> L’Éditorial du Père Danziec
Parce qu’ils ont Dieu pour général et qu’ils aspirent à devenir les lieutenants de son Évangile, les séminaristes se préparent au plus beau des combats : la gloire de Dieu et le salut des âmes. À cet égard, nous serions tentés de reprendre au sujet des candidats au sacerdoce la célèbre devise de l’École spéciale militaire de Saint-Cyr : « Ils s’instruisent pour vaincre ! »
Il existe assurément certaines similitudes entre une académie militaire et un séminaire (au sens tridentin du terme). Le sens de l’autorité, l’ordonnancement des cérémonies, l’esprit de discipline, la verticalité… Seul le surplis a tôt fait de remplacer le treillis, les étoles brodées les épaulettes dorées, les défilés de bataillon laissant place au déploiement des processions…
Il serait néanmoins certainement plus juste de considérer qu’un séminariste tout au long de sa formation s’instruit, non pas d’abord « pour vaincre » mais « pour se vaincre ». Dans l’étude de la théologie, la vie fraternelle et la fréquentation des mystères de l’autel, l’aspirant au sacerdoce apprend peu à peu à se dépouiller du vieil homme dans le but de revêtir convenablement un jour la livrée du Christ prêtre.
Se laisser coloniser
Effectivement, avant que le séminariste prétende sauver des âmes et participer – à la place qui sera la sienne une fois devenu prêtre – aux grands défis de la mission, ne faut-il pas d’abord qu’il laisse l’Évangile du Christ coloniser son âme ? Se vaincre soi-même en se laissant vaincre par Jésus-Christ, tout en gardant à l’esprit avec saint Paul « que les souffrances du temps présent sont sans proportion avec la gloire qui doit se manifester en nous » (Ro 8, 18).
Hélas, la colonisation spirituelle ne se fait pas sans mal. Non en raison du manque de savoir-faire du colonisateur – quel joli mot ! – mais du fait de la fragilité du colonisé, de son caractère changeant, de l’atmosphère ambiante défavorable au don de soi et au silence, du manque de perspectives rassurantes offertes par l’Église de France aux jeunes garçons désireux d’une formation traditionnelle. Disons-le : résoudre la crise des vocations ne saurait se réaliser à coups de flyers ou d’adaptation à l’esprit du monde. Depuis cinquante ans, les mêmes impensés produisent les mêmes effets : le nombre d’ordinations a été divisé par quatre.
Léon XIV, à l’occasion du jubilé romain des séminaristes, prononçait le 24 juin dernier un discours percutant sur le sens des années de séminaire. Pointant du doigt « le contexte social et culturel marqué par les conflits et le narcissisme », le Pape pressait son auditoire « à aimer avec le Cœur du Christ » et « à travailler sur sa propre intériorité, là où Dieu fait entendre sa voix » : « Si vous apprenez à connaître votre cœur, vous serez toujours plus authentiques, vous n’aurez pas besoin de mettre des masques. »
Trois vertus majeures
À lire la vie de saints prêtres, on remarque l’irremplaçable poids de l’éducation chrétienne, et – au premier chef – du rôle considérable des mères de famille lorsqu’elles se mettent à l’école de la Mère par excellence, experte en médecine des âmes : l’Église. Dans la prescription des antidotes, la règle reste toujours la même : pour éteindre les mauvais penchants, il s’agit de s’exercer sans cesse aux vertus qui leur sont contraires. Trois d’entre elles m’apparaissent majeures pour disposer avantageusement les petits garçons à répondre spontanément à l’appel du Seigneur. La générosité contre l’égoïsme. La docilité contre l’insoumission. L’humilité contre l’amour-propre.
L’épisode de la Pêche miraculeuse peut nous enseigner avec profit sur le thème des vocations. Pierre, qui n’est pas encore le chef des apôtres, a peiné toute la nuit sans rien prendre. À la déception, légitime, d’une pêche infructueuse s’ajoute donc la fatigue d’une veille sans sommeil. Il laisse pourtant le Christ monter à bord de sa barque au petit matin, alors qu’en toute logique, il aurait très bien pu inviter poliment Notre Seigneur à embarquer plutôt dans celle d’à côté pour profiter d’un repos bien mérité.
À l’invitation d’aller jeter ses filets en eau profonde, Pierre aurait pu objecter que l’art de manier le filet relève de son domaine. Pourtant, il observe avec docilité, dans la confiance et le respect, les paroles du maître.
Enfin, en offrant son temps et ses forces au Seigneur, Pierre était sans doute en droit d’attendre une récompense. Cette pêche miraculeuse, certes un peu disproportionnée, ne l’a-t-il pas au bout du compte méritée un peu ? Pourtant, devant le miracle, il s’écrie tombant à genoux : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur ! »
Le charme des retrouvailles familiales estivales peut être, j’en suis sûr, l’occasion bénie de se sublimer dans ces trois vertus. Générosité, docilité et humilité : triptyque de grâces pour la moisson de demain. Bel été à tous !
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