Le rappel à Dieu de quelqu’un qui nous est proche, l’entrée dans son éternité d’un membre de notre famille ou la disparition d’un ami très cher secoue toujours notre nature qui est faite pour la vie. Faite pour la donner dans la joie. Pour la recevoir dans l’espérance. Pour la partager aussi. Et surtout, pour lui offrir la possibilité de grandir.
La mort – qui est un châtiment, une conséquence immédiate de la dégustation du fruit défendu par nos premiers parents – signe le mal-être de notre condition blessée par le péché originel. La fin d’une vie, d’autant plus lorsqu’elle surgit de façon brutale, porte toujours en elle la frustration mordante du clap de fin d’un concert qu’on aurait voulu éternel. Une mauvaise note jetée dans une harmonie divine.
Inévitablement, face au trépas, les questions existentielles résonnent en écho dans l’âme humaine assoiffée d’absolu. Que se passe-t-il au-delà de notre vie sur la terre ? Qui le sait ? Qui ne désirerait le savoir ? Dom Chauveau, auteur du merveilleux petit ouvrage Le Ciel sera si beau (Traditions monastiques) le concède : « Laissés à nous-mêmes, nous éprouvons beaucoup de difficultés à établir des certitudes, stables et fermes, sur ce qui nous attend… La mort reste mystérieuse. »
Brandir notre foi
La lèpre de la Foi, c’est quand on vient à la subir. À force de cesser de la nourrir, on finit par la supporter comme on supporte un voisin inopportun. Maladroitement. On a beau baigner dans une atmosphère toute chrétienne, il arrive que ce ne soit pas au point que toutes les fibres de son être soient imprégnées de Jésus. Le témoignage de notre vie finit par devenir piètre et un sentiment désagréable nous gagne, celui d’être des « voix qui crient dans le désert », un désert semblable à notre propre vide intérieur…
Tout l’enseignement du Christ nous invite à sortir de nous-mêmes, à brandir notre Foi comme une bannière de délivrance et à l’offrir tel un océan de chaleur et de lumière à ceux qui nous entourent… À l’école du mois de novembre, mois consacré aux défunts, il est bon de nous rappeler que notre vie terrestre consiste à redresser notre cœur vers le Ciel et à prêter notamment notre aide à ceux qui nous ont précédés dans l’éternité. L’enseignement de l’Église nous rappelle que, dans une attente suppliante, les âmes du Purgatoire demandent continuellement l’aumône de nos prières.
« Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants. » Cette formule ciselée par Jean Cocteau, et que l’on trouve parfois inscrite sur le marbre des cimetières, pourrait venir de façon opportune interroger nos âmes. Et nous, en effet, quel tombeau offrons-nous à ceux qui nous ont précédés dans l’éternité ? En ouvrant nos cœurs le plus largement possible au bénéfice des défunts, nous leur constituons un espace de vie, chaud et protecteur comme le sein d’une mère au bénéfice de l’enfant qu’elle porte. Admirable don de la Providence que celui de la communion entre l’Église militante de la terre et l’Église souffrante du Purgatoire !
À cet égard, nous aurions tout à fait tort de nous représenter le Purgatoire à l’image d’une salle d’attente d’hôpital où l’on tue le temps avec des magazines usagés, en plus ou moins bonne compagnie… Les tourments du Purgatoire sont autrement plus pénibles. Les âmes y souffrent une purgation radicale et nécessaire en vue de leur entrée au Ciel. Ah, si nous savions combien les défunts attendent nos marques de soutien et notre sollicitude spirituelle !
Pour autant, soulager les morts ne saurait déterminer le seul objectif spirituel du mois de novembre. La puissance de la gratitude des âmes saintes du Purgatoire vient aussi en aide aux vivants. Ce « retour gracieux sur investissement » est hélas trop peu connu et donc insuffisamment apprécié.
De grands théologiens comme saint Alphonse de Liguori ou saint Robert Bellarmin enseignaient pourtant que l’on invoque légitimement et très utilement les âmes du Purgatoire pour obtenir de Dieu les grâces et les faveurs dont nous avons besoin. Sainte Thérèse d’Avila confiait que toutes ses demandes adressées à Dieu par l’intercession des fidèles trépassés étaient exaucées.
Connaître les âmes du Purgatoire, les prier, les soulager, les délivrer et obtenir d’elles des grâces insignes : voilà en somme le grand propos du dernier mois de l’année liturgique. Certes, il est permis d’apprécier le charme printanier du mois de mai, les joies familiales vécues autour d’une cheminée en décembre ou encore le farniente au creux d’un hamac au mois d’août. Croyons-le cependant, dans notre éternité, il n’y aura aucune concurrence possible. Un seul et unique mois aura notre préférence. Vous aurez compris lequel.
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