Russie-Ukraine : aux sources du conflit

Publié le 01 Oct 2022

Volodymyr Zelensky, président ukrainien.

Le 24 février 2022, la Russie a lancé une grande offensive sur l’Ukraine. Une surprise pour beaucoup d’observateurs. Alexandre Del Valle, géopolitologue, avait alerté sur ce risque dans son dernier livre, La Mondialisation dangereuse (L’Artilleur, 2021). Il a répondu à nos questions. Les rapprochements de l’Ukraine avec l’Otan et l’Union européenne constituaient-ils réellement un danger pour la Russie ? Alexandre Del Valle : Il n’est pas certain que ce rapprochement soit une menace existentielle pour la Russie. mais pour le « système Pou­tine » au pouvoir, certainement. Beaucoup disent que c’est un prétexte, car Poutine voit dans ­l’occidentalisation-otanisation de l’Ukraine une plate-forme de projection de puissance américaine et démocratique-libérale qui menace existentiellement son pouvoir, avec le « syndrome des révolutions de couleur », qu’il ne veut pas voir se reproduire en Russie et qui causerait sa perte. Cependant, comme le rappelle l’école française de géopolitique d’Yves Lacoste, ce qui compte ce n’est pas uniquement le réel : c’est la représentation. Or, pour le pouvoir russe, en dehors même de Poutine, bien avant son accession au pouvoir, il y a une ligne très claire selon laquelle ces rapprochements sont des casus belli. Une constante rappelée depuis les années 1997-2000. Hélas, cette vision, également chère aux généraux et stratèges russes, n’a jamais été assez prise au sérieux en Occident. Quelle différence entre le conflit actuel et la crise de Crimée ? Le problème du Donbass est beaucoup plus difficile à régler. Le territoire est très différent, ce n’est pas une presqu’île comme la Crimée. Il y a une concentration de bataillons d’extrême droite néo-nazis (le bataillon Azov par exemple) qui depuis des années tuent là-bas des russophones malgré le fait qu’ils n’ont pas voulu ou obtenu, comme en Crimée, un rattachement immédiat à la Russie. En Russie, le meurtre de ces habitants du Donbass par l’armée ukrainienne et le groupe Azov a été monté en épingle par le clan Poutine et les plus radicaux comme un casus belli, d’où la grossière désinformation de la « dénazification » promise par Poutine, qui repose sur le fait que les néo-nazis d’Azov sont issus de partis néo-nazis qui ont fait l’Euromaïdan en 2014. Ces soldats sont beaucoup plus durs sous le président Zelensky, qui a souhaité reprendre le Donbass par la force, que sous l’ancien président Porochenko. Élu, Zelensky a porté une volonté de rupture totale avec la Russie, en complexifiant les négociations et en…

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Ballon espion : la Chine fait des bulles

rier, un ballon est signalé dans le ciel américain. Il est abattu par l’armée le 4 dans les eaux territoriales. Puis le 10 février, des avions de chasse F22 descendent un objet volant près des côtes de l’Alaska. Le 11, le Canada demande aux États-Unis d’intervenir pour faire feu sur un autre engin au-dessus du Yukon. Enfin, le 12, c’est à la verticale du Michigan (États-Unis) qu’un nouvel engin est abattu.

Le 8, Washington accusait la Chine de lancer « une flotte de ballons destinés à des opérations d’espionnage » à travers le monde. Étions-nous à la veille d’un nouveau conflit diplomatique ?

Très vite, Pékin s’avouait le propriétaire du premier ballon et déclarait que ce dernier transportait des équipements pour recueillir « principalement » des données météorologiques. On retiendra que « principalement » ne veut pas dire exclusivement. Même si les Chinois affirment que leur aérostat était sorti involontairement de sa trajectoire, les Américains s’inquiétaient d’autant plus qu’il était passé au-dessus du Montana où sont implantés leurs missiles nucléaires.

La suite nous en dira sans doute plus puisque l’aéronef a été récupéré pour analyse. Néanmoins, on sait déjà que sa charge était plus importante que celle d’un ballon météorologique normal. D’autre part, la nacelle était équipée d’un système de guidage qui rend peu crédible la thèse d’un écart involontaire de trajectoire.

La Chine n’en a pas moins répliqué avec fermeté : en exprimant « son fort mécontentement, elle proteste contre l’utilisation de la force par les États-Unis ».

Cependant, le mystère reste entier pour les trois autres engins volants non identifiés. Pékin n’en reconnaît pas la paternité et Joe Biden lui-même a déclaré : « Ces trois objets sont vraisemblablement liés à des entreprises privées, à des activités de loisirs ou à des institutions de recherche. » Peut-être, mais personne n’a élevé la voix pour se plaindre ou signaler la destruction de son ou de ses équipements. Ensuite, le président des États-Unis a donné un peu vite une explication logique et possible à ce mystère.

Mieux, il cherche à rassurer, disant qu’il n’y a pas une soudaine augmentation d’objets volants dans le ciel américain mais une meilleure capacité à les détecter avec les radars. Au point que l’on se demande s’il ne couvre pas autre chose. Dans son registre, le général Glen VanHerck, patron des forces aérospatiales américaines, en rajoutait. À une question sur un possible envoi d’OVNI par des extraterrestres, il répondait « n’avoir rien écarté à ce stade ». La Maison Blanche s’est vue obligée de démentir cette hypothèse.

La question se pose : l’armée américaine aurait-elle détruit le matériel d’expériences secrètes plutôt que de les révéler au public ? Ce ne serait pas la première fois, en raison du cloisonnement des informations sur de telles opérations. Un autre détail pourrait aller dans ce sens pour les trois autres aéronefs : alors que les restes du premier ont été retrouvés, l’armée américaine a déclaré ses recherches infructueuses pour les trois autres.

Reste à s’interroger sur la légitimité, en termes de droit, du survol d’un territoire par des ballons d’un pays tiers et, non moins important, de leur destruction par le pays survolé. Chaque État jouit de « la souveraineté complète et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire », selon les règles de l’aviation civile. Les appareils civils sont libres de circuler, mais les appareils militaires peuvent être interceptés. Et s’il s’agit d’un appareil espion qui se donne une apparence civile ?

Néanmoins, et c’est un autre problème, selon Pékin, depuis l’année dernière, « des ballons américains ont survolé la Chine à au moins dix reprises ». Le hiatus est sans doute là : Washington n’accepte pas qu’on lui renvoie la politesse.

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