La pause liturgie | Offertoire Gressus meos, 32ème dimanche ordinaire/samedi de la 3ème semaine de Carême

Publié le 06 Nov 2021
La pause liturgie | Offertoire Gressus meos, 32ème dimanche ordinaire/samedi de la 3ème semaine de Carême L'Homme Nouveau

Dirige mes pas, Seigneur, selon ta parole, afin qu’aucune injustice ne prenne le dessus, Seigneur.
(Psaume 118, 133)

Thème spirituel

Le psaume 118 (119 selon l’hébreu) auquel est emprunté ce petit offertoire, est le plus long des psaumes et aussi le plus structuré. C’est même un prodige de composition puisqu’il est constitué de vingt-deux strophes de huit vers qui commencent tous par une même lettre, le psaume parcourant ainsi, dans l’ordre, toutes les lettres de l’alphabet hébreu. Plus formellement, c’est une longue méditation sur la loi divine. Chaque vers contient le mot loi ou un de ses synonymes : commandement, décret, règle, ordre, parole, précepte. Dans notre offertoire on reconnaît le mot parole qui est au cœur du verset 133. Ce psaume est tout plein et débordant d’amour et de vénération pour le Seigneur et pour son œuvre. Le chrétien qui le lit rapporte quant à lui la multiplicité des termes et des idées au seul commandement de l’amour donné par le Christ, et cela unifie vraiment ce psaume.

Il est probable que cet offertoire ait été à l’origine, soit un verset d’un autre offertoire beaucoup plus long contenant maints versets du psaume 118, soit un chant d’offertoire muni d’autres versets et servant alors de refrain. Quoiqu’il en soit, il se présente à nous aujourd’hui sous la forme d’un offertoire assez bref dont le texte très simple propose, à travers la relation qui unit Dieu et son fidèle, l’alternative radicale qui traverse tous les psaumes, celle qui oppose deux chemins : le chemin du bien, de la justice, de la sainteté, et le chemin du mal, de l’injustice et du péché.

Remarquons que le psalmiste interpelle Dieu à la manière d’un enfant qui s’adresse à son père. Il lui demande de diriger ses pas. On pense à un petit d’homme qui apprend à marcher et qui a peur de lâcher les bras de son père. Ses gestes traduisent son besoin du secours paternel et donc aussi son amour, sa confiance envers l’auteur de ses jours. Dès le début, donc, ce chant prend une allure filiale très marquée. Mais derrière cette image suggestive de l’enfant qui s’appuie sur son père ou du père qui affermit les pas de son enfant (ce qui peut se prendre dans une sens plus large, celui de toute la vie) une autre idée se dévoile avec l’énoncé du texte : le psalmiste demande d’être affermi par le Seigneur selon sa parole. On est passé là au plan spirituel, et c’est la foi qui est discrètement mentionnée ici, toujours dans un grand climat de confiance filiale. La foi est une écoute dynamique de la parole divine, elle débouche sur un agir moral, elle fait marcher l’enfant de Dieu que nous sommes. Notre offertoire nous invite à nous appuyer sur la parole divine pour solidifier notre marche, nos pas dans la vie spirituelle. La parole de Dieu, c’est d’abord celle qui se présente à nous dans la Sainte Écriture. Méditer la parole de Dieu, la ruminer, nous aide à mieux connaître la volonté divine, à mieux nous y conformer. Le Saint Père ne cesse de nous répéter qu’il est bon d’avoir toujours sur nous un petit Évangile, pour nous familiariser avec la parole de Jésus, et plus encore avec la personne même de Jésus, qui est vivant près de nous et qui dirige effectivement notre vie. Mais la parole de Dieu nous parvient aussi à travers la voix de la création qui nous entoure et dans laquelle nous sommes insérés pour y frayer notre chemin, un chemin de beauté. Enfin, la parole de Dieu se manifeste aussi à travers la voix de notre conscience, de notre liberté. Et la suite du verset nous le confirme : on demande au Seigneur d’être préservé de toute injustice, c’est-à-dire de tout mal moral, de tout péché. La conscience à l’écoute du bien s’illumine et se rend plus attentive à éviter les écueils de la vie. Le psalmiste est réaliste : il sait que le mal sous toutes ses formes cherchent à nous assaillir, il ne demande pas d’en être complètement délivré, mais seulement de le vaincre, ou du moins de n’en être pas accablé, de ne pas succomber sous son poids. Prière très humble, très juste que nous pouvons répéter à longueur de journée comme une oraison jaculatoire : que le mal de l’injustice ne domine pas sur moi Seigneur. Dirige mes pas selon ta parole. Il est très beau de voir que le compositeur a ajouté à la fin le nom du Seigneur, Dómine, qui n’est pas dans la seconde partie du verset du psaume. Cela accentue le parallèle entre les deux versets qui contiennent ainsi la même invocation. C’est surtout très touchant de terminer cet offertoire en s’adressant au Seigneur juste après avoir mentionné le mal de l’injustice si redoutable au psalmiste. C’est à ces petits détails qu’on sent que la prière et le chant de notre offertoire sont tout remplis d’amour filial.

Commentaire musical

Gressus meos Partition

Ce petit offertoire est tout simple. Il est emprunté au 8ème mode. Il s’en dégage une certaine plénitude conformément à l’ethos de ce mode, mais dans un climat de grande simplicité et d’humilité. La plénitude est celle de la confiance en Dieu et elle s’allie parfaitement avec le sentiment de la petitesse humaine devant le chemin de la sainteté qui s’ouvre à l’âme et qui ne saurait être suivi avec profit sans la grâce de Dieu, sans la promesse de son amour, sans sa parole fidèle. Car il s’agit de marcher au milieu d’un monde rempli d’injustices et de séductions. Alors l’âme se fait petite, elle se réfugie dans la main de son Créateur et là elle éprouve la joie, la paix, la certitude de la vérité et de la sécurité.

Deux phrases constituent cet offertoire, correspondant aux deux mouvements du texte : la demande, adressée au Seigneur, de marcher selon son commandement, d’une part ; et d’autre part, la demande de se voir épargné du règne de l’injustice, c’est-à-dire du péché sous toutes ses formes.

L’intonation est on ne peut plus simple et elle donne vraiment le ton de cette humble pièce : elle joue en effet sur les deux seules notes Fa et Sol, respectivement sous-tonique et tonique du 8ème mode. C’est tout petit mais en même temps c’est très ferme car ces deux cordes Fa et Sol sont vraiment des notes d’appui du mode. Les deux sentiments dominants de toute la pièce sont donc déjà là dans ces cinq notes : l’humilité et la sécurité. Notons que les deux accents au levé confèrent aussi légèreté à cette intonation. Puis la mélodie, après un bel appui sur l’accent de dírige, plonge vers le grave de façon très expressive, dans un mouvement d’humilité bien marqué, avant de remonter avec confiance sur le nom du Seigneur, Dómine, qui atteint le Sib avec sa nuance de tendresse. La finale de Dómine est très ferme et la cadence en Sol bien posée. Puis subitement, par un intervalle de quarte Sol-Do, la mélodie bondit vers la dominante du 8ème mode, sur secúndum. L’âme rappelle au Seigneur sa promesse de ne pas l’abandonner, elle proclame aussi sa foi en cette parole souveraine qui doit et peut seule la diriger sûrement. C’est un bel acte de foi mais tout plein aussi de complaisance. Il n’y a pas d’angoisse dans cette demande instante qui est, au plan mélodique, très typique du 8ème mode et de sa belle plénitude, avec notamment ses appuis fermes sur le Sol et ses notes longues sur le Do. La première phrase se conclut dans la même atmosphère sur elóquium tuum qui monte du Fa, s’appuie sur le Sol et s’élève de façon régulière et large vers le Do lumineux, atteignant même le Ré, sommet de la pièce, sur tuum.

La deuxième phrase ressemble beaucoup à la première. On retrouve d’emblée les mêmes cordes Fa, Sol et Do, sut ut non. Le non a bien quand même quelque chose de poignant, sinon d’inquiet. Il est vigoureux, et il marque bien l’horreur du mal dans l’âme du fidèle. Mais la paix revient très vite, sur les neumes tranquilles et doux de dominétur, si toutefois elle avait pu quitter le cœur du psalmiste. La cadence de dominétur est très ferme et bien appuyée. Et à nouveau la mélodie plonge au grave, humblement, une descente qui évoque aussi les bas-fonds de l’injustice et du péché. Mais la finale de l’offertoire est vraiment belle avec sa remontée très expressive sur injustítia pleine d’assurance en même temps qu’elle évoque discrètement l’horreur du mal, et surtout avec ce touchant dernier Dómine qui conclut si bien la pièce dans un climat de grande confiance, d’amour et de simplicité, de certitude aussi. Cet offertoire est reposant pour l’âme.

Écouter cet offertoire ici.

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