Saint Michel, protecteur des parachutistes

Publié le 28 Sep 2023
Le 29 septembre, nous fêtons la saint Michel, symbole de la lutte céleste entre le Bien et le Mal, et protecteur des parachutistes.

Le 29 septembre, nous fêtons la saint Michel, symbole de la lutte céleste entre le Bien et le Mal, et protecteur des parachutistes.

Le 29 septembre, nous fêtons la dédicace de saint Michel Archange. Celui-ci nous rappelle la lutte céleste entre le Bien et le Mal. Depuis le 4 juin 1944, saint Michel est aussi le patron des parachutistes, éclairant leurs combats aériens et terrestres, mais aussi intérieurs. 

 

« Il y eut un combat dans le ciel, Michel et ses anges combattaient contre le dragon ; et le dragon et ses anges combattaient » Apocalypse 12.7 

« Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, celui qui est appelé le diable et Satan, le séducteur de toute la terre, il fut précipité sur terre, et ses anges furent précipités avec lui » Apocalypse 12.9 

 

La lutte de l’Archange contre Lucifer est le choc de l’absolu du Bien contre celui du Mal, chaque essence spirituelle excluant la plus infinitésimale parcelle de son contraire. C’est une radicalité qui éclaire l’idéal chrétien, sa tension vers le Bien. Dieu est ce Bien, l’Amour pur et parfait, protégé par la justice et la force. Satan en est l’antithèse, le rejet catégorique de cet idéal, dont le moteur premier est l’orgueil du non serviam, transmis aux hommes par le « vous serez comme des dieux » du péché originel. 

Notre début de XXIe siècle voit un Occident qui a rejeté Dieu et l’ordre naturel de sa création pousser le non serviam technologisé en des extrémités transhumanistes chantant l’Homo Deus et «la mort de la mort». Dans ces sociétés post-modernes au sein desquelles les paradis artificiels de la drogue le disputent aux purgatoires des antidépresseurs, de malheureux homo consumeris « désâmés » sont en quête d’un absolu qu’on leur a appris à rejeter frénétiquement au nom d’une liberté qui se révèle un esclavage.

Dans une fille aînée de l’Eglise qui a renié les engagements de son baptême, reste-t-il des symboles de cet idéal guerrier, qui puisse rappeler aux Français, privés d’élévation spirituelle, le chemin de la seule vraie liberté ? Un baptême, fût-il oublié, laisse sa marque en celui qui le reçoit, surtout quand il guide son agir durant de longs siècles. Ainsi la terre charnelle est-elle couturée des marques de la Foi de nos pères. Parmi ces dernières, il en est une qui porte le nom du chef de la milice céleste… 

… Le Mont-Saint-Michel… 

Sur la ligne d’horizon entre les eaux du ciel et celles de la Terre, séparées au deuxième jour de la création, le Mont apparaît… Arrimé au sol, tendu vers le ciel, il est une porte symbolique entre l’espace dont Satan fut chassé, et celui sur lequel il fut précipité. Ses murailles isolent le sanctuaire des turbulences matérielles et spirituelles de ce monde insensé où rode le dragon, cherchant à détruire la transcendance dans le cœur de l’Homme.

« Arrimé au sol, tendu vers le ciel, il est une porte symbolique entre l’espace dont Satan fut chassé, et celui sur lequel il fut précipité. »

Cette transcendance se matérialise dans sa flèche qui domine la baie, toise paisiblement le rivage de nos petitesses et le grand large de nos aspirations. De ces horizontalités, elle s’élève et désigne les cieux, en passant par l’Archange… Ce dernier apparaît, entre embruns et nuées, matérialisant de sa présence dorée la nécessaire lutte impitoyable en chacun de nous pour tendre vers l’idéal du Bien… Satan fut-il précipité à Terre au Mont-Saint-Michel ? Qu’importe. La matérialité de nos enveloppes charnelles nous contraint à marquer le spirituel de symboles tangibles, qui nous élèvent vers des considérations plus hautes.

Chaque année, au-dessus de la baie, le vrombissement des moteurs d’avions gros porteurs remplit le ciel d’une fureur toute mécanique, différant de celle du combat angélique, mais annonçant tout de même la venue de guerriers par le ciel. Chaque année, les parachutistes français effectuent un saut au Mont-Saint-Michel, à l’occasion de la fête de l’Archange. Pour un parachutiste, c’est un événement aussi important que de se voir désigner pour le défilé du 14 juillet. C’est le saut qu’il faut avoir réalisé au moins une fois dans sa vie. Sa quintessence réside dans ces quelques secondes d’éternité durant lesquelles les paras côtoient l’Archange dans l’azur…

Une fois arrivés au sol, les paras pénètrent le sanctuaire. Ils montent, ils s’élèvent, ils regagnent à pied l’altitude qu’ils ont perdue sous voile. Magnificence des lieux. Le parachutiste ne le sait pas, mais il est entré en lui-même. Il est, au sein du Mont-Saint-Michel, suspendu dans cet intervalle spirituel dont l’Archange défend jalousement l’accès. Il est entré dans la dimension collective du combat spirituel … 

Considérant l’Archange comme le premier des combattants aéroportés, les parachutistes l’ont choisi comme saint patron. Le 4 juin 1944, l’aumônier du 2e Régiment de Chasseurs Parachutistes remet à ses ouailles une petite médaille de saint Michel, pour les placer sous sa protection lors de l’opération aéroportée du 6 juin.

Le haut patronage de l’Archange est officialisé le 29 septembre 1949, dans la cathédrale d’Hanoï, devant les paras des bataillons réunis pour l’occasion. L’année suivante, saint Michel est honoré par toutes les unités parachutistes, et un premier parachutage est effectué sur la baie du Mont-Saint-Michel. Depuis, les bérets amarantes célèbrent leur protecteur chaque année, en ce jour où les anciens d’Indochine et d’Algérie rejoignent les jeunes d’Afghanistan et du Mali pour communier au même esprit parachutiste. 

Franchir d’un bond la porte d’un avion pour s’élancer dans l’inconnu est une expérience qui génère un état d’esprit particulier. À la porte, plus de galons. Chacun est seul face à lui-même à cet instant où dans un souffle, il faut rassembler son courage et bondir. Le premier rapport à la mort du parachutiste tient dans ce petit doute… Et si le pépin ne s’ouvrait pas ?… C’est la raison pour laquelle ils l’affrontent, pour beaucoup, avec leur béret soigneusement roulé dans la poche, talisman de laine amarante enveloppant la fameuse médaille de saint Michel … Cet effort individuel en commun génère une cohésion très forte.

L’acceptation de l’inconnu et de l’idée que rien ne se passera comme prévu fondent l’esprit parachutiste, impliquant une agilité intellectuelle et morale. L’histoire des parachutistes, bien que récente, est jalonnée de faits d’armes héroïques et de chefs hors normes qui nourrissent le sentiment d’appartenance à une élite. Bigeard ou Bréchignac, nombreux sont les chefs exemplaires, respectés et aimés de leurs paras, qui les ont emmenés jusqu’au sacrifice suprême, en mettant leur peau au bout de leurs idées… 

« La détestation enflamme les chairs, le patriotisme canalise les esprits, la Foi garde l’espoir dans les âmes. Où est la pureté de l’Archange ? Comment ne pas voir la miscibilité du bien et du mal dans la furie guerrière des hommes ? »

L’esprit de sacrifice est-il le lien entre le combat des essences spirituelles et celui des hommes, esprits incarnés et rivés à cette matérialité qui enveloppe leur âme et conditionne de façon instinctive leur agir ? La tension entre le bien et le mal, présente en chacun des hommes, devient collective lorsqu’ils se combattent. Il y a un siècle, la première guerre mondiale opposait la France et l’Allemagne, encore largement imprégnées de la matrice chrétienne. Qu’en disent les aumôniers ? 

« Cette guerre sera un mal pour tout le monde. C’est une école malsaine, où l’on prendra l’habitude des gestes criminels, des désirs de vengeance, des pensées absolument contraires à l’esprit de l’Évangile. […] on rit d’entendre des hurlements de douleur dans les tranchées d’en face et quand un de nos tirs de barrage […] fait voler aux quatre coins de l’horizon les bras, les têtes et les jambes. […] Les Allemands se font tuer chez nous par milliers, mais ils ne veulent pas partir. Nous sommes obligés de les démolir. Et voilà justement ce qui est terrible pour nous : nous faisons notre devoir en tuant. »1  « Ces gens-là ne méritent plus aucune pitié, car ils ont tout fait, même insulté Dieu en le parodiant à leur façon, Unser Gott. »2 

La réalité des tranchées tient donc dans la combinaison de la haine, du patriotisme et de la Foi, pour tenir bon. Corps, esprits et âmes, immergés dans la zone de mort, réclament chacun leur raison de tenir. La détestation enflamme les chairs, le patriotisme canalise les esprits, la Foi garde l’espoir dans les âmes. Où est la pureté de l’Archange ? Comment ne pas voir la miscibilité du bien et du mal dans la furie guerrière des hommes ? 

Un siècle plus tard, les Français qui rejoignent les drapeaux sont soudainement confrontés à la perspective de leur propre mort, que la société matérialiste s’est bien gardée d’évoquer. Le service de la Patrie est un début de transcendance qui se montre insuffisant lors de la rencontre avec la faucheuse. Tombe l’enthousiasme guerrier qui se dispensait du pourquoi. Voilà que la tristesse du deuil et la peur le disputent à la colère et à l’esprit de vengeance poussant à des extrémités dont on ne se serait pas cru capable… Hélie de Saint-Marc, illustre parachutiste, met en lumière cette dualité terrible : 

« La guerre exaltera toujours en l’homme ce qui, en lui relève de l’ange – ses ressorts les plus nobles, le courage, le mépris de la mort – et ce qui relève de la bête –ses instincts bestiaux, la peur, la lâcheté. C’est un combat intérieur. » 

Là réside la force morale que l’on demande aux soldats. « La bataille de l’intérieur de l’homme est plus rude que la bataille entre les hommes »3. Ils sont confrontés simultanément aux deux batailles, la bataille extérieure et ses aléas attisant la bataille intérieure entre l’ange et la bête. Dans l’univers intérieur du combattant, voici que surgit un Mont-Saint-Michel … Même un catholique fervent est surpris par l’intensité de ce choc. Pour un non-croyant, il est d’autant plus violent. Alors, lancinante, resurgit brutalement la question lancinante du pourquoi, qui fait entrer la transcendance dans le plan supérieur. 

Les parachutistes d’aujourd’hui sont les enfants de leur temps. Ils ont, pour la plupart, le même abîme spirituel en eux. Aussi, face à la mort, se raccrochent-ils à la transcendance que leur offre l’Archange. Ils tournent et retournent dans leur tête les paroles de la prière du para… Ce sont, lancinants, quelques passages particuliers qui leur reviennent : « Mon Dieu mon Dieu, donne-moi la tourmente, donne-moi la souffrance», « Ce dont les autres ne veulent pas, ce que l’on te refuse, donne-moi tout cela»… 

« Mais alors » pensent-ils, « je les ai vraiment réclamés… Et même si Dieu n’existe pas… je les ai vraiment réclamés… Et voilà qu’elles sont là… » Ils se rappellent aussi avoir chanté « donne-moi l’ardeur au combat, donne-moi la Foi pour que je sois sûr de moi…» Cette pensée les ramène à ces hommes qui, de nuit, ont effectué le seul et unique saut de leur vie sur la cuvette de Diên Biên Phu, plongeant dans une bataille déjà perdue… Ils lient l’obole sanglante de leur camarade à celles de leurs devanciers. Dans les brumes des esprits éreintés par le combat et le deuil, dans le tourbillon des émotions contradictoires, malgré l’inexpérience spirituelle, ils trouvent là, avec une gorgée d’alcool et la chaleur de la camaraderie, de quoi tenir bon… 

Les catholiques ont cette grâce incroyable d’avoir reçu le dépôt de la foi, et de pouvoir donner à leurs efforts quotidiens ce sens qui ennoblit les actes les plus obscurs, préparant les actions les plus grandes. Quel que soit leur état de vie, des postes les plus en vue aux métiers les plus obscurs, de la lumière des cercles de pouvoirs à la pénombre du foyer au sein de laquelle la mère se dévoue, ils ont tous la connaissance de leur Mont-Saint-Michel intérieur… 

Militaires, ils mesurent facilement que le pouvoir exorbitant qui leur est donné de tuer ne trouve son équilibre moral que dans le risque qu’ils encourent d’être tués. Parachutistes, ils peuvent mettre leurs combats au diapason céleste de celui de saint Michel… Ils ont conscience que cette lutte intemporelle passe par eux, ils se souviennent de la radicalité du choix qu’ils doivent faire pour que l’ange domine la bête, ils se souviennent de leur passage sous voile à côté de la statue dorée de l’archange, ils touchent du doigt leur médaille, ils le savent… 

Ils sont autant de Monts-Saint-Michel….

Alors, dans le secret de leur cœur, aux heures sombres des nuits sans sommeil qui les voient rejoindre la petite chapelle de fortune, ou assister à la messe du Padre au milieu de nulle part, dans ces heures où l’obscurité masque tous les détails de la Terre et des hommes, au creux de ces nuits où le ciel maillé d’étoiles attire les regards et élève les âmes en silence… 

Ils prient pour leurs frères d’armes qui n’ont pas la chance de posséder la richesse de Dieu. Ils prient pour que la noblesse de leurs sacrifices pèse, à la face du Père, contre la somme des fautes qui alourdissent leurs consciences étouffées par la modernité. Ils prient pour cette société qui a renié son créateur, mais dont ils font partie, et qu’ils défendent en dépit de ses travers car elle est l’héritage charnel de leurs pères. 

 

Ainsi vous, Français qui savez Dieu et espérez en Lui, 

vous qui connaissez les rigueurs du combat spirituel et savez demander les grâces nécessaires, 

vous qui savez que chacun de nous recèle un Mont-Saint-Michel intérieur, 

Priez pour vos soldats, priez pour vos paras, Dieu vous entendra, saint Michel les protègera. 

 


  1. Lettre d’un prêtre combattant, Semaines religieuses de Bayeux, 19 août 1917. Cité par Dominique-Marie Dauzet, « Entre patriotisme et réalisme », dans Séverine Blenner et Jacqueline Lalouette (dir.), Servir Dieu en temps de guerre. Guerre et clergés à l’époque contemporaine (XIXe-XXIe siècles), Paris, A. Colin, coll. « Recherches », 2013, p. 172. 
  2. GUGELOT, Frédéric, Guerre de foi ou guerre sans foi. 1914-1918, éditions de l’EHESS, 2014.
  3. Arthur Rimbaud, « Adieu », Une saison en enfer (1873)

 

>> à lire également : Cardinal Müller : « si je pouvais conseiller Mgr Strickland, il ne devrait absolument pas démissionner »

Aspirant Raoul D’Ayquerose

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneSociétéBioéthiqueDoctrine sociale

La dimension « politique » de la défense de la loi naturelle

L’avalanche de lois « sociétales » en France depuis plus d’un demi-siècle, toutes étant des atteintes directes à la loi naturelle, a provoqué dans une partie du monde catholique une délégitimation diffuse ou expresse des institutions politiques les ayant édictées, cela au sein du déferlement individualiste de l’après-68 et de cette sorte d’explosion en plein vol de l’Église en état de Concile. Le « mariage » homosexuel et la constitutionnalisation de l’avortement ont porté chez ces mêmes catholiques le climat à l’incandescence. D’où la question : que faire ?

+

loi naturelle
SociétéLettre Reconstruire

L’Église face au socialisme (II)

Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024) | Dans la série de ses études synthétiques sur les idéologies modernes, Carlos Sacheri aborde le socialisme et le jugement de l’Église sur cette réaction aux injustices sociales nées du libéralisme économique. Il présente ici les points communs à toutes les idéologies socialistes.

+

socialisme
SociétéLectures

L’inégalité, un outil de civilisation ?

Entretien | Juriste et historien, Jean-Louis Harouel s’attaque dans un livre récemment paru au mythe de l’égalité. Il postule que cette « passion laide » contemporaine, destructrice de la famille, entre autres, ne sert en rien les intérêts d’une population, en montrant que seule l’inégalité, créatrice de richesses, encourage la production et par là-même augmente le niveau de vie et conditionne le progrès moral et scientifique. Entretien avec Jean-Louis Harouel sur son livre Les Mensonges de l’égalité. Ce mal qui ronge la France et l’Occident.

+

égalité mythe