Henri Béraud, prix Goncourt 1922 pour deux romans, Le Martyre de l’obèse et Le Vitriol de lune, fut le reporter le plus célèbre – et le mieux payé – de l’entre-deux-guerres, frayant avec Albert Londres et Joseph Kessel. Francis Bergeron, écrivain et journaliste, redécouvreur de son œuvre, a fondé et préside l’Association rétaise des Amis d’Henri Béraud. Il évoque l’édition récente d’un recueil d’articles d’Henri Béraud, Le Nœud au mouchoir.
Qu’est-ce qui vous a incité à vous intéresser tout particulièrement à Henri Béraud ?
J’avais lu Le Bois du templier pendu, comme beaucoup de Français dont les grands-parents avaient ce titre dans leur bibliothèque. Mais j’ai découvert la maison qu’avait achetée Béraud sur l’île de Ré, signalée par une plaque posée par sa femme, au cours d’une promenade avec mes enfants. Cette proximité géographique m’a donné envie d’en savoir plus sur cet écrivain : peut-être retrouverais-je des pages sur l’île de Ré à son époque ? Mes lectures m’ont appris que Béraud était un écrivain assez complexe, ayant commencé en exerçant de nombreux métiers, un peu autodidacte, venant d’un milieu populaire – son père était boulanger à Lyon – très connu dans sa ville natale mais oublié dans le reste du pays. J’ai découvert ses engagements intellectuels à gauche, anarchisants. J’ai constaté qu’il avait évolué dans les années trente, alors qu’il était devenu journaliste et qu’il voyait la montée des dangers due au surgissement de régimes autoritaires ou totalitaires (Union soviétique, Allemagne, Italie). Face à ce danger, il considérait que la France se complaisait dans des combinaisons politiciennes déplorables.
Finalement, Béraud est toujours resté patriote ?
Oui, pacifiste mais patriote. Ce qui se traduit notamment par ses polémiques concernant l’Angleterre, concurrent de notre pays dans la politique coloniale et maritime. Sa découverte de l’URSS, où il se rend en 1925 en reportage, et pour laquelle il était parti avec une vision romantique de la révolution, va beaucoup compter pour lui – et pour ses lecteurs. En témoin objectif, il découvre alors l’État policier mis en place par Lénine, la surveillance des populations, le monde ouvrier devenu une prison à…