Dom Gajard dit ceci : « C’est un petit 4ème mode très contemplatif, large, chaud, quelque chose qui ne change pas, qui ne finit pas. »
Cet offertoire est tiré du psaume 18. Le compositeur a pioché dans pas moins de cinq versets pour une pièce relativement courte. La façon de faire des anciens est très libre. Leur profond respect pour la sainte Écriture n’est pas incompatible avec un usage familier de celle-ci au détriment d’une certaine littéralité, mais au profit souvent d’un esprit authentique. Ils sont pétris d’Écriture, elle est devenue vie en eux.
Si l’on observe la mélodie, on constate une première chose : cet offertoire ne dépasse pas le La. Il ne décolle pas, il ne cherche pas à décoller. L’essentiel de la mélodie se situe entre le Fa et le La :
Sur Justitiae Domini rectae : il n’y a qu’un Ré en dehors de l’intervalle Fa-La.
Sur laetificantes corda : les seules syllabes ti et fi de laetificantes.
Sur Et dulciora : 1 Ré.
Sur super mel et favum : c’est la partie la plus grave. Le sommet est Sol, pas de La
Sur nam et servus : 1 Do et 2 Mi.
Sur custodiet ea : 1 do et 2 Mi.
L’idée générale est donnée par le premier qualificatif : rectae. C’est une pièce rectiligne, la mélodie traduit dans son horizontalité l’idée de rectitude incluse dans les décrets divins et dans leur observance par les hommes. Le compositeur a certainement eu une intention dans ce sens. Cet offertoire donne l’impression d’une imperturbabilité qui donne la paix, la joie. Le mot laetificantes est encadré par deux tristropha qui répondent à celle du sujet (justitiae) et à celle de l’attribut (rectae). C’est comme un écho dans le cœur, la joie naissant de la fiabilité de Dieu et de sa loi.
On repère trois formules mélodiques identiques avec un quilisma (sur justitiae, rectae, corda).
Autre chose : la mélodie progresse essentiellement par degrés conjoints, notamment sur la première phrase où il n’y a que 4 tierces. Tous les autres intervalles sont des secondes. La deuxième phrase est plus originale, au cœur de la pièce. On compare les préceptes, la loi de Dieu, à du miel. C’est la douceur et le tempo est plus léger. Or il y a davantage de tierces (6 en tout).
La troisième phrase est plus ample à nouveau, plus solennelle. On retrouve les longues sur le Fa. La phrase commence par un appui sur le Do qui indique la fermeté. Le début est en élan. L’âme s’adresse à Dieu directement. Sur custodiet ea, c’est une grande complaisance. Les notes longues indiquent la longueur de l’amour. La pièce se termine sur une cadence finale très expressive, très contemplative. Les seuls intervalles de quarte de la pièce se trouvent dans cette phrase.
Ce petit offertoire nous parle vraiment de la rumination de la parole de Dieu, de la joie qu’il y a à scruter le Seigneur, dans l’Écriture, dans l’Eucharistie (c’est un offertoire), dans l’Église en prière, dans les profondeurs de la vie. L’interprétation doit être toute simple, toute paisible, avec beaucoup de douceur, mais sans lenteur. Au contraire, il y a une certaine ardeur car cela débouche sur une action (custodiet). On doit donc faire sentir un bon mouvement, un mouvement intime, sans remous apparent, mais qui correspond à une plénitude de vie. L’ardeur de la vie intérieure, contemplative. Cet offertoire n’est pas réservé aux moines et aux moniales, il est présenté à tous les fidèles.
Pour écouter cet offertoire : ici.