> Carte Blanche de Judith Cabaud
Aujourd’hui, certains s’insurgent contre le mélange des langues parlées et la domination de l’anglais dans les échanges internationaux. C’est vrai, le franglais existe et ce n’est pas une consolation de savoir que ce phénomène prend déjà sa source dans l’histoire lointaine. Paradoxalement, en 1066, Guillaume le Conquérant duc de Normandie, en montant sur le trône de l’Angleterre, exporta la langue française avec lui-même comme souverain et vainqueur de la Grande-Bretagne. De ce fait, les rois Plantagenêt et Lancaster parlèrent le français à la cour de Londres pendant 400 ans. Shakespeare écrivit son œuvre dans un anglais mêlé de français, de dialecte scandinave, de latin et de vieux germanique. Ce sont les grands explorateurs de la Renaissance qui répandirent leurs propres langues et diverses cultures, jusqu’à l’avènement des empires et des conquêtes modernes. L’invention de l’Amérique par les Espagnols et la domination sur les océans de l’Empire britannique firent ainsi la fortune de la langue anglaise qui règne encore de nos jours dans le monde par le commerce et la finance. Chaque langue porte en elle-même un univers et chaque mode d’expression correspond à la manière d’être des peuples qui connaissent une immense diversité dans leur histoire, leur géographie et leur avenir. Néanmoins, on oublie trop souvent à quoi sert vraiment une langue : c’est la transmission du sens des choses.
La tour de Babel ou l’orgueil de l’homme
Aux temps bibliques, dans le récit de la Genèse, des hommes ont construit la tour de Babel pour que « le sommet pénètre les cieux ». Ils voulaient encore trouver la puissance d’être à l’égal de Dieu. Auparavant, précise le texte, sur toute la terre, tous faisaient un seul peuple, et tous parlaient une seule langue. Autrement dit, Dieu avait créé l’unité que l’homme brisa par le péché. En bâtissant la tour de Babel, c’est-à-dire en utilisant son intelligence pour matérialiser son orgueil, il obtint l’effet du contraire, car « Dieu confondit leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres… et Il les dispersa de là sur toute la face de la terre ». Au lieu de monter vers Dieu, la construction de la Tour de Babel servit de prétexte pour remettre en scène le péché originel, en nous faisant compter sur nous-mêmes, connaître le bien et le mal et dominer les autres. Au temps présent, il est difficile de ne pas penser aux tours de…