De Bethléem à nos maisons, l’origine de nos crèches

Publié le 03 Déc 2018
De Bethléem à nos maisons, l’origine de nos crèches L'Homme Nouveau

Avant même l’épisode de la messe de Noël 1223 à Greccio célébrée au-dessus d’une mangeoire, à l’initiative de saint François d’Assise, la Nativité était déjà représentée dans les églises. Cependant l’initiative du « Poverello » fut déterminante dans l’expansion de nos crèches familiales.

La plus ancienne crèche et le modèle de toutes fut bien sûr celle de Bethléem, quand la Vierge Marie « mit au monde son Fils premier-né, l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire » (Lc 2, 7). 

La mémoire vive de ce lieu et de ce temps, attestée dès le IIe siècle, est entretenue par les Évangiles apocryphes, par plusieurs Pères de l’Église et par d’antiques fresques. Quand l’Empire romain devient chrétien, cette mémoire se focalise à Bethléem : construction d’une basilique, pèlerins venus de partout vénérer la « mangeoire où vagit Jésus » (saint Jérôme). Puis, dès le Ve siècle, la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome devient un second lieu de vénération, surtout lors la nuit de Noël (la date en est alors fixée) et en présence du Pape, puis autour des reliques de la sainte Mangeoire ramenées par des pèlerins de Terre Sainte. Au Moyen Âge, le temps de Noël est pour les clercs un temps de représentations sur la Nativité jouées dans les églises, mais celles-ci dégénèrent tellement en parodies qu’Innocent III les interdit en 1207.

Apparaît alors saint François d’Assise. Contrairement à ce qu’on lui prête bien souvent, il n’a donc pas inventé la crèche (1), mais son rôle est décisif pour ce qui est du passage de Bethléem et Sainte-Marie-Majeure vers nos crèches familiales. Il vaut donc la peine de rappeler ce qui se passe le soir de Noël 1223 dans le village ombrien de Greccio. Saint François invite cette nuit-là les paysans de Greccio et des environs non pas à un jeu ou un spectacle mais à une véritable re-création de Noël dans la liturgie de la Nativité. Sa « crèche » est réduite au minimum : un bœuf et un âne (les premiers acteurs de crèche vivante, et alors les seuls, pourrait-on dire), et une mangeoire au-dessus de laquelle, après des heures de chants de louanges, est célébrée la messe de la Nuit. Le saint, qui est diacre, proclame l’Évangile « d’une voix forte, douce, claire et sonore qui invite toute l’assistance aux récompenses suprêmes », puis prêche ensuite sur le mystère d’abaissement qu’est la Nativité avec « des paroles douces comme du miel », « bêlant » le mot Bethléem (l’assonance est forte) et se léchant les lèvres pour mieux savourer le nom « Jésus » – inventant peut-être alors la dévotion à l’Enfant-Jésus. Un des fidèles est à ce moment gratifié de la vision d’un petit enfant surgi soudain dans la crèche et qui s’anime quand François s’en approche. En liant ainsi Noël et l’Eucharistie, saint François dévoile que nous recevons dans chacune de nos messes le même don de Dieu que la nuit de Noël : « Chaque jour le Christ vient lui-même à nous sous une humble apparence ; chaque jour il descend du sein du Père sur l’autel dans les mains du prêtre », écrit-il dans ses Admonitions

Une impulsion décisive est ainsi donnée, d’où naîtront un jour nos crèches familiales. En effet, le Noël de Greccio devient rapidement un des épisodes les plus célèbres et aimés de la vie de saint François d’Assise : un sanctuaire est construit sur le lieu même où il fut célébré, tandis que les peintures et les écrits l’exaltent. 

Toujours au siècle de saint François, Nicolas IV, pape franciscain, donne une expression visible et permanente à son intuition en faisant sculpter un berceau de pierre à la « crèche » de Sainte-Marie Majeure où est célébrée la messe de la sainte Nuit. Beaucoup d’églises de l’Italie l’imitent, même s’il faudra attendre encore près de trois siècles pour qu’apparaisse la crèche privée, en Italie du Sud, à l’initiative de la duchesse d’Amalfi. Les jésuites en saisissent rapidement tout l’intérêt catéchétique et ils se lancent, vite suivis par tous, dans la construction et la diffusion de petites crèches familiales qui ne tarderont pas à couvrir la terre entière pour tourner vers Jésus et le mystère de son Incarnation.

1. Il est possible que l’assonance entre « Greccio » et « crèche » soit pour quelque chose dans cette légende ; en réalité, le terme vient du francique kreppe ou krippe, et signifie mangeoire (tout comme l’italien presepe vient du latin praesepium).

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