Printemps algérien au Soudan ?

Publié le 25 Avr 2019
Printemps algérien au Soudan ? L'Homme Nouveau

Pourquoi la fin de cette longue parenthèse de 30 ans de pouvoir du général Omar Al-Bachir au Soudan ? Et, surtout, jusqu’à quel point la destitution du tyran de Khartoum est-elle comparable à la démission d’Abdelaziz Bouteflika à Alger ?

Le 11 avril, président du Soudan depuis le 30 juin 1989, Omar Al-Bachir était destitué. Arrivé au pouvoir grâce à un putsch de l’armée, il s’en voyait évincé par une intervention de la même armée.

Le glas de son règne a commencé à sonner le 19 décembre dernier. Allant en s’amplifiant jusqu’à aujourd’hui, des manifestations éclataient dans les villes du pays en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires de base dont certains avaient plus que doublé en un an. Depuis le début du mois, on manquait même de pain dans la capitale, Khartoum. Un comble, l’agriculture étant le principal produit d’exportation du pays.

Mais, en 2011, avec la sécession du Sud-Soudan, Khartoum a perdu une autre partie importante de ses revenus, celle des puits de pétrole dont le pays partage désormais les nappes avec le nouvel État. Provoquant une inflation de 70% au cours de la dernière année, les difficultés économiques s’ajoutaient à des choix politiques de plus en plus mal acceptés par la population parce qu’ils marginalisent le pays.

Or, le général Al-Bachir avait opté pour une ligne islamiste radicale, espérant tirer de cette idéologie une légitimité dont son gouvernement tyrannique manquait. À cette fin, il avait associé à son régime Hassan Al-Tourabi, le leader du parti du Front national islamique (1). Il en avait même fait un moment le président du Parlement, avant de l’incarcérer par intermittence pour ses critiques répétées.

Il avait été plus loin encore, laissant s’organiser à Khartoum plusieurs conférences dites « populaires » et « islamiques » auxquelles participait le gratin de l’extrémisme et du terrorisme mondial. On y rencontrait les chefs du Jihâd islamique, du Hezbollah, du Hamas et même des représentants d’Al-Qaïda.

Oussama Ben Laden lui-même a été hébergé au Soudan, avant d’en être poussé vers la sortie en 1996. Le terroriste Carlos a connu un sort quasi identique. Arrivé dans le pays en 1991, en 1994, sous pression de Paris, il était livré aux services français. C’est que, dans le reste du monde, on s’énervait des relations sulfureuses d’Al-Bachir. Alors, il finit par faire l’objet de deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale. En 2009, pour crimes contre l’humanité, et en 2010 pour génocide au Darfour, une région en rébellion contre le pouvoir central soudanais.

À première vue, on pourrait croire la crise soudanaise une répétition de celle de l’Algérie. Dans les deux cas, on a une forte mobilisation de la population contre le pouvoir doublé d’une intervention de l’armée pour tenter de régler le problème. Mais là s’arrête la ressemblance.

En Algérie, le Président a donné sa démission et les militaires sont restés dans le cadre de la légalité en cherchant une solution conforme à la Constitution pour préparer les élections. En outre, point remarquable, il n’y a pas eu de brutalités.

Au Soudan, en revanche, d’une part on compte déjà 49 morts du fait des forces de police. D’autre part, l’armée s’est emparée du pouvoir au nom d’un Conseil militaire de transition qui devrait remplacer Al-Bachir pendant deux ans. Alors, seulement, des élections devraient prendre place.

N’oublions pas non plus que les deux pays sont structurellement différents. Quand en Algérie le régime s’est partiellement démocratisé depuis 1988, libéralisant quelque peu la presse et permettant la création de partis politiques, le Soudan vit dans un système de parti unique. De plus, il reste très en retard sur le plan de l’éducation quand l’Algérie a fait de gros efforts en la matière.

En clair, les Soudanais jouissent d’un terrain moins favorable à l’enracinement des libertés essentielles que les Algériens. Mais tout cela n’est-il pas, après tout, très relatif.

1. Alain Chevalérias a publié un livre d’interviews de Hassan Al-Tourabi :  Islam avenir du monde, Lattès, 320 p., 23,90 €.

Ce contenu pourrait vous intéresser

International

Emmanuel Macron en Afrique : une tournée présidentielle sous tension

Les 1er et 2 mars, à Libreville (Gabon), Emmanuel Macron participait à un sommet qui avait l’ambition d’offrir « des solutions concrètes » en matière de conservation des forêts et de dérèglement climatique. C’était le « One Forest Summit », un peu décalé par rapport aux réalités de la région, mais qui va remplir son office de « pompe à fric » sous forme de subventions diverses et de reversements de taxes carbone. 

+

1780 Chev Emmanuel Macron 2017 05 29 cropped emmanuel macron
International

Ballon espion : la Chine fait des bulles

rier, un ballon est signalé dans le ciel américain. Il est abattu par l’armée le 4 dans les eaux territoriales. Puis le 10 février, des avions de chasse F22 descendent un objet volant près des côtes de l’Alaska. Le 11, le Canada demande aux États-Unis d’intervenir pour faire feu sur un autre engin au-dessus du Yukon. Enfin, le 12, c’est à la verticale du Michigan (États-Unis) qu’un nouvel engin est abattu.

Le 8, Washington accusait la Chine de lancer « une flotte de ballons destinés à des opérations d’espionnage » à travers le monde. Étions-nous à la veille d’un nouveau conflit diplomatique ?

Très vite, Pékin s’avouait le propriétaire du premier ballon et déclarait que ce dernier transportait des équipements pour recueillir « principalement » des données météorologiques. On retiendra que « principalement » ne veut pas dire exclusivement. Même si les Chinois affirment que leur aérostat était sorti involontairement de sa trajectoire, les Américains s’inquiétaient d’autant plus qu’il était passé au-dessus du Montana où sont implantés leurs missiles nucléaires.

La suite nous en dira sans doute plus puisque l’aéronef a été récupéré pour analyse. Néanmoins, on sait déjà que sa charge était plus importante que celle d’un ballon météorologique normal. D’autre part, la nacelle était équipée d’un système de guidage qui rend peu crédible la thèse d’un écart involontaire de trajectoire.

La Chine n’en a pas moins répliqué avec fermeté : en exprimant « son fort mécontentement, elle proteste contre l’utilisation de la force par les États-Unis ».

Cependant, le mystère reste entier pour les trois autres engins volants non identifiés. Pékin n’en reconnaît pas la paternité et Joe Biden lui-même a déclaré : « Ces trois objets sont vraisemblablement liés à des entreprises privées, à des activités de loisirs ou à des institutions de recherche. » Peut-être, mais personne n’a élevé la voix pour se plaindre ou signaler la destruction de son ou de ses équipements. Ensuite, le président des États-Unis a donné un peu vite une explication logique et possible à ce mystère.

Mieux, il cherche à rassurer, disant qu’il n’y a pas une soudaine augmentation d’objets volants dans le ciel américain mais une meilleure capacité à les détecter avec les radars. Au point que l’on se demande s’il ne couvre pas autre chose. Dans son registre, le général Glen VanHerck, patron des forces aérospatiales américaines, en rajoutait. À une question sur un possible envoi d’OVNI par des extraterrestres, il répondait « n’avoir rien écarté à ce stade ». La Maison Blanche s’est vue obligée de démentir cette hypothèse.

La question se pose : l’armée américaine aurait-elle détruit le matériel d’expériences secrètes plutôt que de les révéler au public ? Ce ne serait pas la première fois, en raison du cloisonnement des informations sur de telles opérations. Un autre détail pourrait aller dans ce sens pour les trois autres aéronefs : alors que les restes du premier ont été retrouvés, l’armée américaine a déclaré ses recherches infructueuses pour les trois autres.

Reste à s’interroger sur la légitimité, en termes de droit, du survol d’un territoire par des ballons d’un pays tiers et, non moins important, de leur destruction par le pays survolé. Chaque État jouit de « la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire », selon les règles de l’aviation civile. Les appareils civils sont libres de circuler, mais les appareils militaires peuvent être interceptés. Et s’il s’agit d’un appareil espion qui se donne une apparence civile ?

Néanmoins, et c’est un autre problème, selon Pékin, depuis l’année dernière, « des ballons américains ont survolé la Chine à au moins dix reprises ». Le hiatus est sans doute là : Washington n’accepte pas qu’on lui renvoie la politesse.

+

shutterstock 2261623275 emmanuel macron
International

Isabelle la Catholique sera-t-elle bientôt béatifiée ?

Poursuivie avec son époux Ferdinand par une tenace légende noire, la reine Isabelle la Catholique a malgré tout été déclarée « servante de Dieu » par Paul VI en 1974. Et le processus de béatification est en cours. Explications avec Don José Luis  Rubio Willen le président de la Commission pour la béatification de la souveraine.

+

1778 IsabellaofCastile03 emmanuel macron
International

Syrie, Turquie : où est l’humanité ?

Le 6 février, en pleine nuit, à 4 heures 17, un séisme éclatait en Turquie et en Syrie. D’une magnitude de 7,8, son épicentre se situait dans la région de la ville turque de Gaziantep, non loin de la frontière syrienne.

+

1778 Chev Gaziantep Castle emmanuel macron