Ce matin, jour de la Nativité, nous portons notre regard sur l’enfant de la crèche qui apporte joie et salut à notre humanité. À la suite de Marie et Joseph, des anges et des bergers, l’univers entier médite et chante le miracle de son Incarnation.
La joie triomphante de Noël
L’Église entière chante aujourd’hui la naissance du Rédempteur. Le Sauveur annoncé par les prophètes nous est né : sa lumière a illuminé le monde, réchauffant nos cœurs de sa douce clarté. Les temps sont accomplis, la nuit de l’erreur, de l’ignorance, du doute et du désespoir prend fin ; voici que Dieu s’est attendri sur la misère de l’homme. Pour l’affranchir de la tyrannie du péché, il lui a envoyé non un messie guerrier, non une ambassade angélique, mais son propre Fils, incarné dans le sein d’une vierge pour nous arracher à la mort et à la perdition.
« Lorsqu’un paisible silence régnait sur toutes choses et que la nuit était au milieu de sa course, lit-on dans le Livre de la Sagesse, votre parole toute-puissante venant du Ciel, du trône royal, vainqueur impitoyable, fondit au milieu de cette terre, vouée à l’extermination » (1).
À cette heure, descendant du trône de l’Éternel, Jésus-Christ reçoit en sa frêle humanité des siècles d’attente et de prophéties. Il est l’héritier des temps, intronisé par l’Ancien des jours dans les nuées du Ciel pour ébranler le vieux monde dans ses fondements. D’Orient en Occident, l’univers tressaille à son avènement ; les astres du firmament dansent à l’entour ; les anges et les hommes, saisis d’une commune action de grâce, fléchissent le genou et adorent le Fils de Dieu qui inaugure son règne dans le secret et le silence ; « et le Verbe s’est fait chair ; il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire, pleine de grâce et de vérité » (2).
« Au nom de l’infinie charité dont il a témoigné à notre égard, écrit saint Léon, Dieu nous a pris en pitié ; alors que nous étions morts à cause de nos péchés, il nous a vivifiés dans le Christ, pour que nous soyons en lui des créatures nouvelles et une chair nouvelle. Déposons donc le vieil homme et ses méfaits, et, participant à la génération du Christ, renonçons aux œuvres de la chair. Reconnais, ô chrétien, ta dignité ; désormais revêtu de la nature divine, ne retourne pas à ta déchéance d’antan. » (3)
La tradition des trois messes de Noël et leur spiritualité mariale
Une antique coutume veut que l’avènement du Christ soit en ce jour célébré par trois messes successives.
Celle de la nuit proclame la génération éternelle du Fils unique, semblable au Père, qui dès avant la constitution du monde, jouissait de la paisible possession de ses perfections, dans le sein de la divinité : « Le Seigneur m’a dit : Tu es mon Fils, aujourd’hui, je t’ai engendré ».
La messe de l’aurore fait résonner l’annonce des anges aux bergers ; c’est le chant ému des cieux qui publient avec éclat la naissance d’un roi, la naissance d’un libérateur, la naissance d’un Dieu : « Aujourd’hui, la Lumière resplendira sur nous, car un Sauveur nous est né, et il sera appelé Dieu admirable, Prince de la paix, Père des siècles à venir ».
La messe du jour, enfin, répercute l’écho de ces joyeuses acclamations dans l’univers habité : voici que se dissipent les ténèbres du doute et de l’ignorance. Sur le monde la lumière s’est levée, réveillant l’homme de sa torpeur native : « Un enfant nous est né, un fils nous est donné ; le pouvoir est sur ses épaules et il sera appelé Ange du Grand Conseil ».
Comment rester insensible à la beauté simple et silencieuse de la crèche ? Si nous voulons approcher de ce doux Agneau et obtenir de sa munificence les dons que nous en espérons, mettons-nous à l’école de sa sainte Mère et apprenons à le contempler avec les sentiments de son Cœur immaculé.
Notre-Dame a incliné sa tête virginale ; elle est l’épouse, elle est la mère, elle est la coopératrice des desseins d’en-haut. La couronne nuptiale qui ceint son front tout auréolé de gloire et de majesté est une tresse et de joies, et de douleurs, et de lumières, et de gloires. Ses joies maternelles préludent sa mission. Le Fils adorable qui se blottit dans ses bras et qu’elle adore en silence, elle le dévoue dès à présent à la croix.
L’hommage de notre charité et de notre disponibilité
Ayons pour cet Enfant un éclat de charité, un amour tendre et oblatif qui ne laisse pas de s’épancher avec onction. Comment redouter un maître si doux, qui fait de son indigence une richesse, de sa nudité un ornement, d’un bœuf et d’un âne ses confidents, d’une inconfortable mangeoire une demeure digne du Roi des Cieux ?
Allons à lui dans l’affection de notre cœur et entretenons-nous quelques temps avec lui. En ce jour béni de votre venue, ô doux Jésus, je vous consacre toutes mes pensées, mes joies et mes peines, les sentiments les plus secrets de mon âme, les actes les plus décisifs de ma pauvre existence. Prenez l’entière possession de mon cœur ; répandez-y votre baume afin que je communie avec une ferveur redoublée et de suaves élans au joyeux mystère de votre Incarnation.
L’hommage de notre joie et de notre générosité
Ayons pour le Sauveur du monde un soupir de joie. Aujourd’hui le Salut s’est parmi nous. Il est là, exposé à nos yeux, dans une mangeoire, parce qu’il veut devenir notre pain quotidien : « Ma chair est vraiment une nourriture, dira Notre-Seigneur, et mon sang une boisson ; qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui. Et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (4)
La sainte allégresse à laquelle les anges nous convient n’est point comparable aux vanités et plaisirs de ce monde, qui ne sont que des illusions vaines et éphémères. En cette heure solennelle, nous nous détournons des futilités de cette vie, de notre confort matériel, de la tyrannie des convoitises, car voici qu’apparaît le terme de quatre mille ans d’attente. Jésus-Christ scelle dans son sang l’incroyable réconciliation de la création au Père des lumières.
Contemplons, en lui, l’aurore du renouveau, la restauration de l’ordre originel, le salut du genre humain promis à nos premiers parents : joie des anges et des hommes, félicité des saints et triomphe de la très sainte et très auguste Trinité sur nos misères et nos iniquités.
L’hommage de notre paix et de notre fidélité
Accordons enfin au divin poupon un regard de paix. C’est à la tranquille sobriété de la crèche que vont les attentions les plus relevées de notre cœur. Ce n’est certes pas à la manière du monde que notre Roi nous partage sa paix ; elle est un témoignage privilégié de la félicité qui nous attend dans l’au-delà et pour en partager la douceur, il nous faut purifier le regard de notre âme et apprendre à scruter les entrailles de sa divine miséricorde dans les circonstances secrètes de notre vie.
« Suis le chemin, exhorte saint Augustin, suis son humanité, et tu parviendras jusqu’à Dieu ! C’est par lui que tu marches, c’est vers lui que tu marches. Ne cherche pas d’autre chemin que lui-même pour parvenir jusqu’à lui. S’il n’avait voulu être le chemin, nous serions toujours errants ; mais il s’est fait la voie par où tu pourras l’atteindre. Je ne te dis pas : cherche le chemin ! Le chemin lui-même vient à toi : lève-toi et marche ! » (5)
Accueillons donc ce divin Enfant dans notre cœur en lui rendant le témoignage de notre ferveur et de notre affection ; gardons-le toujours devant les yeux en fixant sur lui notre attention ; tenons-le fermement entre nos bras, conformant aux divins sentiments de son Cœur nos pensées, nos paroles et nos actes. C’est en nos âmes qu’il veut aujourd’hui établir son séjour et y demeurer à jamais afin qu’auprès de lui demain nous chantions le céleste cantique qui naguère annonça au monde la naissance du petit Roi de gloire : Gloria in excelsis !
- Sagesse, XVIII, 14-15.
- Jean, I.
- Saint Léon le Grand, Sermon sur la Nativité du Seigneur, I.
- Jean, VI, 55.
- Saint Augustin, Sermon CXLI, 4 et aussi Commentaire du psaume CIX, 2.
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