Pâques est la victoire sur la peur

Publié le 05 Mai 2019
Pâques est la victoire sur la peur L'Homme Nouveau

Au cours de la vigile pascale  qui constitue le sommet de l’année liturgique, l’Église propose, comme préparation au baptême, une longue liturgie de la Parole, avec des lectures qui rappellent les étapes essentielles de l’histoire du salut, ou suivent l’itinéraire de la lumière salvifique, depuis le premier jour de la création jusqu’à l’illumination baptismale qui se renouvelle chaque année. Mais cette longue veillée nocturne fut assez vite désertée par le peuple chrétien, une fois que les baptêmes d’adultes furent devenus rares. Ainsi, cette vigile se transposa en début d’après-midi puis même le matin, si bien que le diacre chantait en plein jour l’Exultet célébrant la nuit bienheureuse. Pie XII, par sa réforme de la Semaine sainte, remit la Vigile pascale au cours de la nuit et lui conféra la structure que nous lui connaissons : bénédiction du feu nouveau en dehors de l’église, préparation, bénédiction et allumage du cierge pascal, procession du Lumen Christi, chant de l’Exultet par le diacre, liturgie de la Parole, puis liturgie baptismale qui comprend la litanie des saints, la bénédiction de l’eau baptismale, éventuellement le baptême d’adultes ou d’enfants, la rénovation par tous les fidèles de la profession de foi baptismale et enfin la messe pontificale sans caractéristique particulière, si ce n’est le chant solennel de l’Alléluia.

    Pour revivre les grands événements du Mystère pascal du Christ, il est bon d’entrer dans l’intime des personnages historiques, en s’identifiant à eux. Nous sommes tous en effet plus ou moins des Pierre, des Judas, des Simon de Cyrène ou des saint Jean. C’est ce que fait le Pape dans son homélie de la vigile pascale en disant que le chemin des saintes femmes se rendant au tombeau est également le nôtre. Ce chemin est marqué par l’angoisse et la peur, en un mot la crainte de la frustration qui enlève toute espérance et aussi toute foi. Cette peur du futur, même proche, est collée à notre peau de pécheur. Le péché de nos premiers parents nous a rendus en effet esclaves de Satan et nous a mis dans les mains de la mort à laquelle on s’est résigné plus ou moins. D’où cette hantise constante de l’échec, suscitant en nous de fausses questions. La réponse de l’ange aux femmes, et donc à nous aussi, nous oriente vers le haut. Avec la victoire du Christ sur la mort et sur le péché, l’histoire humaine est complètement changée. L’ange en disant : « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? », nous redonne courage. Pâques est ainsi la victoire sur la peur. Nous pourrons enlever avec Jésus toutes les pierres qui se présenteront sur notre chemin. En ouvrant toutes nos portes au Christ et à sa lumière rédemptrice, nous n’aurons désormais plus peur, comme nous y invitait Jean-Paul II lors de sa mémorable messe d’intronisation. Avec Jésus ressuscité, avec Marie la Mère du Rédempteur de l’homme et notre Mère, reprenons courage. Avec eux, nous pourrons soulever toutes les pierres de la méfiance, de la désespérance, de la haine, de tout découragement malsain, en un mot de tout ce qui entrave notre marche vers la lumière, vers la vie et vers l’Amour. Nous pourrons soulever la pierre du péché, si séducteur en raison des promesses faciles et rapides qu’il nous présente, mais pourtant si fallacieux. Nous pourrons soulever la pierre de la mondanité qui brille avec les éclats de l’argent ou de la carrière, de l’orgueil et du plaisir. Regardons plutôt avec Marie la lumière que nous offre le Christ ressuscité, qui nous invite à sa gloire à travers les armes de l’humilité et de l’obéissance.

 

 

VEILLÉE PASCALE EN LA NUIT SAINTE 

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique vaticane
Samedi saint 20 avril 2019

1. Les femmes portent les aromates à la tombe mais elles craignent que le trajet soit inutile car une grosse pierre barre l’entrée du tombeau. Le chemin de ces femmes, c’est aussi notre chemin ; il ressemble au chemin du salut que nous avons parcouru ce soir. Sur ce chemin, il semble que tout vienne se briser contre une pierre : la beauté de la création contre le drame du péché ; la libération de l’esclavage contre l’infidélité à l’Alliance ; les promesses des prophètes contre la triste indifférence du peuple. Il en est ainsi également dans l’histoire de l’Eglise et dans l’histoire de chacun de nous : il semble que les pas accomplis ne parviennent jamais au but. L’idée peut ainsi s’insinuer que la frustration de l’espérance est la loi obscure de la vie. 

Mais nous découvrons aujourd’hui que notre chemin n’est pas vain, qu’il ne se cogne pas contre une pierre tombale. Une phrase ébranle les femmes et change l’histoire : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » (Lc 24,5) ; pourquoi pensez-vous que tout cela ne serve à rien, que personne ne puisse enlever vos pierres ? Pourquoi cédez-vous à la résignation ou à l’échec ? Pâques, frères et sœurs, est la fête de l’enlèvement des pierres. Dieu enlève les pierres les plus dures contre lesquelles viennent s’écraser les espérances et les attentes : la mort, le péché, la peur, la mondanité. L’histoire humaine ne finit pas devant une pierre tombale, car elle découvre aujourd’hui la « Pierre vivante » (cf. 1P 2, 4) : Jésus ressuscité. Nous, comme Eglise, nous sommes fondés sur lui et, même lorsque nous perdons courage, lorsque nous sommes tentés de tout juger sur la base de nos échecs, il vient faire toutes choses nouvelles, renverser nos déceptions. Chacun, ce soir, est appelé à retrouver, dans le Vivant, celui qui enlève du cœur les pierres les plus lourdes. Demandons-nous avant tout : quelle est ma pierre à retirer, comment se nomme cette pierre ?

Souvent la pierre de la méfiance entrave l’espérance. Quand l’idée que tout va mal prend de l’ampleur, et qu’il n’y a jamais de fin au pire, nous en arrivons, résignés, à croire que la mort est plus forte que la vie, et nous devenons cyniques et moqueurs, porteurs de découragement malsain. Pierre sur pierre nous construisons en nous un monument à l’insatisfaction, le tombeau de l’espérance. En nous plaignant de la vie, nous rendons la vie dépendante des plaintes, et spirituellement malade. Une sorte de psychologie du tombeau s’insinue alors : toute chose finit là, sans espérance d’en sortir vivant. Voilà alors la question cinglante de Pâques : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Le Seigneur n’habite pas dans la résignation. Il est ressuscité, il n’est pas là ; ne le cherche pas où tu ne le trouveras jamais : il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants (cf. Mt 22, 32). N’enterre pas l’espérance !

Il y a une seconde pierre qui souvent scelle le cœur : la pierre du péché. Le péché séduit, promet des choses faciles et rapides, bien-être et succès, mais il laisse ensuite, à l’intérieur, solitude et mort. Le péché, c’est chercher la vie parmi les morts, le sens de la vie dans les choses qui passent. Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Pourquoi ne te décides-tu pas à abandonner ce péché qui, comme une pierre à l’entrée du cœur, empêche la lumière divine d’entrer ? Pourquoi aux brillants éclats de l’argent, de la carrière, de l’orgueil et du plaisir, ne préfères-tu pas Jésus, la vraie lumière (cf. Jn 1, 9) ? Pourquoi ne dis-tu pas aux vanités mondaines que ce n’est pas pour elles que tu vis, mais pour le Seigneur de la vie ? 

2. Revenons aux femmes qui vont au tombeau de Jésus. Devant la pierre enlevée, elles restent abasourdies ; en voyant les anges, elles sont, dit l’Evangile, « saisies de crainte », « le visage incliné vers le sol » (Lc 24, 5). Elles n’ont pas le courage de lever le regard. Et combien de fois cela nous arrive-t-il à nous aussi : nous préférons rester prostrés dans nos limites, nous terrer dans nos peurs. C’est étrange : mais pourquoi faisons-nous ainsi ? Souvent parce que, dans la fermeture et la tristesse, nous sommes les protagonistes, parce qu’il est plus facile de rester seuls dans les pièces obscures de notre cœur que de nous ouvrir au Seigneur. Et cependant lui seul relève. Une poétesse a écrit : « Nous ne connaissons jamais notre taille tant que nous ne sommes pas appelés à nous lever » (E. Dickinson, We never know how high we are ). Le Seigneur nous appelle à nous lever, à nous redresser sur sa Parole, à regarder vers le haut et à croire que nous sommes faits pour le Ciel, non pas pour la terre ; pour les hauteurs de la vie, non pas pour les bassesses de la mort : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? 

Dieu nous demande de regarder la vie comme lui la regarde, lui qui voit toujours en chacun de nous un foyer irrésistible de beauté. Dans le péché, il voit des enfants à relever ; dans la mort, des frères à ressusciter ; dans la désolation, des cœurs à consoler. Ne crains donc pas : le Seigneur aime cette vie qui est la tienne, même quand tu as peur de la regarder et de la prendre en main. A Pâques, il te montre combien il l’aime : au point de la traverser tout entière, d’éprouver l’angoisse, l’abandon, la mort et les enfers pour en sortir victorieux et te dire : “Tu n’es pas seul, aies confiance en moi !” Jésus est spécialiste pour transformer nos morts en vie, nos plaintes en danse (cf. Ps 30, 12) : avec lui nous pouvons accomplir nous aussi la Pâque, c’est-à-dire le passage : passage de la fermeture à la communion, de la désolation à la consolation, de la peur à la confiance. Ne restons pas à regarder par terre, apeurés, regardons Jésus ressuscité : son regard nous insuffle l’espérance, parce qu’il nous dit que nous sommes toujours aimés et que malgré tout ce que nous pouvons faire, son amour ne change pas. Ceci la certitude non négociable de la vie : son amour ne change pas. Demandons-nous : dans la vie, où est-ce que je regarde ? Est-ce que je contemple des milieux sépulcraux ou est-ce que je cherche le Vivant ? 

3. Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Les femmes écoutent l’appel des anges qui ajoutent : « Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée » (Lc 24, 6). Ces femmes avaient oublié l’espérance parce qu’elles ne se rappelaient pas des paroles de Jésus, son appel survenu en Galilée. Ayant perdu la mémoire vivante de Jésus, elles restent à regarder le tombeau. La foi a besoin de revenir en Galilée, de raviver le premier amour avec Jésus, son appel : se souvenir de lui, c’est-à-dire revenir de tout cœur à lui. Revenir à un amour vivant avec le Seigneur est essentiel, autrement, on a une foi de musée, non pas la foi pascale. Mais Jésus n’est pas un personnage du passé, il est une personne vivante, aujourd’hui ; on ne le connait pas dans les livres d’histoire, on le rencontre dans la vie. Faisons aujourd’hui mémoire du moment où Jésus nous a appelés, où il a vaincu nos ténèbres, nos résistances, nos péchés ; de la manière dont il nous a touché le cœur par sa Parole. 

Frères et sœurs, retournons en Galilée.

Les femmes, se souvenant de Jésus, quittent le tombeau. Pâques nous apprend que le croyant s’arrête peu au cimetière, parce qu’il est appelé à marcher à la rencontre du Vivant. Demandons-nous : dans ma vie, vers quoi est-ce que je marche ? Parfois nous allons toujours et seulement vers nos problèmes, qui ne manquent jamais, et nous allons vers le Seigneur seulement pour qu’il nous aide. Mais alors, ce sont nos besoins, et non Jésus, qui nous orientent. Et c’est toujours chercher le Vivant parmi les morts. Combien de fois, ensuite, après avoir rencontré le Seigneur, retournons-nous parmi les morts, rôdant en nous-mêmes pour raviver les regrets, les remords, les blessures et les insatisfactions, sans laisser le Ressuscité nous transformer. Chers frères et sœurs, donnons au Vivant la place centrale dans notre vie. Demandons la grâce de ne pas nous laisser entraîner par le courant, par l’océan des problèmes ; de ne pas nous briser sur les pierres du péché et sur les écueils de la méfiance et de la peur. Cherchons-le, lui, laissons-nous chercher par lui, cherchons-le, lui, en toute chose et avant tout. Et avec lui, nous ressusciterons.

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