Quel avenir pour l’Espagne ?

Publié le 18 Oct 2017
Quel avenir pour l'Espagne ? L'Homme Nouveau

Vu de France, les événements concernant la Catalogne et par extension, l’Espagne et son unité, ne sont pas toujours très compréhensibles. Entachés de jacobinisme et souvent d’une fausse conception de la subsidiarité, détournée du bien commun, nous peinons à saisir la réalité profonde des événements actuels. Directeur de l’agence FARO et du service de presse et de documentation de la Communion Traditionnaliste (Carliste), Luis Infante a bien voulu répondre à nos questions.

Avec le référendum en Catalogne, l’Espagne est-elle en voie d’éclatement ?

Même pour qui pourrait donner quelque crédit à ce type de consultation, le soi-disant référendum du 1er octobre 2017 n’a été en réalité qu’une simple farce. Mises à part sa totale illégalité et absolue illégitimité, il n’y eut aucune sorte de garanties, ni en ce qui concerne les listes électorales, ni dans le dépouillement, pas plus que dans le processus même. La participation a été des plus faibles, ce qui n’a pas empêché le séditieux gouvernement autonome de Catalogne de proclamer des résultats où le nombre des votes exprimés dans certaines localités était supérieur à la population de celles-ci… Le risque de morcellement de l’Espagne existe. Il existait avant ce prétendu référendum et continue à exister après. Le séparatisme se consacre depuis des décennies à préparer le terrain, bénéficiant de la connivence des différents gouvernements se succédant à Madrid, et l’actuelle apathie du gouvernement du Parti Populaire ne contribue qu’à transmettre aux séparatistes l’impression qu’ils peuvent agir en toute impunité.

A quelle logique obéit exactement le gouvernement de Catalogne ?

A la logique installée depuis la Constitution de 1978, pour le moins. En effet, en introduisant le terme « nationalités » appliqué à certaines des communautés autonomes qu’elle créait, celle-ci a ouvert la voie au séparatisme. Séparatisme qui, de plus, s’est vu favorisé par les lois électorales mises en place à cette période et qui sont toujours en vigueur aujourd’hui. En vertu des nouveaux statuts d’autonomie, les gouvernements régionaux aux mains des nationalistes se sont trouvés détenteurs de tous les moyens et ressorts (l’enseignement, les moyens de communication, l’ordre public, les budgets, le contrôle des subventions et des amendes, etc.) pour créer une réalité nouvelle, et ce depuis l’école même : une histoire totalement inventée et falsifiée dans laquelle la Catalogne (qui, en réalité, n’a jamais constitué un royaume indépendant et qui n’est apparue comme entité politique qu’au sein de la Couronne d’Aragon au XVIème siècle) serait une nation opprimée. Une langue inventée et imposée, le catalan « pompeufabriste » (de Pompeyo ou Pompeu Fabra, l’ingénieur nationaliste qui l’a conçue) qui cherche à supplanter aussi bien les formes anciennes du catalan que le castillan, langue commune de tous les Espagnols et la plus parlée en Catalogne entre les XVIII et XXIèmes siècles.

L’extrême corruption de l’administration autonome catalane où il y a plus d’hommes politiques et de hauts dirigeants faisant l’objet de poursuites judiciaires qu’en toute autre communauté autonome d’Espagne, ainsi que le gaspillage, phénomène habituel dans la démocratie espagnole, mais poussé jusqu’au bout ultime de sa signification en Catalogne, tout cela semble avoir incité les politiques nationalistes à la fuite en avant. Si durant des décennies le séparatisme a été fomenté, préférence avait été donnée au recours au chantage contre le reste de l’Espagne et contre la propre société catalane, tandis que depuis quelques années les nationalistes du post-franquisme ont opté pour aller à la ségrégation, s’alliant pour ce faire à l’extrême-gauche.

Doit-on voir dans ce mouvement en faveur de l’indépendance, une pression d’instances internationales, favorables au démantèlement des vielles nations ?

Sans doute. Le Porte-étendard du carlisme, S.A.R. Sixte-Henri de Bourbon-Parme, le signalait déjà dans son manifeste de 2001 :

« La nouvelle “organisation politique” – qui, à proprement parler, s’apparente plus à l’absence d’ordre politique, c’est-à-dire au désordre- combine de façon létale le capitalisme libéral, l’étatisme socialiste et l’indifférentisme moral dans un processus que résume la tendance qui en est venue à s’intituler “globalisation” et qui accompagne la dissolution des patries, l’espagnole en particulier, prise en tenailles entre les bras du pseudo-régionalisme et de l’européisme, dans une fausse dialectique car le propre de l’hispanité a toujours été le fuero (loi particulière à une province ou à une ville, NdT) expression de l’autonomie et en même temps instrument d’intégration, incarnation de la liberté chrétienne, au travers du véhicule de ce fait dénommé en toute justice monarchie fédérative et missionnaire. »

Dernièrement ont été révélées les sommes considérables avec lesquelles George Soros a contribué à la nébuleuse du séparatisme catalan. Sont bien connus également le militantisme sioniste du nationalisme bourgeois (notamment de l’ancienne Convergence Démocratique de Catalogne, désormais Parti Démocrate Européen Catalan, PDeCAT ; mais aussi de la Gauche Républicaine de Catalogne, ERC). Qui, bien entendu, ne sont nullement incompatibles avec la promotion de l’immigration mahométane et des courants les plus radicaux du sunnisme. Le séparatisme catalan trouve aussi des soutiens auprès des secteurs de l’establishment états-unien (autant auprès des néoconservateurs et libertariens que des démocrates), ainsi que britannique. Pour ce dernier cas, notamment auprès des proches du lobby britannique du Gibraltar occupé. Et, évidemment, l’influence maçonnique dans le processus séparatiste est de plus en plus manifeste.

Les traditions politiques espagnoles n’étaient-elles pas suffisantes pour garantir une certaine autonomie dans le cadre d’une Espagne unie ?

Elles sont plus que suffisantes. La tradition politique espagnole suppose le respect maximum envers les particularités et ordonnancements juridiques propres aux différents royaumes, principautés, seigneuries et régions qui composent la Patrie. Pour citer de nouveau le Prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme, en ce cas lors de sa récente déclaration du 29 septembre 2017 (texte complet ci-dessous) :

« Mon grand-oncle, Carlos VII, a restauré en 1872 la plénitude des fueros [lois “coutumières”] de la Couronne d’Aragon et notamment ceux de la Principauté de Catalogne. La conspiration libérale, soutenue par les loges et les puissances étrangères, empêcha la victoire du Roi légitime d’Espagne qui aurait évité les désastres ultérieurs. »

Doit-on voir dans ce mouvement, la faillite de l’actuelle monarchie libérale ?

En effet. En réalité, le régime issu de la Constitution de 1978 n’est pas à proprement dit une monarchie, même pas libérale, mais une république parlementaire couronnée. L’indifférence de ses titulaires, que ce soit Juan Carlos ou son fils Felipe Juan, envers les intérêts de l’Espagne est notoire. Tout comme l’est toujours plus son lien avec le rite écossais ancien et accepté.

Que manque-t-il pour régler ce problème ?

Le problème n’a pas de véritable solution dans le cadre légal en vigueur. Ceux qui invoquent contre le séparatisme la Constitution de 1978 semblent ignorer qu’elle est la cause principale de la recrudescence de ce même séparatisme et qu’elle peut parfaitement être réformée pour le protéger. La seule solution intégrale serait la restauration de la monarchie catholique, fédérative, sociale et représentative ainsi que la dynastie légitime. Ceci étant dit, dans la conjoncture actuelle, les moyens nécessaires doivent être mis en œuvre pour conserver l’unité de ce qui demeure de l’Espagne, des Espagnes, dans l’attente de la restauration future. Comme le titre mis en exergue de la déclaration de S.A.R. Sixte-Henri de Bourbon-Parme : « l’unité de l’Espagne doit être maintenue à tout prix. »

Est ce que le slogan « España Una, Grande, Libre » est la voie de la solution ou ne faudrait-il pas que les Espagnes revivent dans le respect des « fueros » ?

Les fueros sont l’unique voie. La devise « Una, Grande y Libre » procède de la Phalange, un parti centralisateur et jacobin dont l’idée de l’Espagne provient de la révolution libérale, importée de la Révolution française. Aussi centralisateurs et jacobins sont les nationalismes régionaux (catalan ou basque, par exemple) comme l’est le nationalisme espagnol : en réalité faussement espagnol, tout comme sont faussement catalan et faussement basque les nationalismes de ces régions. L’Espagne grande, les Espagnes, réside dans l’union foral (celles des fueros), fédérative, de plusieurs régions distinctes, sous le même Dieu et le même Roi. Lorsque nous serons revenus à cela, le problème séparatiste aura disparu.

Document :

Aux carlistes et à tous les Espagnols de bonne volonté, L’unité de l’Espagne doit être maintenue à tout prix !

Deux jours après le référendum séparatiste, organisé en Catalogne par un gouvernement autonome séditieux et illégitime, nous ne savons toujours pas si le gouvernement de fait d’Espagne va remplir son devoir et empêcher cette célébration.

L’heure est grave.

La propagande séparatiste déclenchée à l’étranger n’a pas été contrecarrée par les moyens dont l’Etat dispose.

Le gouvernement de Mariano Rajoy semble poursuivre la politique suicidaire d’ignorance de l’authentique tradition catalane, et de concessions au nationalisme qui, depuis plusieurs décennies, préparent la situation explosive qui d’ores et déjà est en cours. La Catalogne est une partie fondamentale et inséparable de la Couronne d’Aragon, partie intégrante de la monarchie espagnole. C’est une région éminemment espagnole.

Tout argument en sens contraire ignore la réalité et contredit l’histoire.

Il est douloureux de voir comment la région qui, depuis le XVIIIeme siècle, s’est révélée la plus contre-révolutionnaire et la plus antijacobine d’Espagne est aujourd’hui largement contrôlée par les révolutionnaires les plus extrémistes et par les jacobins les plus radicaux. De fait le nationalisme catalan est aussi jacobin, sinon plus, que le centralisme libéral ou autoritaire, et pour cette raison même il est anti-catalan.

Mon grand-oncle, Carlos VII, a restauré en 1872 la plénitude des fueros de la Couronne d’Aragon, et notamment ceux de la Principauté de Catalogne.

La conspiration libérale, soutenue par les loges et par les puissances étrangères, empêcha la victoire du roi légitime d’Espagne, qui aurait évité les désastres ultérieurs.

Aujourd’hui, au-delà de toute autre revendication, il faut se préparer à défendre l’unité de l’Espagne, « des Espagnes », comme l’ont toujours fait les carlistes quand le pays était en danger.

Je demande aux carlistes et à tous les Espagnols de bonne volonté de collaborer, si nécessaire, avec les forces de sécurité et les forces armées pour arrêter la tentative séparatiste et pour préserver l’unité et l’indépendance de la Patrie, quelle que soit l’attitude finalement adoptée par le gouvernement actuel. Gardons présent à l’esprit le serment de nombre d’entre nous – le mien aussi, en tant que chevalier légionnaire – devant le drapeau rouge et or.

En exil, le 29 septembre 2017, Sixte Henri de Bourbon-Parme ».

 


 

(Traduction : Christian de Cussac)

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