La pause liturgie | Répons Ingrediente du dimanche des Rameaux

Publié le 09 Avr 2022
La pause liturgie | Répons Ingrediente du dimanche des Rameaux L'Homme Nouveau

« À l’entrée du Seigneur dans la ville sainte, les enfants des Hébreux annonçaient la résurrection de la vie. Portant rameaux et palmes, ils chantaient : Hosanna au plus haut des cieux.
Quand le peuple apprit que Jésus arrivait à Jérusalem, il sortit à sa rencontre. »
(Cf. Jn, 12, 12, 13)

Thème spirituel

On sait que cette procession liturgique du dimanche des Rameaux est une sorte d’intermède de louange et de gloire au milieu des considérations dramatiques de la célébration de la Passion. Les ornements du prêtre, à cette occasion, sont rouges et non violets, et la joie éclate dans les chants, pour renouveler chaque année le triomphe du Christ et son entrée dans la ville sainte. Cette procession qui est une sorte de marche triomphale, anticipe, d’une certaine manière, la glorieuse résurrection du Seigneur, elle témoigne en tout cas de notre foi en sa divinité, par delà le douloureux mystère de la Passion. Les chrétiens témoignent ainsi de leur amour pour le Christ, de leur foi en sa victoire définitive sur le mal, de leur espérance en la promesse du ciel. Le signe de la Croix, qui se profile à l’horizon de la liturgie, n’est pour nous ni un scandale ni une folie. La procession des Rameaux, commémorée chaque année au seuil de la semaine sainte, nous fait recueillir l’intention du Seigneur qui, en acceptant de recevoir l’hommage des hommes et en accomplissant ainsi la prophétie de Zacharie entend rassurer ses disciples par avance, avant de leur faire subir la grande épreuve de sa Passion. On connaît cette belle prophétie si évocatrice qui convient si bien à l’événement des Rameaux : « Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. » (9, 9).

Le texte de ce répons qui est chanté lorsqu’on entre précisément dans l’église, au terme de la procession (à cause sans doute du premier mot du répons : ingrediénte) n’est pas à proprement parler scripturaire, même si bien sûr il fait référence à l’épisode évangélique de l’entrée de Jésus à Jérusalem. On lit ceci au chapitre 21, versets 8 et 9 de l’Évangile de saint Matthieu, :

« Alors les gens, en très nombreuse foule, étendirent leurs manteaux sur le chemin ; d’autres coupaient des branches aux arbres et en jonchaient le chemin. Les foules qui marchaient devant lui et celles qui suivaient criaient : Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! »

Et au chapitre 12, verset 13 de l’Évangile de saint Jean :

« Ils prirent les rameaux des palmiers et sortirent à sa rencontre et ils criaient : Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur et le roi d’Israël ! »

C’est cette dernière référence qui est la plus proche, semble-t-il, du texte de notre répons. Mais le compositeur a introduit deux expressions qui ne proviennent pas directement du texte sacré :

– d’abord l’expression les enfants des hébreux qui fait référence à un autre verset évangélique spécifique à saint Matthieu et consécutif à l’expulsion des vendeurs du temple, donc après que Jésus soit entré dans Jérusalem au terme de sa marche triomphale :

« Voyant les prodiges qu’il venait d’accomplir et ces enfants qui criaient dans le Temple : Hosanna au fils de David, les grands prêtres et les scribes furent indignés et ils lui dirent : Tu entends ce qu’ils disent, ceux-là ? Parfaitement, leur dit Jésus; n’avez-vous jamais lu ce texte : De la bouche des tout-petits et des nourrissons, tu t’es ménagé une louange ? » (Mat, 21, 15-16)

Mais la mention de enfants des Hébreux fait aussi écho à l’Ancien Testament et cela accentue encore le caractère prophétique de l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem.

– la deuxième expression, un peu mystérieuse, est celle de la résurrection de la vie. L’allusion au mystère pascal est à la fois claire et voilée. Jésus s’est proclamé lui-même la résurrection et la vie. C’était devant Marthe, à Béthanie, avant la résurrection de Lazare. L’expression résurrection de la vie laisse entendre que Jésus, la vie, devait mourir et revenir à la vie.

Ce texte, dans son ensemble, fait méditer le mystère pascal, mystère triomphal mais d’un triomphe qui passe par la mort.

Commentaire musical

Ingrediente Partition

La mélodie du 2ème mode est assez sobre et plutôt formulaire, c’est-à-dire utilisant des formules type caractéristiques des répons du 2ème mode. Dom Baron estime qu’elle assure la transition entre les chants joyeux de la procession et ceux, douloureux, de la messe qui va commencer. Elle est sans éclat et plutôt retenue, réservée, avec une expression profonde, noble, qui est indiscutablement déjà porteuse de la souffrance qui anime le Cœur du Christ pénétrant dans la ville sainte. C’est un 2ème mode qui ne s’élève pas au-dessus de sa quinte Ré-La, mais qui ne descend pas non plus dans sa quarte inférieure, sinon pour faire entendre à plusieurs reprises le Do, qui joue le rôle d’appui de sous-tonique. L’essentiel de la mélodie est même contenu à l’intérieur de la tierce Ré-Fa, avec quelques élans jusqu’au Sol, et un seul élan vers le La, dans le corps du répons, sur le mot hebræórum, et un autre dans le verset, sur l’accent de audísset. C’est peu, bien sûr, pour les trois phrases mélodiques du répons et les deux phrases du verset, mais cela nous indique dans quel esprit, sérieux et grave, nous devons entrer dans l’église à la suite du Christ.

L’intonation est syllabique sur le tout premier mot : trois Ré, un Do, un Fa, tandis que le mot Dómino, en descente mélodique à partir de l’accent, nous ramène gravement du Fa au Do grave. Un petit élan se fait sentir sur les mots in sanctam qui sont traités eux aussi de manière syllabique, et qui traduisent très simplement le mouvement d’entrée dans la ville. Cette ville, civitátem, est pour le coup beaucoup plus soulignée par l’abondance de neumes. On retrouve cette prédilection des compositeurs des mélodies grégoriennes pour la cité de Dieu : à chaque fois que Jérusalem est mentionnée, ici sous son nom commun de cité, la mélodie se fait complaisante et abondante. Il y a toujours beaucoup d’amour à faire passer dans ce déploiement mélodique qui s’achève, et avec lui la première phrase, par une formule type de cadence : Ré-Mi-Fa-Mi-Ré-Mi-Mi-Ré.

La deuxième phrase commence par un bel élan qui correspond au sommet mélodique et intensif de la pièce, sur le mot hebræórum. Mais dès que l’accent a été mis en lumière, la mélodie revient doucement vers le grave sur le mot púeri, comme si les enfants eux-mêmes pressentaient que leur joie serait de courte durée, comme pour montrer que le mystère de la cité sainte incluait celui, si oppressant, de la Passion, qui se profilait déjà à l’horizon. Les deux mots suivants, resurrectiónem vitæ, qui évoquent en creux la réalité de la mort préalable, n’évoluent que sur deux notes, le Ré et le Mi, de façon quasi syllabique, mettant juste en valeur la première syllabe de resurrectiónem et les deux accents toniques des deux mots. Un élan contenu se fait sentir sur le mot pronuntiántes qui utilise lui aussi une formule type.

La troisième phrase reprend du mouvement et de l’intensité, notamment sur le mot palmárum qui conduit avec ardeur la mélodie vers une cadence en Fa qui va amener directement le hosánna qui suit. Ce cri hébreu est juste souligné par un podatus d’accent, mais il faut reconnaître qu’il n’a pas le caractère joyeux qui devait être celui des hosanna du peuple au moment où Jésus passait au milieu de la foule. Là encore, on sent que la passion est trop proche désormais pour que l’on s’abandonne à la joie, et la mélodie de clamábant revient comme inexorablement vers le grave, conférant à tout ce passage conclusif du répons, une densité qui contraste avec la joie simple et spontanée que les mots traduisent. Cette belle pièce est pensée, et si elle ne nous permet pas de nous envoler dans la louange, c’est avec raison : l’entrée dans l’église correspond à l’entrée dans Jérusalem qui a préludé à l’incompréhension presque immédiate qui s’est manifestée entre Jésus et la foule.

Quand au verset du répons, il est entièrement classique : il s’agit d’une mélodie de psalmodie ornée en 2ème mode, sans caractère particulier.

Le mouvement d’ensemble de ce répons doit néanmoins être assez vif et compenser un peu le manque de joie de la mélodie qui contraste, mais de façon voulue, avec le texte.

Pour écouter ce répons : ici.

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