La disparition de l’ancien dissident puis président de la République tchèque Vaclav Havel a conduit sur le moment à la publication d’une multitude d’éloges avant de disparaître sous l’écorce d’une actualité véritablement chronophage. Dans le même temps, la Corée du Nord voyait la disparition du tyran qui était à sa tête – Kim Jong-il – et entrait dans une nouvelle ère pleine d’incertitudes. Les journaux n’ont cessé d’en parler, comme si la peur qui habite d’un coup le monde l’empêchait de dormir avant la dégustation de la dinde de Noël. Ce n’est pas le sort du peuple de Corée qui inquiète l’Occident, mais la crainte de voir sa tranquillité bousculée. À sa manière Vaclav Havel avait aussi bousculé cette tranquillité de l’Occident en refusant le mensonge du système communiste. Cette leçon est toujours d’actualité. Voici donc un extrait de l’article de Stéphen de Petiville que L’Homme Nouveau publiera dans son numéro du 31 décembre.
Vaclav (prononcez Vatslav) Havel est mort dimanche 18 décembre dernier à l’âge de 75 ans. Parmi les essais politiques, Le pouvoir des sans pouvoir
écrit en 1978 est certainement l’un des plus intéressants dans la mesure où il y décortique les mécanismes de ce qu’il appelle «
la vie dans le mensonge
» et que l’appel à la dissidence et à la vie dans la vérité y est explicite. Pour Havel, c’est la multitude de ces petites compromissions qui fait système. Compromissions sans gravité à première vue – mettre un panonceau dans une vitrine qui demande aux gens de s’unir – mais c’est l’addition de tous ces petits gestes sans conséquence qui en vient à faire système en acculturant l’idéologie communiste pour en faire un élément naturel comme le vent, le paysage ou les odeurs. Certes, l’individu n’est pas obligé de croire en son for interne à toutes ces mystifications, mais il est sommé de n’en rien manifester à l’extérieur. Vie intérieure, vie publique, le communisme a su lui aussi imposer cette forme de schizophrénie que l’on connaît fort bien dans nos démocraties libérales. La dissidence a donc valeur d’exemple. Havel disait d’ailleurs que comme dans un opéra, tout commence par un solo, puis un duo qui se prolonge en trio ou quatuor pour finir par un chœur. C’est ce qui s’est passé dans la réalité. Le système est tombé parce que les Tchèques et les Slovaques dès la mi-89 n’avaient plus peur et que plus personne, y compris la classe politique, ne croyait aux vertus du système. C’est ainsi qu’a germé la fameuse « Révolution de velours ». Que la leçon morale insufflée par Havel soit entendue jusque dans nos démocraties libérales post-totalitaires !