Au quotidien n°307 : la démocratie en danger

Publié le 09 Déc 2021
Au quotidien n°307 : la démocratie en danger L'Homme Nouveau

C’est l’inquiétude du magazine économique Challenges (9 décembre 2021) qui en fait la Une de son numéro et qui publie également les résultats d’un sondage où 61% des personnes interrogées se déclarent favorables au système démocratique. Problème : jamais la démocratie n’est clairement définie ; jamais le système démocratique moderne n’est analysé et pas à un seul instant la parole est donnée à ceux qui ont travaillé cette question, dont dernièrement Michel De Jaeghere qui dans son Cabinet des antiques revisite la démocratie antique et la compare à la démocratie moderne.

Déprime démocratique, désillusion, démobilisation, délitement, décomposition… Le monde démocratique est en alerte. Les 9 et 10 décembre, le président américain Joe Biden organise un sommet mondial sur le sujet. A Paris, Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale (lire page 72), doit faire des propositions à la suite du traumatisme des régionales de juin dernier marquées par un triste record d’abstention (65,7 %). Ils trouveront dans l’enquête exceptionnelle – plus de 10 000 Français sondés – menée par Harris Interactive et Challenges de quoi affûter leur réflexion. Leur sombre verdict est en tout cas validé. Les Français déclarent très majoritairement (61 %) la démocratie en danger et plus massivement encore (74 %) qu’il y a urgence à la défendre. On pourra y voir une salutaire lucidité. L’amorce d’un sursaut citoyen que les débats de la présidentielle pour l’instant n’augurent guère.

(…)

Il faut également prendre en compte les dynamiques minoritaires qui influent toujours plus, ainsi que nous y invite Jean-Daniel Lévy, le directeur délégué de Harris Interactive : « Il y a entre 15 % et 30 % de Français qui ne se reconnaissent plus dans le système démocratique. Ils le trouvent injuste. Ils sont en colère ou/et indifférents. » Ceux-là viennent le plus souvent des couches populaires, des petites villes. Ils se reconnaissent dans l’extrême droite, l’extrême gauche ou nulle part. Ils participent d’une dissidence démocratique. Mais attention, on trouve des dissidents aussi dans les couches aisées. Lors des dernières régionales, on a aussi peu voté à Roubaix et à Aulnay qu’à Neuilly-sur-Seine ou au Touquet.

Dans un pays où les partis n’encadrent plus les esprits, pas plus que les églises, la notion de bien commun s’estompe. Le collectif n’est plus inspiré par un projet politique partagé. La « désaffiliation » partisane, syndicale et religieuse a conduit à la civilisation du cocon, comme l’ont bien décrit Jean-Laurent Cassely et Jérôme Fourquet dans La France sous nos yeux (éd. du Seuil). L’épanouissement personnel et les codes tribus. On s’allonge sur son tapis de yoga ou sur le divan de son psy. On se replie sur soi, son chez-soi, les siens. Nos rituels sont individuels et consacrent de nouvelles valeurs : Netflix, Uber-eats et Stéphane Plaza pour la maison individuelle si possible avec piscine. Plus de grands desseins mobilisateurs. La route de la soie, c’est pour les Chinois. Les politiques tricolores n’ont pas de projets d’avenir à offrir, alors que grandissent aussi les frustrations. L’hédonisme va avec la tristesse en partage. Les Français se disent heureux individuellement, mais en même temps dépressifs, malheureux, jaloux.

(…)

Si on veut revivifier la démocratie, ce qui a été le cadet des soucis de la majorité comme de l’opposition durant ce quinquennat, on mesure alors l’ampleur de la tâche. Car il ne s’agit pas seulement de procéder à quelques aménagements certes nécessaires, tel le vote blanc à prendre en compte. Le manque de souffle de la démocratie vient d’un souffle au cœur d’une autre ampleur. C’est une crise de foi qui exige un autre traitement faisant appel à une prise de conscience des politiques aussi bien qu’à la responsabilité du citoyen dont on parle trop peu de peur de le bousculer. Cela implique de redonner vie à la réflexion. Et à la parole politique comme aux corps intermédiaires et d’abord aux forces syndicales qui gardent une faveur populaire

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneSociétéBioéthiqueDoctrine sociale

La dimension « politique » de la défense de la loi naturelle

L’avalanche de lois « sociétales » en France depuis plus d’un demi-siècle, toutes étant des atteintes directes à la loi naturelle, a provoqué dans une partie du monde catholique une délégitimation diffuse ou expresse des institutions politiques les ayant édictées, cela au sein du déferlement individualiste de l’après-68 et de cette sorte d’explosion en plein vol de l’Église en état de Concile. Le « mariage » homosexuel et la constitutionnalisation de l’avortement ont porté chez ces mêmes catholiques le climat à l’incandescence. D’où la question : que faire ?

+

loi naturelle
SociétéLettre Reconstruire

L’Église face au socialisme (II)

Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024) | Dans la série de ses études synthétiques sur les idéologies modernes, Carlos Sacheri aborde le socialisme et le jugement de l’Église sur cette réaction aux injustices sociales nées du libéralisme économique. Il présente ici les points communs à toutes les idéologies socialistes.

+

socialisme
SociétéLectures

L’inégalité, un outil de civilisation ?

Entretien | Juriste et historien, Jean-Louis Harouel s’attaque dans un livre récemment paru au mythe de l’égalité. Il postule que cette « passion laide » contemporaine, destructrice de la famille, entre autres, ne sert en rien les intérêts d’une population, en montrant que seule l’inégalité, créatrice de richesses, encourage la production et par là-même augmente le niveau de vie et conditionne le progrès moral et scientifique. Entretien avec Jean-Louis Harouel sur son livre Les Mensonges de l’égalité. Ce mal qui ronge la France et l’Occident.

+

égalité mythe