Messe Alme Pater
Commentaire musical
Voilà un Sanctus original : à la différence de tous les autres, ce Sanctus est de composition récente. C’est le seul dont on connaît l’auteur, et il s’agit de Dom Pothier, l’une des figures majeures de la restauration du chant grégorien par Solesmes au XIXe siècle. Dom Pothier a composé de belles pièces grégoriennes, notamment l’Ave Maria de la messe du 8 décembre.
Et ici il signe un Sanctus qui tranche sur les Sanctus médiévaux par son caractère mystique et intérieur. Il est prouvé que Dom Pothier a fait appel à une mélodie d’un trope du XIe siècle, et l’a insérée dans la deuxième partie du Sanctus, se réservant de composer la première partie. Mais on peut dire en toute vérité que cette pièce est son œuvre.
Elle est toute simple et c’est en ceci qu’elle tranche sur les autres Sanctus du répertoire. Son caractère quasi syllabique (seules quelques syllabes sont affectées d’un neume et d’un seul), la sobriété de son ambitus (la mélodie du 4e mode ne s’élève pas au-dessus du La, et touche le Ré et le Do en dessous du Mi, tonique du mode) lui confèrent une expression qui n’appartient qu’à lui. Ce Sanctus est dépourvu d’éclat, il est tout intérieur. Il faut donc le chanter à mi-voix, avec beaucoup de douceur, comme dans l’intimité de la louange.
Les trois Sanctus sont très sobres : un neume sur la syllabe accentuée, une finale très simple, le tout enroulé mélodiquement autour de la tonique Mi. Le premier Sanctus est bien appuyé sur son double Mi. Le Sol est juste une petite note de passage à la tierce, et l’on revient bien vite se poser sur une cadence en Mi. Il y a donc juste à faire sentir une petite chaleur sur l’accent de ce premier Sanctus.
Le second Sanctus est doté d’un accent mélodiquement horizontal (une tristropha) mais qui demande une belle expression. Cette tristropha doit être vivante, c’est-à-dire menée en crescendo puis decrescendo, avant de se poser sur une cadence féminine Ré-Do, tournée vers la suite.
Quant au troisième Sanctus, il est orné d’un torculus sur son accent, et d’un simple Mi sur sa finale. On peut exprimer un léger crescendo d’un Sanctus à l’autre, mais tout cela doit rester très doux, très contemplatif.
Ensuite, la mélodie coule de façon très fluide tout au long des mots suivants Dóminus Deus Sábaoth : tout est contenu à l’intérieur de la tierce Sol-Mi, et encore : le Mi n’apparaît qu’à la toute fin ; en fait, cette mélodie joue seulement sur le Sol et le Fa qu’elle fait alterner très simplement.
La deuxième phrase reste dans la même atmosphère, encore un peu plus grave, puisque la mélodie s’enroule vraiment autour du Mi, pour ne remonter à la fin que sur le mot glória, et encore de façon si délicate ! Glória tua s’apparente ainsi à Deus Sábaoth.
Les deux hosánna sont identiques et représentent le sommet intensif de toute la pièce. C’est en effet sur l’accent et la finale de hosánna que sont entendus les seuls La de toute la pièce. Il faut donc faire vibrer ces La, comme aussi, dans une moindre mesure, les double Sol de l’accent de excélsis, qui contiennent l’ardeur amoureuse des adorateurs.
Benedíctus qui venit, avec sa mélodie descendante et son petit rebond sur l’accent de venit, (qui reprend la mélodie du troisième Sanctus) répond à Pleni sunt cæli et terra, et sur in nómine Dómini, on retrouve une troisième fois le motif de Deus Sábaoth dans la première phrase.
Et voilà, c’est tout, mais cette simplicité cache une grande profondeur, une belle ardeur contemplative. Même très réduit mélodiquement, ce Sanctus est expressif, vivant, et l’on peut reconnaître la belle inspiration de Dom Pothier, connu pour ses belles compositions si contemplatives.
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