Jean Breton n’en pense pas moins | De l’interdiction des sondages

Publié le 15 Avr 2021
Jean Breton n'en pense pas moins | De l'interdiction des sondages L'Homme Nouveau

Comme à son habitude, Jean Breton jette un regard critique, parfois amusé ou consterné, sur l’actualité. Il revient à chaque quinzaine, aujourd’hui pour parler de sondages et de politique.

Fin du feuilleton sur les élections libres aux USA, place à une propagande bien de chez nous pour les présidentielles. Quelle joie de bientôt recevoir les analyses fines des politologues indépendants sur nos chaînes sponsorisées ! Même les débats de parvis oscilleront entre les points non-négociables et le refus de la haine, avec des périphrases longues comme un hiver breton pour nous promettre l’enfer si nous votons Rassemblement National ou En Marche. Les quelques-uns qui choisiront des candidats « alternatifs » seront accueillis par un sourire compatissant et des excuses, comme lorsqu’on annonce qu’on arrête de fumer.

C’est un peu comme si le refus du « vote utile » par amour de la démocratie n’était valide que dans des limites ; que certaines idées ou candidats en étaient exclus parce qu’il faut rester réalistes. Et pendant ce temps, les instituts de sondage et les rédactions se frottent les mains. N’est-il pas incroyable que tout le monde sache que les sondages influent sur les élections réelles, mais que nul ne s’en émeuve ? Que sous prétexte d’informer la population des tendances actuelles, on demande au pékin moyen d’annoncer publiquement son intention de vote ?

Je passe sur la faiblesse morale du sondé qui a toujours tendance à minimiser les résultats des « extrêmes » dans les sondages publics, ce qui tombe bien pour laisser les « extrêmes » aux « extrémistes ». Voyons juste en cette pudeur le signe d’une foi presque divine en la Démocratie. On entre en isoloir comme en confessionnal, et le secret des urnes vaut bien celui de la confession.

Parlons des « ralliements », qui permettent à un candidat malheureux au premier tour de n’attendre que quinze minutes avant de montrer son soutien à l’un des deux candidats qui passeront à la deuxième manche, croyant ainsi se racheter un poste de ministre où étrenner ses nouveaux costumes. Le principe même du ralliement, du soutien d’un politicien à un autre parti que le sien, ou d’une alliance, est une maladie grave du système : en résumé, l’électeur croit choisir un représentant mais obtient un délégué, qui aura toute latitude pour le tromper – et ne s’en privera pas.

Un sondage en tant qu’information des intentions de vote avant le vote lui-même n’est pas un mal en soi, même s’il est un peu curieux de demander en avance à ses invités les blagues qu’ils comptent raconter au dîner du lendemain. Le mal est plutôt l’analyse qui en est faite, et l’efficacité terrible des baratineurs, qui par attraction ou répulsion, nous font voter exactement comme ils le souhaitent. Quel que soit le résultat du sondage affiché à l’écran de votre téléviseur (truqué, tronqué, ou soyons fou, honnête), je peux trouver au moins une « analyse politique » qui vous conduira à voter pour le candidat porté par le système, ou mieux, à vous répartir plus équitablement entre ses opposants.

Ces analyses sont une maladie, mais peut-on honnêtement regretter que les experts expertisent sur les ondes, tout en déplorant que tel chroniqueur soit censuré ? soyons équitables dans nos cries d’orfraies sur la liberté d’expression. Et puis techniquement, j’aimerais bien voir le contenu d’un texte de loi qui interdirait le commentaire d’une donnée statistique électorale, ou qui contraindrait à une présentation exhaustive de l’ensemble des scenarii sans privilégier de candidat.

Autant rester simple. Pour peu que nous souhaitions vivre en démocratie pour de vrai (mais si, mais si), interdisons les sondages. Que nous jugions les candidats sur leurs actes, passés ou proposés, plutôt que soumettre notre vote aux lois statistiques.

Jean Breton est le pseudonyme que prend, dans L’Enlèvement de Volkoff, « 2K », agent chargé par la France d’enlever le dictateur du Monterrosso dans des Balkans pas si imaginaires que ça. Sa couverture de journaliste sportif lui permet de prendre de la hauteur sur les évènements qu’il observe ; les connaissances de son métier lui permettent de voir la duplicité des médias en charge de « couvrir » la guerre ethnique et religieuse ; son expérience du terrain lui conserve un pragmatisme proche du bon sens paysan. Sa devise : Duc in Altum !

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