1ers samedis de Fatima (2/9) | Une dévotion qui plonge dans la Tradition

Publié le 13 Mai 2025
Fatima

Apparition de la Vierge à l'Enfant à Saint-Jean-Eudes (église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Plouër-sur-Rance, 22). © GO69, CC BY-SA 4.0

> 1925-2025 : Dieu le veut ! | Jubilé des 1ers samedis de Fatima

En 2025, l’Église fête le centenaire d’une demande de la Vierge à Fatima : « la communion réparatrice des premiers samedis du mois ». Chaque mois, jusqu’au 10 décembre 2025, le chanoine Adrien Mesureur revient sur la dévotion au Cœur immaculé de Marie.

 

Nous avons vu, le mois dernier, que le Ciel souhaitait expressément que la dévotion au Cœur immaculé de Marie se répande.

Jacinthe, la plus jeune des trois voyantes de Fatima, l’a tellement bien compris qu’avant de mourir, elle insiste auprès de sa cousine, Lucie :

Jacinta marto lucia santos fatima« Il ne me reste plus beaucoup de temps pour aller au Ciel. Toi, tu resteras ici afin de dire que Dieu veut établir dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé de Marie. Le moment venu de le dire, ne te cache pas. Dis à tout le monde que Dieu nous accorde ses grâces par le moyen du Cœur Immaculé de Marie, que c’est à elle qu’il faut les demander, que le Cœur de Jésus veut qu’on vénère avec lui le Cœur Immaculé de Marie, que l’on demande la paix au Cœur Immaculé de Marie, car c’est à elle que Dieu l’a confiée. » (3e mémoire de sœur Lucie)

Cependant, même si cette dévotion semble récente, tout juste née au XXe siècle, et donc superflue pour beaucoup, elle plonge en réalité ses racines dans l’Écriture Sainte, et la Tradition de l’Église ne va cesser de développer, lentement mais sûrement, cette dévotion. Pour en comprendre toute la richesse, il faut contempler le mystère du Cœur de Marie à la lumière de la Révélation, telle qu’elle s’est transmise depuis les origines.

Le cœur de Dieu

Dans la mentalité biblique, le cœur n’est pas d’abord le siège des sentiments, mais le centre profond de la personne, là où se prennent les décisions, où se vivent la foi, la mémoire, l’amour.

Dieu, qui est amour, dit de lui-même qu’il a un cœur. Face à l’endurcissement de son peuple, avant l’exil à Babylone, il s’exclame, grâce à Jérémie : « Mes entrailles, mes entrailles sont percées de douleur, mon cœur est troublé au-dedans de moi… » (Jr 4, 19). Et Osée révèle : « Mon cœur s’agite en moi, toute ma compassion s’est émue » (Os 11, 8). 

L’Incarnation du Verbe de Dieu va accroître encore, si l’on peut dire, cette vie de son cœur ; désormais, on parlera véritablement d’un cœur de chair comme le nôtre, qui se dilate et qui se serre.

Dom Marmion, abbé bénédictin, expliquait dans une de ses lettres :

« Dieu attend que chaque créature l’aime et le serve selon sa nature. Les Anges doivent aimer Dieu d’une manière angélique, c’est-à-dire sans cœur, ni sentiment, ni affections, car ils ne possèdent rien de ces choses. Mais il attend que l’homme l’aime humainement, c’est-à-dire avec tout son cœur, âme, force et esprit, et son prochain de la même manière.

Nous ne sommes ni des esprits, ni des ombres, mais des êtres humains, et nous ne pouvons pas monter plus haut qu’une humanité parfaite élevée par la grâce. Or, Jésus est une humanité parfaite, une déité parfaite. Il aime sa Mère, comme un enfant doit aimer sa mère, non seulement avec sa tête, mais avec son cœur. Il l’embrassait, se laissait caresser par elle, et il aimait cela.

Il aimait tous les hommes : a) pour leurs âmes, en vue de l’éternité ; b) pour leur personne tout entière, humainement ; c) il en aima quelques-uns d’un amour humain particulier. Il a pleuré à la mort de Lazare. D’où venaient ses larmes ? De son cœur. Il n’aimait pas de façon angélique, n’étant pas un ange, mais étant « le Fils de l’homme » ; personne ne fut jamais aussi humain que Jésus. Son Père trouvait en lui toutes ses délices. »

« Vos pensées au sujet de Jésus sont trop terre à terre, écrit-il à une autre occasion. Il n’est pas du tout comme vous vous l’imaginez. Son cœur est large comme l’océan, un vrai cœur humain. Il a versé des larmes réellement amères à la mort de Lazare. »

Ces émotions, plusieurs saints les ont ressenties : de saint Jean, reposant sur la poitrine de son maître, le soir du Jeudi saint, et entendant les battements de ce sacré cœur, au petit François de Fatima, touché de la plus vive des compassions, après les apparitions de Fatima : 

« J’ai beaucoup aimé voir l’ange, mais j’ai aimé encore davantage voir Notre-Dame. Ce que j’ai le plus aimé, ce fut de voir Notre-Seigneur dans cette lumière que Notre-Dame nous a mise dans la poitrine. J’aime tellement Dieu ! Mais Lui, Il est si triste à cause de tant de péchés ! Nous, nous ne devons jamais en faire aucun » (sœur Lucie, 4e mémoire). 

Et peu de temps avant l’apparition du 13 octobre, la dernière : 

« Sera-t-Il encore si triste ? J’ai tant de chagrin de Le voir ainsi triste ! Je Lui offre tous les sacrifices que je peux trouver. »

Plaire à Dieu, c’est agir selon son cœur. 

Ainsi le voit-on rejeter Saül, le premier roi d’Israël, parce qu’il a été indocile à ses demandes, et choisir à sa place le jeune David, qui est fidèle à ses inspirations et qui chante la gloire du Seigneur : 

« Le Seigneur s’est cherché un homme selon son cœur… » (1 R 13, 14).

On le voit dire aussi à Héli, le grand-prêtre, au temps des Juges d’Israël : 

« Et je me susciterai un prêtre fidèle qui agira selon mon cœur et mon âme… » (1 R 2, 35).

Cette semaine, en ces jours où les cardinaux de la sainte Église romaine se sont réunis à Rome, en conclave, pour élire le successeur de saint Pierre, cette demande a de nouveau retenti. L’introït de la messe votive Pro eligendo Summo Pontifice, afin de demander l’assistance spéciale du Saint-Esprit, reprend en effet les paroles du prophète à Héli.

Créé à la ressemblance de Dieu, l’homme aussi a un cœur 

Mais les paroles les plus connues sont certainement celles que Dieu adresse à son peuple, par la voix de Moïse : 

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… » (Dt 6, 5). 

Cela nous est tellement difficile naturellement que le Seigneur a fait une promesse : 

« Je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai un esprit nouveau au milieu de vous ; et j’ôterai le cœur de pierre de votre chair, et je vous donnerai un cœur de chair » (Ez 36, 26).

Cependant, il existe déjà une créature – unique dans toute l’œuvre de Dieu  qui n’a pas besoin de cela : c’est la Très Sainte Vierge Marie. Car son cœur est immaculé, il est déjà entièrement tourné vers Dieu, rempli de grâce, sans aucune attache au péché et donc parfaitement docile aux mouvements de l’Esprit-Saint. Conséquence de tout cela : à ce cœur qui ne lui refuse rien, le Seigneur ne lui refuse rien non plus !

Ce cœur a joué un grand rôle, lors de la vie terrestre de la mère de Dieu. Saint Luc rapporte que « Marie conservait toutes ces choses, les méditant dans son cœur » (Lc 2, 19). Et quand le vieillard Siméon prédit le glaive de douleur à venir, il parle de son âme, de son cœur transpercé, comme l’a représenté l’iconographie chrétienne. Marie médite, garde en son cœur, souffre en silence. Son cœur est un vrai sanctuaire, le temple parfait de l’Esprit.

Les premiers théologiens chrétiens n’ont pas explicitement évoqué le « Cœur de Marie », mais ils ont médité sur son rôle unique dans l’économie du salut. Saint Irénée (IIe siècle) appelle Marie la nouvelle Ève, associée au nouvel Adam dans la Rédemption. Là où Ève a désobéi, Marie a dit « Fiat » et, en transmettant le Sauveur, elle a permis à tous les hommes d’atteindre la vie éternelle.

Il faut attendre le Moyen Âge et surtout l’époque moderne pour que la dévotion explicite au Cœur de Marie prenne forme. Des saints, comme saint Bernard, évoquent déjà la pureté et l’amour du Cœur de la Vierge. Mais c’est au XVIIe siècle que cette piété se structure, spécialement en France, notamment avec :

  • saint Jean Eudes, qui promeut la fête du Cœur de Marie et l’unit au Cœur de Jésus ;
  • saint Louis-Marie Grignion de Montfort, pour qui Marie est le chemin le plus sûr vers le Christ ;
  • enfin, les apparitions du XIXe siècle, marqué par la tourmente révolutionnaire.
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Saint Jean Eudes brandissant les Cœurs de Jésus et Marie (Basilique Saint-Pierre, Rome). © Jordiferrer, CC BY-SA 4.0

Ce patient développement, initié à la croix le Vendredi saint lorsqu’il nous donna sa mère, culmine à Fatima, en 1917, où la Vierge révèle à Lucie, Jacinthe et François : « Dieu veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé » et « Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu ». 

La dévotion au Cœur Immaculé de Marie n’est donc pas une invention tardive, mais elle puise sa source dans les Évangiles, s’est nourrie des Pères, et a mûri dans la vie de l’Église. Aujourd’hui, le Cœur très pur de Marie est un modèle, un refuge et un chemin.

 


56f0bfc9 da1e 4f07 84d0 9fcdef26eed5 fatimaChanoine Adrien Mesureur,
ancien aumônier de l’école Notre-Dame-de-Fatima (près de Lille)
et responsable des retraites spirituelles de l’ICRSP à Loisy (près de Paris).

 

>> à lire également : Trois millions de roses pour Marie pendant le mois de mai !

 

Chanoine Adrien Mesureur

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