Le 11 décembre 2013, dans la cathédrale de Milan, le cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, a longuement traité du « risque de naufrage » de l’Église. La « situation est dramatique, apocalyptique » : le nombre des catholiques ne cesse de baisser ; les églises, pleines il y a un demi-siècle, sont vides aujourd’hui. Situation sans espoir ? Certes pas, disait le cardinal, mais situation qui exige un grand réalisme pour œuvrer à la renaissance véritable d’une évangélisation qui ne se paye pas de mots. Quelle réforme pour l’Église aujourd’hui alors que les rumeurs les plus alarmistes circulent sur la situation de l’Église et que le pape François a réuni les cardinaux dans ce dessein.
Vraie et fausse réforme
On date généralement l’adage Ecclesia semper reformanda, « l’Église doit toujours se réformer », du début du XVe siècle, à l’époque du Grand Schisme (1378-1417), où la nécessité d’une « réforme dans la tête et dans les membres », dans la papauté et dans tout le corps ecclésial, devenait évidente pour tous. Mais il fallut attendre plus d’un siècle pour voir ce grand désir du monde catholique aboutir véritablement, par-delà la réforme sous forme de révolte du protestantisme, avec le concile de Trente (1545-1563).
La réforme grégorienne
En fait, le thème de la réforme d’une Église, sainte en elle-même mais composée de pécheurs, datait du XIe siècle et de ce que l’on a appelé la réforme grégorienne (redressement de la papauté, de l’épiscopat, du clergé, lutte contre les empiétements des pouvoirs laïcs, de la corruption des clercs, de la simonie). Il faut préciser que cette réforme, dont Grégoire VII (1073-1085) fut l’un des principaux protagonistes, était déjà en œuvre dans le monachisme bénédictin, essentiellement clunisien, lequel a ensuite inspiré et soutenu l’œuvre des papes. La réforme grégorienne a ainsi consacré le fait que la vie religieuse est – ce qui est dans l’ordre des choses, en fonction de sa visée de perfection évangélique – le modèle des nécessaires rénovations de l’Église, soit par la réforme des ordres religieux anciens, soit par la création d’ordres nouveaux voulus comme « réformés » au moment de leur fondation, tels les cisterciens, plus tard les ordres mendiants. La quintessence de la tension de l’Église vers sa propre régénération se trouve ainsi dans les réformes des ordres religieux…