« Notre Cité se trouve dans les Cieux ». Ainsi commença la conférence de Laurent Dandrieu pour le cercle Saint-Honoré – qui reçoit un auteur par mois – le 16 septembre dernier. Et de problématiser pour ses auditeurs réunis dans une salle de la paroisse Saint-Roch à Paris. En tant que catholique, faut-il se désintéresser de notre patrie terrestre ? Dans une société mondialisée, que propose l’Eglise universelle ? Peut-on être catholique et patriote ?
Etre chrétien et patriote dans une société mondialisée
La thèse de l’auteur est qu’on le peut, et même qu’on le doit. Pour fondement de son propos, Laurent Dandrieu choisit de montrer le danger du mondialisme et le besoin naturel d’enracinement chez l’homme. Aujourd’hui, le pouvoir est transféré à des organismes mondialisés non élus et donc rendu inaccessible au citoyen, simple individu de la société. La mondialisation a généralisé au monde entier le relativisme occidental. Pourtant, soutient Laurent Dandrieu à grand renfort de références à Simone Weil, Chantal Delsol et François-Xavier Bellamy, il n’y a de civilisation qu’enracinée. L’héritage particulier de chacun est nécessaire pour progresser vers l’universalité de notre nature humaine. L’exemple de Fra Angelico est très frappant : toscan d’origine, il a toujours été très attaché à sa région, à sa culture et à ses traditions. Qui mieux que lui sut rejoindre et faire toucher l’universalisme chrétien par ses œuvres ? La diversité des cultures humaines est un trésor voulu par Dieu : chacune concourt à la recherche du Vrai, du Bien et du Beau. Il est à ce propos très paradoxal de constater que notre société cherche à articuler biodiversité et mondialisme.
Pour un christianisme universaliste et enraciné
« L’universalisme chrétien est l’inverse du mondialisme, et c’en est même le meilleur antidote. » Laurent Dandrieu poursuivit son argumentation en montrant que l’Eglise a toujours reconnu et respecté ce besoin d’enracinement. Jésus est le premier à en avoir donné l’exemple en s’incarnant dans un peuple précis. La diversité des cultures est le mode de fonctionnement normal de la condition humaine, voulu par Dieu. L’animal social qu’est l’homme doit se perfectionner dans une culture particulière. Celle-ci est un don de Dieu qui peut être couronné par la grâce. Le phénomène d’inculturation montre bien que d’une part, l’Evangile s’incarne dans les cultures autochtones, et que d’autre part, ces mêmes cultures s’introduisent dans la vie de l’Eglise. Face à cette réalité humaine, l’universalisme chrétien ne cherche aucunement une uniformisation des cultures, il permet au contraire de s’en dispenser. Citant nos saints papes comme Pie X et Jean-Paul II, Laurent Dandrieu rappela que l’universalité du Salut passe par le truchement de notre nation particulière. L’Eglise elle-même nous enseigne que si nous aimons notre patrie, nous accomplissons un devoir de charité et de piété, nous sommes fidèles à notre vocation spirituelle. Car les nations, comme les âmes, ont leur vocation spirituelle. Et de citer le cas de la France, fille aînée de l’Eglise, à qui il faut tout de même rappeler les promesses de son baptême. L’unité dans la diversité et la diversité dans l’unité, tel est le fondement de l’universalisme chrétien, car l’unité spirituelle est sans commune mesure avec nos institutions humaines. Le titre de son livre dresse le tableau : il nous faut choisir entre Rome et son Esprit de la Pentecôte, ou Babel qui vit naître l’incompréhension entre les peuples.
Voilà le défi pour notre Eglise : retrouver l’équilibre entre la fraternité universelle et l’enracinement des personnes, et par là, sa véritable vocation qui est d’être universaliste et enracinée. C’est grâce à leur trésor culturel que les chrétiens pourront rayonner et enseigner à toutes les nations. « Les catholiques doivent être le sel de la terre et non le sucre pour adoucir la mondialisation« .