Il faut certainement s’appeler Benoît XVI pour oser livrer à la méditation du monde et de la plus bavarde des professions un des plus beaux éloges du silence. Signé le 24 janvier dernier, en la fête de saint François de Sales, le saint patron des journalistes, le message pontifical pour la prochaine Journée mondiale des communications sociales dépasse pourtant largement le cadre du simple paradoxe. Ou, plutôt, si paradoxe il y a, c’est dans le but de susciter la curiosité de l’intelligence pour que celle-ci se détourne des schémas préfabriqués et perçoive une vérité plus profonde.
Au monde de l’information, Benoît XVI propose donc de se réapproprier le silence, « partie intégrante de la communication » et sans lequel « aucune parole riche de sens ne peut exister ». C’est une invitation exigeante dans un monde, le Pape le note aussi, saturé d’informations et où nous sommes tous appelés à nous prononcer sur des évènements qui nous dépassent le plus souvent. Pire : comme le note toujours Benoît XVI, nombre d’entre nous, aujourd’hui, recevons des réponses à des questions que nous ne nous sommes jamais posés. L’information et la communication ne sont plus des services qui permettent aux hommes de mieux communiquer et de travailler ensemble à la poursuite du bien commun. Elles ont opéré une révolution, se transformant en fin en soi. Et, à notre corps défendant, nous sommes devenus les réceptacles d’une surinformation qui se double souvent d’une désinformation.
À L’Homme Nouveau, journal qui paraît depuis sa fondation tous les 15 jours, cet éloge du silence nous conforte dans la direction que nous avons prise. À contre-courant d’un monde fondé sur la publicité, arme de propagande commerciale, et sur la prétention à tout traiter en permanence, nous avons opté depuis le début pour la nécessité d’un double silence. D’abord, celui qui implique de se taire sur les sujets qui n’entrent pas dans le cadre de notre vocation et de nos domaines de compétence. Celui, ensuite, du discernement. Il faut parfois du temps pour aborder certains sujets. Un temps de silence, qui n’est pas une absence à la réalité, mais qui implique une forme de présence. Il faut du temps et du silence pour trouver les réponses les plus conformes à la vérité des êtres et des choses. Il faut du temps et du silence pour discerner l’essentiel de l’accessoire. Benoît XVI le dit fort bien : « Le silence est précieux pour favoriser le nécessaire discernement parmi tant de sollicitations et tant de réponses que nous recevons, précisément pour reconnaître et focaliser les questions vraiment importantes. »
C’est en donnant toute sa place à cette sorte de silence que nous entendons continuer notre mission au sein de L’Homme Nouveau. En posant le pari que les lecteurs seront toujours au rendez-vous de cette nécessaire ascèse qui est un pan de la libération chrétienne par rapport au monde.