À Paris, au Centre Pompidou, l’artiste-sculpteur Germaine Richier (1902-1959) est à l’honneur. Peu connue du grand public, elle fut pourtant la première femme à être exposée de son vivant au Musée d’Art Moderne en 1956.
Au départ celle pour qui Seul l’humain compte réalise une œuvre accessible car figurative et assez « classique ». La série de portraits (réalisés pour la plupart entre 1920 et 1930), bien présentée, qui accueille le visiteur, en témoigne. Puis, lors de son exil en Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, une rupture s’opère. Bouleversée par les noirceurs de l’époque, cette ancienne élève des Beaux-Arts de Montpellier venue se former dans l’atelier de Bourdelle à Paris, va représenter des corps déformés, écorchés. « Notre époque est pleine de griffes », dit-elle. L’homme qui marche (1945) est un personnage inquiétant et douloureux, qui semble porter les blessures de combats guerriers (crâne troué d’une balle, nez cassé, œil exorbité). Ailleurs ce sont des insectes qu’elle compare aux corps humains, réalisant des sculptures originales, assez impressionnantes (La Mante, 1946, Le cheval à six têtes, 1955). Plus loin, son Don Quichotte (1950-1951) très stylisé est nettement plus rassurant.
Dans les années 1950, alors qu’on lui commande un Christ pour l’église du plateau d’Assy en Savoie, un scandale éclate. Sa sculpture extrêmement épurée semble inspirée par ces versets des textes d’Isaïe : « La multitude avait été consternée en le voyant, car il était si défiguré qu’il ne ressemblait plus à un homme » (Is 25, 14). Mais cette forme d’expression choque, on y voit même une sorte de blasphème. Le Christ est alors relégué dans la chapelle des morts jusqu’en 1969 où il retrouve sa place d’origine dans le chœur de l’église. Cette œuvre, prêtée exceptionnellement par le diocèse d’Annecy, est présentée pour la première fois dans un musée avec beaucoup de respect. Aujourd’hui notre regard a évolué. On peut ne pas être sensible à cette forme d’expression très dépouillée, presque abstraite, sans y trouver un caractère offensant, ce qui n’était certainement pas l’intention du sculpteur.
Cette artiste inclassable, femme au tempérament affirmé mais nullement féministe, meurt à 57 ans des suites d’un cancer, réalisant à la fin de sa vie des œuvres colorées avec parfois la collaboration de ses amis peintres Viera Da Silva ou Zao Wou-Ki.
Une œuvre souvent tourmentée présentant de belles réussites plastiques !
Jusqu’au 12 juin 2013. Centre Pompidou, Place Georges-Pompidou, 75004 Paris. Tél. : 01 44 78 12 33. Ouvert du mercredi au lundi de 11 h à 21 h et jusqu’à 23 h le jeudi. Fermé le mardi.
L’exposition sera ensuite présentée du 12 juillet au 5 novembre 2023 au musée Fabre de Montpellier, dans les lieux mêmes où Germaine Richier a fait ses premiers pas d’artiste.
Catalogue : Germaine Richier, sous la direction d’Ariane Coulondre assistée de Nathalie Ernoult, Éd. Centre Pompidou avec la participation scientifique du musée Fabre, 304 p., 45 €.