Pour le quotidien Aujourd’hui en France (22 juin), le résultat des élections régionales montre une désaffection des Français pour la politique. Sans le savoir précisément, les Français remettent peut-être en cause tout un système qui leur apparaît comme tournant sur lui-même et incapable de régler les problèmes de l’heure. Pendant ce temps, le premier ministre appelle aux urnes pour sauver la démocratie…
C’est une France, désormais ultra-majoritaire, qui parle d’une seule voix : celle de l’abstention. Plus des deux tiers (66,7 %) des citoyens ont boudé les urnes lors du premier tour des régionales, un record absolu pour un scrutin sous la Ve République. La plus faible participation remontait aux européennes de 2009, avec 59,4 % d’abstentionnistes. Hormis la Corse, toutes les régions, dans les métropoles comme en milieu rural, sont frappées par cette désaffection. C’est à eux que Jean Castex a lancé hier un « appel solennel » : « Faire gagner l’abstention, c’est faire perdre la démocratie. » (…) Le petit village d’Échenon (Côte-d’Or), 791 âmes, compte un abstentionniste surprise : « Monsieur le maire ». S’il a déposé un bulletin pour le scrutin des départementales, Dominique Lott, 61 ans, ne s’est pas exprimé pour celui des régionales, se sentant « très éloigné » des postulants. C’est la première fois de sa vie d’électeur et d’élu qu’il boycotte les urnes. « On est un être humain comme les autres », confesse l’édile (sans étiquette). « Le système reste comme il est, il faut changer la machine », défend-il dans sa mairie, au cœur du bureau de vote qu’il présidait dimanche. Quand on lui fait remarquer que le message qu’il envoie à ses administrés n’est guère civique, celui qui porte l’écharpe tricolore depuis deux décennies réplique : « Ils n’ont pas besoin de moi, ils savent ce qu’ils ont à faire, je n’ai pas donné de consignes. » Dans cette commune en rase campagne, près de 8 habitants sur 10 ne se sont pas rendus dans l’isoloir. Sur 545 inscrits, 121 seulement ont émargé, plaçant largement en tête le prétendant du RN, Julien Odoul (43 %). Cette démobilisation exprime « une marque de mécontentement général ». « C’est une manière de sanctionner le gouvernement, de dire : y en a marre ! » décrypte-t-il.