Dans son éditorial de Classica (octobre 2021), magazine consacré à la musique classique et au jazz, Jérémie Rousseau s’inquiète des autodafés sur fond de wokisme qui ont eu lieu au Canada. Vers l’interdiction de la grande musique car trop européenne ?
Ce sont des images qui font froid dans le dos. On ne parle pas de la nuit qui s’est abattue sur Kaboul, où, on ne le sait que trop, il n’est plus permis de fonder d’espoir pour les arts et la musique. Non, on pense à ces opérations menées au grand jour au Canada, qui ne sont pas vraiment la promesse de lendemains qui chantent : des autodafés. Oui, des autodafés. Dans l’Occident de 2021. Comme au temps de l’Inquisition, comme au temps des nazis, comme hier à Mossoul, ex-capitale de l’État islamique. Sauf qu’ici, cet acte obscurantiste émane du Conseil scolaire catholique Providence, un regroupement de trente écoles francophones emmenées par une certaine Suzy Kies, autoproclamée « gardienne du savoir » et coprésidente de la Commission des peuples autochtones du Parti libéral du Canada. Bien sûr, c’est dans « un but éducatif » que ces livres ont été brûlés ; des essais, des romans historiques, et même des albums de Tintin, Astérix et Lucky Luke, qui seraient dommageables « pour les jeunes autochtones, mais aussi pour les relations entre les autochtones et les allochtones, précise Mme Kies. (…)
Dans le monde du « wokisme » et de la « cancel culture », nouveaux visages d’une Amérique qu’on ne reconnaît plus, tout, sous prétexte de réconciliation, mène aux oukases, aux répudiations, à l’exclusion et à la violence. « La culture “woke” me fait penser à l’essor de l’islamisme dans le monde arabe », observe Lama Abu-Odeh, Américaine d’origine palestinienne et professeur à la faculté de droit de l’université de Georgetown. C’est à se demander quel sort sera réservé à la musique classique, déjà jugée insuffisamment inclusive et « intrinsèquement raciste » par certains médias américains.