Notre ami et collaborateur Guilhem Golfin, auteur aux éditions de L’Homme Nouveau d’un remarquable essai remarqué, Babylone et l’effacement de César, publie une tribune libre dans Valeurs actuelles (09 septembre 2021) qui, à l’occasion de la campagne en vue de l’élection présidentielle, interroge la notion d’état de droit et réfléchit à la nécessité d’une véritable refondation politique.
S’il est un fil conducteur clair à l’action d’Emmanuel Macron depuis son accession au pouvoir, nul doute que ce soit la déconstruction accélérée de ce qu’on nomme l’État de droit. En soi, la notion n’est pas sans poser problème. L’État de droit est en effet cette organisation institutionnelle qui vise à limiter l’exercice de la puissance publique par le seul droit positif, constitutionnel avant tout. Assis sur les droits individuels et la souveraineté théorique du peuple, il suppose un pouvoir politique par nature indéfini et absolu, sans finalité intrinsèque, et que la loi viendrait en quelque sorte endiguer pour le mettre au service des intérêts individuels. Une telle organisation nie donc implicitement que puisse exister un véritable bien commun. (…)
Faut-il donc envisager une réponse institutionnelle, et en venir à une VIe République, comme certains commencent à le suggérer, en mettant en avant que le problème tiendrait à l’hyperprésidentialisation du régime et qu’il faut donc revenir à un régime parlementaire pluraliste ? Mais, outre que l’expérience du régime parlementaire ne fut guère concluante en France, comment supposer qu’un pouvoir inévitablement plus faible serait davantage à même de résister au pouvoir mondialisé ? Le risque pour la France d’être absorbée serait à n’en pas douter plus sérieux que jamais.
À vrai dire, si vraiment l’État de droit a été ainsi corrompu, c’est peut-être qu’il était corruptible. De fait, une organisation juridique purement positive et qui n’a comme horizon que les droits subjectifs d’individus en fin de compte abstraits est par nature une organisation faible, soumise à tous les désirs catégoriels et qui ne tient que par l’idéologie qui la promeut. Or, l’individualisme croissant, le ciment idéologique s’affaiblit, et il ne reste plus que des masses d’individus manipulables par les ambitieux. Pour sortir de cette aporie, il n’est d’autre voie que de procéder à une refondation politique afin de retrouver le sens de la communauté politique, du droit et de la justice, de la res publica authentique. L’avenir de la France passe par un tel changement, à fondement moral et spirituel. Y parvenir sera difficile, mais suppose pour commencer d’en percevoir la nécessité…