Les éditions Contretemps viennent de publier un petit livre, très accessible, et qui tombe à pic : Le Synode sur la famille en 100 questions. Nous avons demandé à l’éditeur, Jean-Pierre Maugendre, de nous en dire un peu plus sur ce livre qui permettra aux laïcs de mieux saisir les enjeux d’un synode qui les concerne au premier chef et qui est souvent dénaturé par la grande presse.
Le Synode sur la famille est-il un tel mystère qu’il fallait 100 questions/réponses pour le présenter ?
Jean-Pierre Maugendre : Il ne s’agit pas tant, dans ce livre, de présenter le Synode ordinaire de 2015 sur la famille que de livrer des éléments de réflexion et des réponses aux questions qui ont déjà été agitées lors du Synode extraordinaire de 2014 sur le même sujet. Ce Synode a été marqué par une grande confusion. En effet, les règles de fonctionnement prévues n’ont pas été respectées et cela, toujours au bénéfice de ceux qui souhaitaient remettre en cause la position traditionnelle de l’Église en particulier sur l’accès à la communion des divorcés remariés et sur l’homosexualité. Il est apparu au grand jour que les Pères synodaux étaient partagés, le Pape semblant plutôt soutenir ceux qui souhaitaient une évolution de la pratique de l’Église, la doctrine demeurant inchangée car inchangeable. Les auteurs de ce livre ont souhaité clarifier les questions traitées en s’appuyant sur le magistère et la pratique constante de l’Église. Sans langue de buis, ils dénoncent, par exemple, les affirmations du cardinal Kasper selon lesquelles dans l’Église primitive il aurait existé une large tolérance pour la communion des divorcés remariés. Ils refusent d’entrer dans l’opposition artificielle entre doctrine et Miséricorde, citant de nombreux textes des papes Paul VI ou Jean-Paul II : « La pédagogie concrète de l’Église doit toujours être liée à sa doctrine et jamais séparée d’elle ». (Familiaris Consortio). Rappelons, comme l’affirme la réponse à la deuxième de ces 100 questions, que ce Synode n’a aucune valeur magistérielle. Seul le Souverain Pontife possède un pouvoir de décision, le Synode n’émet qu’un avis.
Qui sont les auteurs de ce livre ?
Cet ouvrage, préfacé par le cardinal Medina Estevez préfet émérite de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, a été écrit par trois évêques diocésains. Il s’agit de NNSS Aldo di Cillo Pagottto, religieux de la congrégation du Saint-Sacrement et archevêque de Paraíba au Brésil, Francis Vasa évêque de Santa Rosa en Californie et Athanasius Schneider, évêque auxiliaire d’Astana au Kazakhstan, auteur aux éditions Contretemps d’un ouvrage largement diffusé : Corpus Christi. La communion dans la main au cœur de la crise de l’Église. Ce livre a également reçu le soutien de quatre autres évêques diocésains, NNSS Luigi Negri archevêque de Ferrare en Italie, Anthony Sablan Apuron archevêque d’Agana (Guam), Tadeusz Kondrusiewicz archevêque métropolite de Minsk-Mohilev en Biélorussie et Patricio Bonilla Bonilla vicaire apostolique de San Cristobal en Équateur. Certains de ces évêques ont été nommés par Jean-Paul II mais d’autres par les papes Benoît XVI ou François.
Pourquoi avoir retenu justement le mode des questions/réponses pour aborder les enjeux de ce Synode ?
Il a semblé aux auteurs que cette approche était la mieux adaptée à un public mal à l’aise avec de longs exposés ou des développements un peu copieux. Aucune réponse ne dépasse une page. Le plan en 13 chapitres est très clair de Le Synode des évêques et son autorité à Le rôle de la grâce surnaturelle dans l’engagement à la chasteté conjugale. Les questions et les réponses sont également précises et traitent de toutes les questions relatives à la famille au sens large. Citons par exemple : « La méthodologie du Synode assigne un rôle primordial à l’écoute des fidèles. Comment évaluer cette nouveauté ? » ou « L’Église ne doit-elle pas être Mère de miséricorde plus que sage éducatrice et juge sévère ? ». Toutes les réponses sont appuyées sur de très nombreuses références au magistère.
Qu’est-ce qui a conduit les auteurs à se lancer dans la rédaction de cet ouvrage ?
Ce livre est directement lié à l’initiative du professeur Tommaso Scandroglio, professeur d’éthique et de bioéthique à l’Université Européenne de Rome, qui a remis le 29 septembre dernier au Pape une supplique filiale ayant recueilli 790 716 signatures et lui demandant une parole éclairante face à « l’éventualité qu’au sein de l’Église se soit ouverte une brèche permettant l’acceptation de l’adultère – moyennant l’admission à l’Eucharistie de couples divorcés civilement remariés – et jusqu’à une virtuelle acceptation des unions homosexuelles ». Ce travail, indisponible à la vente, était destiné à être remis aux signataires de la supplique et envoyé à tous les évêques du monde entier. Notre édition permet de mettre ce livre à la disposition du grand public qui peut désormais en faire l’acquisition par les canaux habituels de distribution (librairies, vente par correspondance, commande sur notre site renaissancecatholique.org, etc.)
Des cardinaux se sont mobilisés dans le même sens et sur le même sujet. Des évêques africains ont aussi publié un livre pour défendre la famille. L’épiscopat polonais a fait entendre sa voix et des initiatives de laïcs ont été prises à travers le monde pour défendre le mariage et la famille. Quelle place occupe ce vade-mecum dans cette vaste mobilisation ?
Ce vade-mecum est, me semble-t-il, d’abord un travail pédagogique de vulgarisation. Il est possible d’en lire quelques extraits puis de s’arrêter. C’est son accès facile qui en fait l’originalité malgré la densité et la précision des textes.
Quels sont les passages qui vous semblent les plus importants ?
Tout me semble essentiel dans ce livre, cependant s’il fallait choisir je retiendrais cinq aspects.
– La révolution sexuelle post-soixante-huitarde est un retour aux anciennes coutumes païennes où la satisfaction sexuelle triomphait du sens du devoir et des responsabilités (Q 25).
– L’Église n’est pas là pour s’adapter au monde mais pour lui annoncer l’Évangile (Q 27 à 32).
– La conscience personnelle n’est pas infaillible. Elle n’est pas un absolu. Son honneur consiste à réfléchir librement et à obéir à la loi naturelle et divine (Q 41 à 46).
– L’opposition entre la justice et la Miséricorde est artificielle. Une action injuste n’est jamais miséricordieuse (Q 87 à 92).
– Seule l’aide de la grâce divine peut permettre aux époux de vivre la chasteté conjugale (Q 95 à 100).
À qui s’adresse finalement ce livre ? Aux prêtres ? Aux familles ? Aux jeunes ? Ou aux Pères synodaux ?
Ce texte s’adresse à toutes les personnes de bonne volonté qui, prises par le temps ou mal à l’aise avec de longs développements, souhaitent avoir des idées claires sur ces sujets, au-delà de l’agitation et de la désinformation médiatique. Les familles et les jeunes devraient être particulièrement réceptifs à ce document bref, synthétique, peu onéreux et très bien construit. Nous avons adressé ce livre, gratuitement, à tous les évêques de France et aux 3 000 prêtres de moins de 65 ans en France. Nous faisons appel à la générosité publique et sommes à la recherche de 6 000 euros pour financer cet envoi. Les dons, déductibles, peuvent être adressés à Renaissance Catholique 13, avenue de la Paix, 92130 Issy-les-Moulineaux. Cette action nous paraît d’une particulière importance tant est parfois déficient l’enseignement de la théologie morale dans les séminaires ainsi que le conformisme de la presse officiellement catholique.
Que l’on soit obligé aujourd’hui de rédiger un ouvrage rappelant la doctrine catholique sur le mariage et la famille tout en décryptant les manœuvres en cours et les sophismes qui pleuvent sur le sujet, n’est-ce pas le signe que la crise est profonde et qu’elle exige de nous une connaissance approfondie de la doctrine, un amour surnaturel renouvelé pour l’Église et la vertu de force pour tenir dans la tempête ?
Il y a quelques mois était réédité par nos amis de DMM le célèbre ouvrage du professeur Dietrich von Hildebrand initialement paru en 1983 : La vigne ravagée. Il dénonçait, déjà, le ralliement de « l’esprit post-conciliaire » au monde. Sous cet aspect la situation n’a guère évolué. La barque de Pierre est au cœur d’une tempête comme elle en a peu connu. La question de fond est que cohabitent dans la même Église, de plus en plus mal, des personnes et des autorités qui, en fait, ne partagent pas la même foi. Dans son exceptionnel ouvrage Apologie de la Tradition, le professeur de Mattei a clairement démontré que la Sainte Église, dans son Histoire, avait déjà été confrontée à des défaillances de l’autorité suprême. Il nous faut jeter sur ces tensions, et parfois drames, un regard profondément surnaturel, confiants que par-delà les aléas du temps l’Épouse du Christ reste sainte et immaculée. En restant paisiblement fidèles à ce qui « toujours, partout et par tout le monde » a été cru et pratiqué nous restons fidèles aux promesses de notre baptême ainsi qu’aux grâces de notre confirmation et de notre mariage. Encore faut-il savoir ce qui a toujours été cru et transmis par l’Église. En ces temps de confusion l’étude de la doctrine ne peut plus être un loisir facultatif, elle est une exigence de survie. Nous espérons ainsi que l’édition de cet ouvrage : Le Synode sur la famille en 100 questions contribuera à éclairer les intelligences et fortifier les volontés. Nous comptons sur le zèle et les prières des lecteurs de L’Homme Nouveau pour nous aider dans ce bon combat au service de l’Église et de la famille.
Mgr Aldo di Cillo Pagotto, Mgr Francis Vasa, Mgr Athanasius Schneider,
Le Synode sur la famille en 100 questions, Éd. Contretemps, 134 p., 15 €.