Notre quinzaine : Sortir de l’autosoumission

Publié le 18 Mar 2022

Entre situation internationale, levée du passe sanitaire et élection présidentielle, les Français sont actuellement ballottés entre inquiétude, satisfaction et espoir. L’attitude du moment change en fonction des dernières nouvelles martelées avec soin par la grande presse, relayées avec une vertigineuse promptitude par les réseaux sociaux dont la capacité de refaire le monde laisse loin derrière les propos de comptoir de nos grands-parents. On le vérifie encore avec la situation en Ukraine.

Étrangement, dans ce conflit, on salue moins la résistance d’une petite nation –?effet d’un patriotisme passé, semble-t-il, de saison – que la solidarité européenne et l’édification tant attendue d’une souveraineté continentale passant par une Europe de la défense. Face à ce qui est dénoncé comme étant la résurgence de l’Empire russe, c’est donc moins le respect des petites nations qui est mis en avant que la consolidation d’un autre empire avec tous les éléments de la souveraineté donnés à l’Union européenne.

Nous sommes donc confrontés, par Ukraine interposée, à l’opposition de deux empires (trois avec les États-Unis, quatre en comptant la Chine). L’un, la Russie, semble reposer sur une visée géostratégique enracinée dans une certaine interprétation de son histoire quand l’autre, l’Union européenne, est une construction totalement idéologique, née de nations rendues exsangues par les guerres modernes et dont le seul horizon est constitué des droits de l’homme, en phase permanente de construction-déconstruction-reconstruction-extension. Dans les deux cas, il y a une soif d’élargissement, inhérente à tout empire. Celle de Poutine s’appuie sur une certaine idée de la Russie et du sentiment du danger que représente l’Otan. Mais celle de l’Europe est totalement idéologique. Elle fera peut-être moins de morts sur le moment, mais sera sans limite dans le temps.

Ne pas se tromper d’urgence

Face à cette situation, on nous somme de choisir. La question n’est pas tant ici celle de l’aide aux réfugiés qui est du ressort de la charité. Elle est d’abord politique. Dans quelle mesure l’escalade dans ce conflit contribuera-t-elle au bien commun ? Si nous entendons vraiment réagir, l’urgence implique moins d’envoyer des armes à l’Ukraine ou d’élargir la souveraineté européenne que de revenir sur certains aspects essentiels. Par exemple augmenter le budget de la défense nationale. Insuffler une véritable politique familiale et nataliste, afin d’être apte à affronter les grands défis de demain. Ce qui passe bien sûr par un coup d’arrêt à l’avortement. Stopper l’immigration et la place de l’islam en France. Redonner de ce fait sa place au catholicisme dans la vie de la cité, ce qui suppose que celui-ci sorte de sa léthargie et des errements de ces dernières années. On pourrait multiplier les exemples de ce qu’il faudrait faire, avec le risque évident non seulement de prêcher dans le désert mais d’être surtout loin de la réalité.

Sub specie æternitatis

Reste que certains aspects sont à notre portée. Comme catholiques, nous sommes d’ailleurs particulièrement bien armés pour poser les premiers jalons, insuffisants en eux-mêmes mais nécessaires, d’une véritable résistance. D’abord ne pas oublier que notre existence se meut sub specie æternitatis (1). Ce qui implique, en plus des actes commandés par notre foi, de se dégager du matérialisme ambiant comme de toute hyper-réactivité à l’actualité. Ensuite de voir ce que l’on voit, pour reprendre la formule de Péguy. C’est-à-dire de faire preuve du sens de la réalité en étant capable d’analyser le monde tel qu’il est ainsi que les mécanismes des systèmes à la manœuvre. Sortir aussi pas à pas, et dans la mesure du possible, du processus d’intégration-dilution des catholiques dans un monde qui leur est désormais totalement étranger, tout en évitant l’écueil d’une sorte de quiétisme, non au sens de madame Guyon, mais qui se concrétise par la tentation du repli.

Il s’agit seulement de quelques exemples pour sortir de la situation d’autosoumission dans laquelle nous nous sommes souvent placés. Un exercice mental et pratique à cultiver (avant de pouvoir le traduire politiquement) à l’heure où, malgré notre sidération face à la situation à l’Est, le modèle chinois de contrôle social attire de plus en plus les dirigeants occidentaux dans la mesure où il permet de résoudre la contradiction entre l’assentiment nécessaire des populations et la poursuite d’intérêts précis. C’est dire au passage la nécessité qu’il y a à lire le prochain livre des Éditions de L’Homme Nouveau, dans la collection « Reconstruire » (du nom de notre lettre sur la doctrine sociale de l’Église) : Le Modèle chinois : capital-socialisme du contrôle social

1. Sub specie æternitatis : sous l’aspect de l’éternité.

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