100 000 euros pour une limousine… ou un bébé

Publié le 03 Oct 2014
100 000 euros pour une limousine… ou un bébé L'Homme Nouveau

100 000 €. À ce prix-là, on peut s’offrir une très belle voiture – une limousine par exemple -, ou une chambre de bonne dans le 9e arrondissement de Paris. Certains, pour 100 000 €, s’offrent un enfant et ce genre de commerce se passe en France. Fin septembre, la société américaine de Gestation pour autrui (GPA) Circle Surrogacy recevait à l’hôtel Westin à Paris, tout près de l’Assemblée nationale. Un hôtel de luxe, des clients fortunés, un large choix d’ovocytes pour se faire fabriquer un enfant parfait… La pratique de la GPA est pourtant (encore) interdite en France, et Circle Surrogacy qui dit explicitement proposer un « service » illégal et propose les moyens de contourner la loi française ne s’est aucunement fait inquiéter par les autorités du pays. La société américaine connaît bien les rouages de la loi et de l’administration française et accompagne ses clients dans leurs démarches pour faire reconnaître l’enfant qui, en deux mois, peut bénéficier de la Sécurité sociale et avoir sa carte d’identité.

En toute illégalité

L’association « Juristes pour l’enfance » explique pourtant que « ce démarchage en vue de la GPA constitue l’infraction d’entremise en vue de la GPA, sanctionnée par l’article 227-12 du code pénal qui punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait de s’entremettre entre une personne ou un couple désireux d’accueillir un enfant et une femme acceptant de porter en elle cet enfant en vue de le leur remettre. Lorsque ces faits ont été commis à titre habituel ou dans un but lucratif, les peines sont portées au double ». L’association a déposé une première plainte contre ce type de « commerce » déployé en France en janvier dernier mais aucune suite ne lui a été donnée.

Étonnant puisque le 26 septembre dernier, la secrétaire d’État chargée de la famille Laurence Rossignol disait vouloir lutter contre la GPA en France. Le Premier ministre Manuel Valls, quant à lui, déclare dans un entretien accordé ce 3 octobre à La Croix qu’il reste opposé à cette « pratique intolérable de commercialisation des êtres humains et de marchandisation du corps des femmes. (…) En tout état de cause, le gouvernement exclut totalement d’autoriser la transcription automatique des actes étrangers, car cela équivaudrait à accepter et normaliser la GPA. » La France pourrait donc « promouvoir une initiative internationale qui pourrait aboutir, par exemple, à ce que les pays qui autorisent la GPA n’accordent pas le bénéfice de ce mode de procréation aux ressortissants des pays qui l’interdisent ». Cette prise de position – faussement ferme – du gouvernement socialiste à deux jours de la « Manif pour tous » du 5 octobre contre la PMA et la GPA n’est pas sans rappeler la mascarade politique qui avait suivi la manifestation du 2 février dernier. Dès le lendemain de la manifestation, le gouvernement promettait que ni la PMA ni la PMA ne seraient inscrites dans la loi famille alors en préparation.

Mensonges au sommet

Difficile d’accorder du crédit aux propos d’un ministre qui, alors qu’il était encore maire d’Évry (Essonne), expliquait en avril 2011 au magazine Têtu : « Je comprends que certains au PS aient peur d’une dérive vers une marchandisation du corps des femmes qui pourrait se révéler immaîtrisable. Mais au-delà de ces précautions, c’est une évolution qui est incontournable, à condition qu’elle soit encadrée. Contrairement à ce que disent ceux qui sont par principe hostiles à la GPA, je crois que si celle-ci est maîtrisée, elle est acceptable, et j’y suis donc favorable. »

Difficile également d’accorder du crédit à un gouvernement dont le ministre de la Justice, Christiane Taubira, promulguait le 25 janvier dernier une circulaire avec application immédiate qui engage les magistrats à faire droit aux demandes de délivrance de certificats de nationalité française au profit d’enfants nés à l’étranger de Français ayant eu recours à une GPA. 

La liste est longue des déclarations des autorités françaises contre la légalisation des mères porteuses, mais les paroles ne sont pas suivies d’actes. Ou plutôt, elles sont suivies d’actes qui visent justement à légitimer cette pratique, à commencer par l’impunité accordée aux sociétés étrangères venues promouvoir la GPA en France. Le gouvernement a par ailleurs refusé de faire appel de la décision de la Cour européenne des Droits de l’homme (CEDH) qui avait condamné la France le 26 juin dernier pour n’avoir pas reconnu un enfant né par GPA aux États-Unis. Le gouvernement avait jusqu’au 26 septembre pour faire appel… Et s’est illustré par son silence.

Les faits sont là : l’interdiction des mères porteuses en France n’est qu’un leurre et l’indisponibilité du corps humain garantie par la loi un vestige du passé.

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