L’Express (9 septembre 2021) consacre plusieurs pages au double-jeu du Qatar, petit émirat défendu par les États-Unis, investissant en Europe et proche pourtant des Frères musulmans.
Que cherche le Qatar en France ? Le prestige, bien sûr. Le rachat du PSG, leur plus belle vitrine avec Al-Jazeera, leur média international en langue arabe, a permis à l’émirat de se faire connaître du monde entier. La protection, aussi. Pour survivre, ce petit pays a besoin d’alliés puissants. Doha a donc toutes les raisons de maintenir les meilleures relations avec l’Hexagone. A chaque polémique sur son rôle politico-religieux, le Qatar adopte d’ailleurs une attitude gênée. Il en a été ainsi des révélations de Qatar Papers (Michel Lafon), le livre publié en avril 2019 par les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot. On y apprend, documents à l’appui, que 22 projets de mosquées françaises ou d’écoles musulmanes sont financés par Doha, à des niveaux qui peuvent être astronomiques. Les auteurs évoquent 14 millions d’euros pour le centre islamique An-nour à Mulhouse, l’un des plus grands d’Europe, avec ses 10 000 mètres carrés. Ces investissements répondent à un autre des objectifs du Qatar : celui d’être perçu comme un pays leader par le monde arabo-musulman. L’organisation à l’origine du projet, l’Association des musulmans d’Alsace (Amal), s’inscrit dans l’orbite des Frères musulmans. Elle adhère à Musulmans de France (ex-UOIF), considérée comme la branche française des Frères. Sur son compte Facebook, l’Amal relayait en avril des propos de Marwan Muhammad, ancien directeur du CCIF, l’association dissoute en décembre 2020 par le gouvernement pour « propagande islamiste », dénonçant un « pays [ la France] » qui « vire à la pure folie politique », avec « des lois qui visent l’interdiction des femmes portant un foulard dans quasiment tous les espaces » ou encore « la volonté de contrôler les musulmans dès l’enfance jusqu’aux activités des mosquées ». Le lieu de culte paraît promouvoir un islam rigoriste : une vidéo de la prière de l’Aïd-el-Kébir, diffusée en juillet dernier, montre que la mosquée accueille des fillettes voilées. Au sujet de ces financements, l’émirat s’attelle aujourd’hui à contester ou à minimiser. Une source proche du gouvernement qatarien évoque « des documents faux » ou « des confusions entre les montants demandés et les montants perçus », réfute le chiffre de l’aide apportée à la mosquée mulhousienne. Doha reconnaît en revanche avoir financé les activités de Tariq Ramadan, prédicateur emblématique des Frères musulmans, petit-fils de son fondateur, Hassan al-Banna, mais les versements se seraient arrêtés, selon cette source, « trois ans avant » sa mise en examen pour viols, en février 2018.