« Que soit ferme votre foi, joyeuse votre espérance et constante votre charité », nous demande l’Église. Pour la foi, passe encore, pour la charité, nous faisons ce que nous pouvons mais pour l’espérance… Ce n’est pas tous les jours joyeux, surtout pas le 25 mai dernier. Pourtant, on aurait dit un jour de liesse pour les Irlandais et les Européens qui les observaient. « C’est le genre de référendum qui vous réconcilie avec les référendums », écrivait Le Monde, ivre de bonheur. Et sur les réseaux sociaux, c’était aussi l’allégresse… « L’Irlande quitte le clan des pays moyenâgeux (Pologne, théocraties musulmanes, etc.) pour rejoindre les nations civilisées », commente un internaute tandis qu’un autre se tortille de joie car « le vieux monde de Christine Boutin s’écroule et ça fait vachement plaisir ! ». Plus encore, c’est la « victoire du progrès contre l’obscurantisme d’une vision dogmatique et périmée de la religion en Irlande ». D’ailleurs, « pas la peine de pleurnicher en essayant de faire passer un embryon pour une personne, ce qu’il n’est pas ».
Le 25 mai dernier, les Irlandais ont en effet voté à 66,4 % en faveur de l’abrogation du huitième amendement de la Constitution de leur pays qui interdit l’avortement. Et à lire les réactions des partisans de l’IVG, on ne sait ce qui les rend le plus heureux : de pouvoir avorter avec la bénédiction de l’État ou d’être débarrassés de ce qu’ils considèrent comme le poids d’une Église obscurantiste ?
Pour nous tous qui militons et prions pour le respect de la vie, pour nous aussi qui ne cachons pas notre foi, c’est un coup dur. Encore un. Être joyeux dans l’espérance, nous ne demandons que ça et ce n’est pas pour rien qu’à L’Homme Nouveau, nous l’avons solidement arrimée au logo du journal. Mais de deux choses l’une : soit nous avons un sérieux problème de vue, soit l’ancre de notre espérance s’est bel et bien détachée.
En apprenant les résultats du référendum, je me suis dit que nous étions bons pour remettre à jour le logo de L’Homme Nouveau. Le passer en noir en signe de deuil et ne garder que le cœur et la croix. Bref, reconnaître que nous voulons bien croire fermement au Père, au Fils et au Saint-Esprit, que nous voulons bien aimer notre prochain (quoique Henry de Montherlant nous ait prévenus que « ce qu’il y a de plus dur dans la charité, c’est de continuer ») mais que nous n’espérons plus grand-chose puisque tout le temps, partout, la vie humaine est attaquée. Et déjà, ce n’est pas si mal puisque, depuis le temps que nous essuyons outrages et insultes, nous aurions pu jeter la charité aux oubliettes avec l’espérance.
Sauf qu’à force de déplumer le logo du journal, il ne nous serait resté que la croix et nous aurions pu avoir des ennuis avec un quotidien chrétien pour usurpation d’identité. Il fallait donc laisser le cœur de la charité mais la question de l’espérance n’était toujours pas réglée. Après tout, les catholiques n’ont pas plus de problèmes de vue que les autres et si l’ancre n’est pas solide, si le Ciel nous envoie du matériel de mauvaise qualité, ce n’est pas de notre faute.
(Précisons que si vous en êtes à réorganiser les vertus théologales à cause d’un désastre en Irlande, vous avez déjà ou serez très bientôt en train de corriger discrètement la liste des péchés capitaux pour en rayer la mention « colère ».)
Enfin, peut-être faudrait-il quand même jeter un dernier coup d’œil, afin d’être bien sûr, avant d’effacer l’ancre de l’espérance ?
Parce que la « Maison Marthe et Marie », association qui a mis en place des colocations solidaires pour les futures mères en difficulté, a annoncé il y a quelques jours que 44 bébés étaient nés dans les maisons depuis le début de l’aventure en 2011.
Parce que l’« Association Médicale Gabriel » s’apprête à ouvrir un centre médical à Lyon, porté par des professionnels de santé attachés au respect de la vie.
Parce que chaque année depuis 2010 sont organisées en France des Veillées pour la Vie au début de l’Avent et qu’il y en a eu 280 en 2017.
Parce que… Au fond les bonnes nouvelles sont trop nombreuses pour être toutes citées. C’était donc bien un sérieux problème de vue qui nous empêchait de lire ce qu’annonce le Christ dans l’Évangile : « Vous pleurerez et vous vous lamenterez, tandis que le monde se réjouira ; vous serez affligés, mais votre affliction se changera en joie. » (Jn 16, 20) Et puisque nous avons décidé de garder la charité, nous ne dirons même pas à nos opposants, forts des paroles transmises par l’évangéliste, que « rira bien qui rira le dernier ». Nous prierons pour eux.