À l’heure où la beauté est trop souvent remplacée par la laideur dans l’Art contemporain et devient objet de marché, le livre de Jean Brun et Boris Lejeune répond à la question « qu’est-ce que la beauté ? », en reliant celle-ci au Créateur qui en est la source. Présentation par Aude de Kerros* graveur, essayiste et écrivain.
Le mot beauté en art est aujourd’hui un mot tabou. Le mot de « beauté » n’a plus d’aura, de mystère, de rayonnement bénéfique. Il a basculé dans le mal. Il est devenu synonyme de domination, de manipulation politique, d’opium du peuple, de maquillage de la réalité. L’idée de beauté est discriminative puisqu’elle suppose la laideur. Le terme est autorisé pour les objets de consommation, le marketing, il exprime tout au plus une opinion, une affaire de goût. Pour échapper au soupçon les philosophes préfèrent ne pas aborder ce sujet, les artistes évitent de faire des œuvres dont l’harmonie est trop évidente.
Les sociologues s’y sont intéressés et ont analysé les comportements esthétiques, comme des « faits sociaux », des comportements collectifs, datés et déterminés. Ils ont expliqué ce qui est beau et dit pourquoi. C’est dans ce contexte que paraît en 2015 un livre signé par un philosophe et un artiste posant de façon abrupte la question Qu’est-ce que la beauté ? (1). Il est né de la découverte par Bernard Dumont, directeur de la revue Catholica, d’un texte inédit du philosophe Jean Brun sur la beauté, transmis par lui à un artiste, Boris Lejeune, hanté par le même questionnement. La nouveauté de ce livre c’est d’oser confronter le travail du studio à la méditation de l’atelier et de donner la parole aux courants souterrains de la pensée d’aujourd’hui.
Le philosophe Jean Brun
Jean Brun, né en 1919, mort en 1994, a traversé le siècle et connu toutes les péripéties des idées qui l’ont révolutionné. Il a consacré sa vie de philosophie à l’étude de la pensée grecque et chrétienne. Ne perdant pas de vue cette longue perspective, il a observé avec attention la pensée des intellectuels modernes et postmodernes. Il constate la façon dont les « sciences humaines » ont fourni des explications « scientifiques » et donc déterministes à tout ce qui constituait l’aventure humaine et le mystère de la personne. Comment elles…