Après la Marche de cet été, rencontre avec les Veilleurs

Publié le 03 Sep 2013
Au quotidien n° 247 : état de droit et refondation politique L'Homme Nouveau

Entretien avec Gaultier Bès, 25 ans, coordinateur de la marche, professeur de Lettres en banlieue lyonnaise

La marche des Veilleurs vient de s’achever, en quoi consistait-elle ?

Le principe de la marche des Veilleurs de Rochefort à Paris était simple : se mettre en mouvement et veiller. En effet, ce qui importait le plus pour nous, c’étaient les veillées itinérantes. Chaque soir, pendant 22 jours consécutifs, une trentaine de veilleurs-marcheurs étaient rejoints par de nombreux riverains ou vacanciers pour réfléchir ensemble, sur la place publique, au cœur de la cité, à des thèmes transversaux : justice et égalité, crise et changement, solidarité, héritage et transmission, vulnérabilité, progrès et dignité, écologie et économie, etc. Chaque soir, un tiers environ des Veilleurs veillaient pour la première fois. Beaucoup de badauds s’arrêtaient à qui nous expliquions le sens de notre démarche. Voir des gens réunis pour écouter des textes, sans prosélytisme, sans revendications, voilà qui détonne. Entre les veillées, la marche à travers la Charente-Maritime, la Vendée, puis la Loire-Atlantique, était l’occasion de tisser des liens et de redécouvrir notre patrimoine, nos paysages : que la France est belle à 5 km/heure !

Quel bilan en tirez-vous ?

D’abord, c’est l’essentiel,de magnifiques rencontres entre les Veilleurs. Des amitiés sont nées entre des personnes de tous âges et de toutes origines. Le souci fraternel du décloisonnement, c’est l’esprit même de la veille. Après quatre mois de veille, partout en France, il fallait aux Veilleurs une nouvelle étape. Cette marche de Rochefort à Nantes, puis à Sartrouville, Bondy et Paris, nous aura permis d’aller à la rencontre des Français, de mieux comprendre leurs préoccupations, de ressentir parfois leur indifférence et leur fatalisme, mais aussi d’admirer leur esprit d’initiative. La marche a été pour nous le moyen d’une plus grande ouverture aux enjeux de notre époque, d’une meilleure compréhension des problèmes de fond. La transformation du mariage civil en contrat indifférencié, l’institution du droit à l’enfant, le déni des identités sexuelles, tout cela n’est pas arrivé par hasard ou par le fait du prince. C’est l’effet d’un long travail de sape et d’une idéologie qui se déploie dans tous les domaines de l’existence. Notre vigilance ne saurait être schizophrénique, car c’est partout que la place de l’homme est remise en cause par le prométhéisme mercantile et technique.

Les Veilleurs se sont mis en route pour éviter le recroquevillement, car la veille requiert une attention au monde que l’immobilisme menace sans cesse. Nous avons marché pour ne pas nous assoupir, nous habituer, pour ne pas devenir des fonctionnaires de la veille. Un Veilleur ne saurait être immobile, figé, prostré. Sa méditation n’est pas centrée sur lui, mais tournée vers l’extérieur. Le danger de l’entre-soi guette à chaque fois qu’un mouvement cesse de se mouvoir pour devenir un parti, une chapelle, un clan… Le destin de l’eau morte est de croupir. Notre ambition au contraire est de revivifier par la culture commune ce qui sommeille en nous, la conscience d’hériter, le désir de préserver, le souci de transmettre.

Pouvez-vous rappeler comment sont nés les Veilleurs ?

Les Veilleurs sont nés à la mi-avril en réaction à un double déni : le déni de réel et le déni de démocratie de la loi Taubira. Face à la violence, les Veilleurs ont voulu répondre par la culture. Apparus d’abord à Paris, des Veilleurs se sont très vite rassemblés dans toute la France, dans plus de 200 villes et ailleurs désormais. Il s’agissait de proposer une résistance pacifique à la pensée unique en retrouvant le sens de la parole, en sortant des systèmes partisans, des réflexes idéologiques. Face à l’enflure du pouvoir, la responsabilité civique. Face à l’arasement des identités, l’amour de ce qui est. Retrouver le sens du bien commun, en cherchant toujours le beau et le vrai.

Y a-t-il eu une évolution de la démarche et de l’esprit des Veilleurs depuis leur naissance ?

Non, simplement un approfondissement et un élargissement. Les Veilleurs n’ont pas de plan de développement, ni d’obligations de résultats, ni même de doctrine, c’est un faisceau d’intuitions fraternelles qui se révèlent et s’incarnent de manière collégiale et décentralisée. Les Veilleurs n’appartiennent à personne.

Comment envisagez-vous l’avenir des Veilleurs ?

Je crois et j’espère que les Veilleurs sauront rester cet espace libre d’éveil des consciences et de civisme qui n’a pas vocation à être un lieu de formation ni de militantisme, mais à permettre que chacun trouve sa juste place dans la cité, en articulant vigilance et bienveillance.

Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de n’être pas assez concentrés sur l’abrogation de la loi Taubira et de vous gargariser avec de grands mots sans agir ?

Rien. Les Veilleurs veillent.

Ce contenu pourrait vous intéresser

A la uneSociétéBioéthiqueDoctrine sociale

La dimension « politique » de la défense de la loi naturelle

L’avalanche de lois « sociétales » en France depuis plus d’un demi-siècle, toutes étant des atteintes directes à la loi naturelle, a provoqué dans une partie du monde catholique une délégitimation diffuse ou expresse des institutions politiques les ayant édictées, cela au sein du déferlement individualiste de l’après-68 et de cette sorte d’explosion en plein vol de l’Église en état de Concile. Le « mariage » homosexuel et la constitutionnalisation de l’avortement ont porté chez ces mêmes catholiques le climat à l’incandescence. D’où la question : que faire ?

+

loi naturelle
SociétéLettre Reconstruire

L’Église face au socialisme (II)

Lettre Reconstruire n°35 (avril 2024) | Dans la série de ses études synthétiques sur les idéologies modernes, Carlos Sacheri aborde le socialisme et le jugement de l’Église sur cette réaction aux injustices sociales nées du libéralisme économique. Il présente ici les points communs à toutes les idéologies socialistes.

+

socialisme
SociétéLectures

L’inégalité, un outil de civilisation ?

Entretien | Juriste et historien, Jean-Louis Harouel s’attaque dans un livre récemment paru au mythe de l’égalité. Il postule que cette « passion laide » contemporaine, destructrice de la famille, entre autres, ne sert en rien les intérêts d’une population, en montrant que seule l’inégalité, créatrice de richesses, encourage la production et par là-même augmente le niveau de vie et conditionne le progrès moral et scientifique. Entretien avec Jean-Louis Harouel sur son livre Les Mensonges de l’égalité. Ce mal qui ronge la France et l’Occident.

+

égalité mythe