Salve Regina, Mater Misericordiæ

Publié le 17 Jan 2016
Salve Regina, Mater Misericordiæ L'Homme Nouveau

Dans le Salve Regina, la piété chrétienne associe Marie à la Miséricorde divine en la saluant comme la Mère de Miséricorde. D’où vient cette expression ? Les anciens ne manquant pas d’audace, un auteur espagnol du début du XVIIe siècle avance sans sourciller que le Salve remonterait aux apôtres eux-mêmes dans une version grecque. Heureuse naïveté qui fait sourire ! Néanmoins, ne nous moquons pas trop vite. Bien sûr, Mater Misericordiæ n’est pas un décalque exact de la piété des temps apostoliques ; mais le croyant intelligent ne se trompe pas en scrutant l’origine d’un tel titre de noblesse qui vise si juste. La dévotion mariale s’exprime différemment selon les temps et les lieux, mais elle est toujours et partout comme la respiration du peuple chrétien. Même, la tradition orale des origines peut ressurgir ici ou là dans tel texte fixé de façon écrite bien plus tard : au Ciel nous ferons probablement des découvertes merveilleuses, dans l’harmonieuse communion des saints.

Une origine contestée

En fait l’origine du Salve a fait couler beaucoup d’encre. À Saragosse en 1982, saint Jean-Paul II faisait état d’un auteur espagnol, un archevêque de Compostelle de la fin du Xe siècle. Mieux connue est celle du Puy, lieu marial depuis le concile d’Éphèse revendiquant la parenté de ce lieu sur le chant célèbre. Une légende parle d’une femme sourde et muette, enfermée par mégarde dans une église de cette ville : elle aurait entendu les anges et les saints du Paradis entonner ce chant en l’honneur de la Theotokos ; guérie sur-le-champ, elle le répéta au petit matin devant les fidèles présents à la messe, et ces derniers le chantèrent après elle avec émotion. Le chroniqueur médiéval qui relate le fait en 1079 conclut bravement que « ce fut la première fois que jamais fut chanté le Salve Regina ». En tout cas, cela oriente vers l’évêque d’alors, Adhémar, décédé vingt ans après le naïf chroniqueur. Au siècle suivant saint Bernard contribua à diffuser le Salve Regina, puis en 1135 le Cluny de Pierre le Vénérable, contemporain et ami de saint Bernard, en prescrivit le chant aux processions mariales. Depuis, le Salve a conquis la chrétienté : les témoignages pullulent, de saint Louis aux confréries de marchands de Londres, rivalisant pour le faire chanter semper et ubique. Le Salve fut entonné par Christophe Colomb et ses hommes au débarcadère de Saint-Domingue. À Guadalupe, Notre Dame semble y faire écho, puisque l’Indien Juan Diego témoigne l’avoir entendue lui dire : « Je désire que tu saches avec certitude que je suis ta Mère miséricordieuse. Écoute ce que je vais te dire et que cela pénètre ton cœur : ne laisse jamais quoi que ce soit te déprimer, te décourager. Ne sois pas troublé ou écrasé par ton chagrin. Ne crains aucune maladie, vexation, anxiété ou douleur. Ne suis-je pas ici, moi, ta Mère ? N’es-tu pas sous mon ombre, sous ma protection ? N’es-tu pas blotti dans les pans de mon manteau, dans mes bras ? Y a-t-il autre chose dont tu aurais besoin ? » (décembre 1531).

Mère du salut

Plus près de nous, la « Reine et Mère de Miséricorde » a converti une foule d’agnostiques. Huysmans évoque cela avec ferveur. Un certain Retté qui a touché à tout, bouddhisme compris, en devint le chantre fervent : « Mère dont la miséricorde répand les eaux vives de la grâce dans l’âme des pauvres convertis, salut ». Il glose la suite avec l’éloquence d’un Germain de Constantinople : « Nous étions comme des morts sans sépulcre, dont la pourriture infectait les hommes de bonne volonté. Toi, vie éternelle, ambroisie céleste, Toi, vase d’espérance, voici que tu nous tiras de notre corruption. Fils du péché originel, insurgés contre la Rédemption, nous avons enfin dû crier vers toi, du fond de l’abîme, où le prince de l’orgueil nous avait précipités » (Du diable à Dieu, cité en Maria, t. I, p. 889 s). Puissent les convertis d’hier intercéder maintenant auprès d’elle pour les païens d’aujourd’hui, qui, le plus souvent, n’ont pas choisi de l’être, ou en tout cas ont moins choisi qu’eux de l’être.

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