thérèse et Dominique Urvoy (1) ou à ceux d’Annie Laurent ? Il y a des oublis qui sont, hélas, coupables.

Évêques, soyez-le pleinement !

Que l’on ne s’y trompe pas, cependant ! Nous ne faisons pas de l’opposition aux évêques une vertu, ni même un sceau de catholicité. Nous exprimons une souffrance, laquelle dure, pour les plus anciens d’entre nous, depuis plus de cinquante ans. À nos évêques, qui sont, contrairement à nous, les piliers de l’Église, nous osons ne demander qu’une chose : qu’ils soient les successeurs des Apôtres, mais qu’ils le soient pleinement. Pas à la mesure du monde, mais à celle de la Croix. 

1. Voir notre hors-série L’Islam face au christianisme, Éd. de L’Homme Nouveau, 68 p., 8 e.

Ce contenu pourrait vous intéresser

ÉditorialSpiritualité

Jerzy Popiełuszko, un prêtre pour la patrie

Édito du Père Danziec | Éveilleur de consciences, le père Jerzy Popiełuszko aura jeté à la face du communisme et l’intrépidité de sa jeunesse et son amour du Christ. Lors de ses funérailles, un immense panneau sera suspendu au-dessus de son cercueil portant l’inscription: « Bóg – Honor – Ojczyzna / Dieu – Honneur – Patrie ».

+

Popiełuszko
ÉditorialChrétiens dans le monde

Jerzy Popiełuszko (1/3) : Prêtre jusqu’à la croix

Dossier : « Martyre du père Popiełuszko : la force irrésistible de la vérité » | Jerzy Popieluzsko (1947-1984) est resté dans les mémoires à l’Ouest comme victime et martyr des dernières heures du communisme en Pologne. Simple prêtre, et malgré une santé fragile, il montra dès sa jeunesse et son service militaire un esprit de résistance aux persécutions du régime. Refusant de céder aux intimidations et poursuites, il persévéra dans la foi et le service de ses ouailles et compatriotes ce qui lui vaudra la haine finalement mortelle des communistes.

+

Popieluszko celebration Europeana 07 Popiełuszko
ÉditorialDoctrine socialeLettre Reconstruire

Le Christ-Roi : pierre angulaire de la doctrine sociale de l’Église

Lettre Reconstruire n° 41 | Éditorial | Le 11 décembre 1925, le pape Pie XI publiait Quas primas, une encyclique consacrée au Christ-Roi. Il y précisait la doctrine de l’Église à ce sujet et instituait une fête liturgique, fixée le dernier dimanche d’octobre. Importante liturgiquement, la royauté du Christ constitue aussi la pierre angulaire de l’enseignement social de l’Église.

+

Christ roi de l'univers christ-roi
Éditorial

Retrouver l’esprit chrétien 

Éditorial de Maitena Urbistondoy l Pie XII rappelle que l’Église, en tant que Corps mystique du Christ, est un repère stable, qui ne se laisse pas entraîner par les modes. Cette stabilité, ancrée dans la fidélité à sa mission divine, protège l’Église de l’inconstance des tendances passagères. Et c’est cet équilibre qui manque aujourd’hui : la fidélité aux vérités éternelles, qui ne se mesure ni au succès ni à l’acceptation du moment.

+

pie xii Edith stein église chrétiens
Éditorial

Notre quinzaine : La mort comme principe de vie

Éditorial du Père Danziec | Vivre vraiment, quel formidable privilège que de respirer à larges poumons, de parcourir l’existence à pleines enjambées et de croquer à ras bord le quotidien qui s’ouvre à nous sans relâche ! Vivre vraiment, non comme un épicurien mais comme un débiteur qui reçoit dans l’action de grâce le temps qui s’échappe et qui fuit. L’homme de foi sait qu’il tient la vie de son Créateur. Tout baptisé est appelé à voir dans chaque jour que Dieu fait une bénédiction.

+

vie
Éditorial

Notre quinzaine : Une révolution copernicienne ?

Éditorial de Philippe Maxence | L’épisode politique traversé par la France depuis le résultat des élections européennes a rappelé la place de l’extrême gauche dans notre pays. Malheureusement, celle-ci sert plus d’épouvantail qu’elle n’est exactement connue. Pourtant, l’extrême gauche ne cesse d’occuper le terrain, aussi bien celui de la rue que des médias, des amphis ou des sites Internet. Elle déploie également un travail doctrinal et d’adaptation aux réalités du moment, sans équivalent parmi ses adversaires. En consacrant un dossier à l’extrême gauche, nous avons pensé utile de savoir quelle réalité ce terme recouvre, sur quelles forces et quelles faiblesses elle s’adosse et quel travail doctrinal elle produit.

+

révolution ultra gauche