C’est l’impression que retire Valerie Toranian de l’année 2020, dans un article publié sur le site de La revue des deux-mondes le 7 décembre dernier :
La France est en phase aiguë de nihilisme. Déprime, incertitude, flottement, noirceur. La petite musique de l’« aquoibonisme » et de la résignation trotte dans les têtes : plus rien ne vaut rien, Dieu est mort, la République fout le camp, il n’y a plus ni valeurs, ni respect. Rien que le cynisme, qui n’a pas de parti. Et l’endormissement dans la tyrannie douce des GAFAM. Ce n’est pas uniquement la faute de la pandémie. Certes, elle en rajoute une couche (le chaotique feuilleton de la gestion de la crise sanitaire n’a pas aidé…) mais voilà longtemps que le mal nous gratte de partout. La dépression nationale est peut-être aujourd’hui la notion qui rassemble le plus de Français. Inévitable corollaire de ce nihilisme passif, mais en plus dangereux, le nihilisme actif : l’incivilité, l’agressivité, la violence sont en hausse. Chaque semaine, hormis quelques rares moments de répit, la violence s’invite dans les centres-villes, relayée en live sur les plateaux de télévision. Tous les samedis, les casseurs, les Black blocs, les « ultra-jaunes » s’invitent dans les cortèges des manifestations, quels qu’en soient les mots d’ordre. Un bain de casse, de tabassages, de commerces explosés, de voitures en feu, d’affrontements aux pavés, matraques et barres de fer. Il y a quarante ans, à la même heure, la France de Giscard communiait dans le spectacle à paillettes, si niais mais si bon, des shows de variétés des Carpentier. Giscard nous a quittés et avec lui disparaît définitivement l’illusion d’une France des possibles.(…) Le nihilisme s’épanouit dans notre époque post-moderne où la croyance en l’humanisme et au progrès s’est effondrée et où triomphe la démocratie des agglomérations de communautés, chacune à la recherche de droits perpétuels sécurisant son identité. «Le nihilisme est non seulement la croyance que tout mérite de périr, mais qu’il faut détruire », écrivait Nietzsche. Sabotage, blocage, destruction. Les Blacks blocs n’ont pas d’idéologie autre que la haine de l’État et du capitalisme. Ils ne « prédisent » pas la guerre civile, ils la font advenir du mieux qu’ils peuvent en jouant la carte de l’exaspération et de la provocation. « Choper », casser, tuer du flic n’est pas un problème puisque cette violence est considérée comme la réponse à la « violence de l’État ».
Pas sûr, cependant, que la nostalgie soit suffisante pour remplir le vide du nihilisme et ramener la paix, tranquillité de l’ordre juste.