Entretien avec don Paul Préaux, Modérateur général de la Communauté Saint-Martin.
Propos recueillis par Agathe du Boullay
Le 27 juin prochain, 10 séminaristes de la Communauté Saint-Martin seront ordonnés dans la basilique Notre-Dame d’Évron. Les ordinands sont appelés à rendre un service dans une mobilité et à travers une vie communautaire, à un diocèse.
Quand auront lieu les prochaines ordinations sacerdotales de la communauté Saint-Martin ? Combien y aura-t-il d’ordinands ?
Les ordinations auront lieux le 27 juin en la basilique Notre-Dame d’Évron en Mayenne. Elles seront présidées par Mgr Thierry Scherrer, évêque de Laval. Les ordinands seront au nombre de 10 : quatre prêtres et six diacres. Priez pour eux !
Quelle sera la mission de ces nouveaux prêtres ? Quels liens entretenez-vous avec les diocèses ?
La mission du prêtre découle de sa consécration. En tant qu’elle est unie à l’ordre épiscopal, elle participe à l’Autorité par laquelle le Christ construit, sanctifie et gouverne son Corps. C’est pourquoi, par l’ordination, il est marqué d’un « caractère » spécial, qui le configure au Christ Prêtre pour le rendre capable d’agir au nom du Christ Tête en personne. Concrètement, cette action ministérielle sera délimitée par une mission canonique reçue de l’évêque. Elle sera différente pour chacun des ordonnés, en fonction de leur affectation dans tel ou tel diocèse. Nous entretenons avec les diocèses des liens de communion et de service dans un esprit d’écoute et de collaboration.
Que montre le fait qu’aujourd’hui tant d’hommes choisissent le sacerdoce ?
Cela montre que le Seigneur continue d’appeler à Le suivre dans cette vocation très spécifique au service de l’Église et du monde. Cela signifie aussi que des hommes savent entendre, discerner et répondre à cet appel, avec la grâce de l’Esprit Saint. Cela montre qu’il y a beaucoup de générosité de part et d’autre !
Que répondez-vous aux personnes qui vous accusent de vider les séminaires diocésains ?
La Communauté Saint-Martin a une mission spécifique au sein de l’Église. Parmi ses finalités, l’Église lui a reconnu la mission de former des prêtres pour vivre leur ministère en communauté au service des diocèses. Cette vocation spéciale, je le constate, suscite un attrait sur certains jeunes. Mais restons modestes, car le nombre des séminaristes de la Communauté est un phénomène récent, dont l’interprétation ne doit pas être caricaturale. La réalité est complexe. Je tiens à préciser, de plus, que nous ne « volons » pas les vocations des autres, mais nous essayons de discerner pour chaque candidat si son appel est bien celui de la Communauté Saint-Martin. Le nombre de candidats dans les séminaires diocésains est réellement un sujet d’inquiétude et de prière pour moi. Je serai très heureux que tous les séminaires, les monastères et les communautés religieuses soient remplis de vocations. Les défis missionnaires sont tellement immenses et urgents… La question n’est pas : « Pourquoi des jeunes entrent à Saint-Martin ? », mais : « Pourquoi aussi peu de jeunes Français répondent à l’appel du Seigneur y compris dans les autres lieux de formation ? ».
Comment mettez-vous en œuvre le motu proprio Summorum pontificum ?
La Communauté Saint-Martin, vous le savez, dans la fidélité et l’obéissance à l’Église, célèbre la messe selon la forme ordinaire du rit romain, en conformité avec la réforme liturgique initiée par le concile Vatican II. Elle aime la Tradition de l’Église, la respecte, lui obéit, sans s’opposer aux évolutions rituelles que l’Église a toujours connues, à partir du moment où elles sont voulues et guidées par le Magistère de l’Église.
Pourquoi la CSM connait-elle un tel succès ?
Tout d’abord, je vous répondrai que le succès n’est pas le nom de Dieu ! Ensuite, je vous signale que parler de succès, c’est déjà interpréter, et interpréter hâtivement. Avant d’être un succès, le nombre de séminaristes de la CSM est un fait, qui m’a conduit à une double interrogation. La première – ad intra – est celle de notre responsabilité quant à l’accueil de tous ces jeunes hommes. En effet, recevoir autant de candidats, m’a posé la question du suivi de chacun, du discernement personnalisé, de la qualification et de la disponibilité de l’équipe des formateurs. En externe, je me suis posé une autre question : comment cela sera-t-il perçu ? Nous ne pouvons pas faire fi de l’image que nous avons, car nous appartenons à l’Église. D’une part, la Communauté prend et sera amené à prendre plus de place dans le paysage catholique français. D’autre part, les prêtres ou les diacres que nous formons sont au service de l’Église universelle, comme une aide proposée pour la répartition du clergé. En effet, nous ne servons pas uniquement les diocèses français, mais nous pouvons être appelés à rendre un service à toute l’Église. Actuellement, nous avons une implantation à Cuba et deux en Italie. On peut donc avoir l’impression qu’il y a beaucoup de monde mais proportionnellement aux besoins de l’Église, c’est une goutte d’eau !
Quelle est la spécificité de la formation proposée à la Communauté Saint-Martin ?
Comme tous les séminaires, nous essayons de vivre les quatre dimensions de la formation initiale : intellectuelle, spirituelle, humaine et pastorale. La formation humaine est assez virile, dans le sens où les choses sont dites clairement à chaque candidat, et où chacun est poussé à se dépasser pour connaître ses limites, ses fragilités, mais aussi ses potentialités. Elle comprend évidemment une formation à la liberté intérieure, au discernement, à la vie affective en vue de grandir dans une vraie maturité, et une formation spécifique à la vie familiale selon les us et coutumes de la Communauté. Vivre en communauté, c’est sortir de son individualisme, de son idéalisme parfois, souvent de son perfectionnisme. Vivre en communauté, c’est apprendre à être un homme responsable de ses actes, capable de construire des relations adultes et respectueuses de l’autre. Nous apprenons aux séminaristes à se mettre au service du frère, à respecter le bien commun, à pardonner. En bref à vivre comme un chrétien dans le monde.
La formation liturgique tient une grande place dans la formation spirituelle des séminaristes. Elle est, en effet, une école à la fois de vie intérieure et de vie ecclésiale. En cela, elle nous prépare à la vie du Ciel et elle est au cœur de la nouvelle évangélisation. Oui, la liturgie est une école de vie chrétienne, où notre moi « individualiste » et « possessif » découvre qu’il n’est pas le tout. Il est appelé à renoncer à lui-même pour s’ouvrir à plus grand et plus beau que son univers étroit. Il fait l’expérience d’une double humilité : celle du sacrifice, de l’abandon de la souveraineté subjective, ou des aspirations émotionnelles ; et celle qui consiste à accepter volontairement une vie spirituelle qui déborde infiniment le cadre de sa vie propre. La dimension communautaire de la liturgie implique de vivre avec autrui, de vivre la vie des autres comme si elle était notre propre vie, joindre et incorporer leurs demandes aux nôtres, ressentir leurs besoins comme s’ils étaient nos propres besoins. Le « nous » implique l’intégration des autres dans notre propre prière. Ce qui est exigé, c’est un constant renoncement de l’âme à elle-même, un élan, un jaillissement constant hors d’elle-même par amour du prochain, un merveilleux et grand amour prêt à partager la vie des autres, si étrangers soient-ils à nos propres affinités naturelles, culturelles. Elle nous nourrit d’un pain de vie et d’eau vive que nous sommes invités à recevoir car nous ne pouvons pas nous les procurer par nous-mêmes.