Église de France : l’abbé Claude Barthe, directeur de la revue Res Novae, estime que l’Église n’a pas à se soumettre au diktat de l’opinion, mais à recourir aux moyens qu’elle possède pour juger et punir. Encore faut-il que les hommes d’Église trouvent le courage de recourir à la totalité de son arsenal judiciaire…
Les affaires concernant les abus sexuels dans l’Église de France commis par des évêques, ou leurs complicités, ajoutées à tant d’autres cas, donnent la nausée. Mais affligeante est en outre la manière dont elles sont traitées, à l’imitation de ce qui se fait dans les démocraties contemporaines soumises à l’empire de l’opinion.
Église de France : seule Rome peut juger les évêques
Il faut rappeler que s’agissant de délits dont sont accusés des évêques et cardinaux, seule la Cour de Rome – soit directement le Souverain Pontife, ou en son nom le Tribunal de la Rote ou le Dicastère pour la Doctrine de la Foi selon les cas – est compétente pour les juger.
Le cardinal Ricard a avoué publiquement un péché grave commis jadis sur une mineure, et le Président de la Conférences des Évêques de France en a fait état dans une conférence de presse.
Une Église mondaine ?
Il faut le dire clairement : qu’avons-nous à faire de cette repentance et de cette annonce médiatisées ? Une seule chose importe dans la société catholique : qu’un délit grave soit jugé et puni par l’Église. Au moment où est connu l’acte délictueux, une enquête canonique préalable (canon 1717) doit être engagée pour en vérifier la vraisemblance et déclencher un procès canonique par voie administrative ou pénale, ce qui semble d’ailleurs être le cas.
Canon 1717 du Code de droit canonique de 1983
§1. Chaque fois que l’Ordinaire a connaissance, au moins vraisemblable, d’un délit, il fera par lui-même ou par une personne idoine, une enquête prudente portant sur les faits, les circonstances et l’imputabilité du délit, à moins que cette enquête ne paraisse totalement superflue.
§2. Il faut veiller à ce que cette enquête ne compromette la bonne réputation de quiconque.
§3. Celui qui mène cette enquête a les mêmes pouvoirs et les mêmes obligations qu’un auditeur dans un procès ; et, si le procès judiciaire est ensuite engagé, il ne peut y tenir la place de juge.
La peine canonique proportionnée au délit et aux circonstances et la réparation exigée sont la seule restauration sociale qu’on doive rechercher dans cette société divine et humaine qu’est l’Église. Tout le reste est mondanité.
Tribunaux d’Église ou tribunaux civils ?
Autre cas : Mgr X, il y a des années, a été dénoncé devant un tribunal pénal pour des faits commis contre un mineur. Il a toujours affirmé son innocence et les accusations contre lui ont fait l’objet d’un classement sans suite, puis d’un refus d’informer en raison de la prescription.
Mais ici encore, qu’avons-nous à faire, s’agissant d’accusations contre un clerc et qui plus est d’un évêque, des décisions d’un tribunal non ecclésiastique ? La justice canonique eût dû se saisir de l’affaire et, ou bien sanctionner l’évêque et provoquer sa dégradation, ou bien l’innocenter. Point.
L’Église est sainte. Elle est sainte dans le message qu’elle diffuse, et auquel les hommes qui sont chargés de le répandre, spécialement les Successeurs des Apôtres, doivent tout faire pour s’accorder par une vie personnelle pure et irréprochable. Elle est sainte aussi institutionnellement, notamment par la fonction de juges qu’exercent ses pasteurs au nom du Christ, y compris le premier d’entre eux sur ses frères.
La justice d’Église
L’exercice de la justice d’Église, indépendamment de la justice des hommes et a fortiori du « tribunal » des médias et des foules, relève de sa liberté sacrée.
Le fait que les prélats de l’Église se déchargent aujourd’hui trop souvent sur les tribunaux de la société des hommes, société en outre idéologiquement laïque, et qu’ils se soumettent aux exigences de l’opinion, est une manifestation parmi d’autres de leur inclination démissionnaire.
Sur cette affaire, voir aussi notre dossier thématique sur l’Assemblée plénière de novembre 2022.