Des laïcs ordinaires sur les autels

Publié le 30 Sep 2015
Des laïcs ordinaires sur les autels L'Homme Nouveau

Hélène Mongin est familière de la famille Martin. Sa biographie parue aux éditions de l’Emmanuel, Louis et Zélie Martin, Les saints de l’ordinaire, montre ce chemin extraordinaire dans l’ordinaire suivi par les bienheureux époux Martin. Entretien.

Les vocations religieuses non abouties des deux époux Martin sont-elles à l’origine des vocations de leurs filles ?

Je ne pense pas qu’on puisse parler de « vocation religieuse non aboutie » pour Louis et Zélie : ils avaient un grand désir de sainteté qu’ils identifiaient à tort, comme la majorité de leurs contemporains (et peut-être nous aussi ?), à la vie consacrée. Ils ont transmis ce désir de Dieu à leurs filles, mais ne les ont pas poussées vers la vie religieuse. J’en veux pour preuve cette anecdote : Zélie fait les courses avec son aînée, Marie, adolescente, et lui propose d’acheter un beau tissu pour lui faire une robe. Marie fond en larmes et reproche alors à sa mère de vouloir à tout prix la marier ! Zélie, devinant à cette réaction que Marie songe peut-être à la vie religieuse, écrit alors à Pauline : « Ne lui dis pas cela, elle se figurerait que je le désire, et vraiment, je ne le désire que si c’est la volonté de Dieu. Pourvu qu’elle suive la vocation qu’Il lui donnera, je serais contente. » (1)

Il ne faut pas s’imaginer que les filles Martin ont grandi dans un mini-monastère : les parents de famille nombreuse comprendront bien que cinq petites filles dans une maison font une ambiance peu monastique ! Mais la profonde foi de leurs parents, qui imprègne leur éducation, est un terreau propice à l’éclosion des vocations : un appel libre de Dieu, une réponse libre de chacune des filles Martin ; c’est ainsi qu’elles l’ont vécu.

En quoi leur sainteté a-t-elle pu influencer celle de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus ?

Le génie thérésien puise essentiellement à un double héritage : celui du Carmel et celui de ses parents. Il faut à ce sujet relire le début d’Histoire d’une âme et le portrait que Thérèse y dresse de son père, « n’ayant qu’à le regarder pour savoir comment prient les saints ». (2) Louis fait plus que lui donner un modèle de sainteté : son amour paternel est pour Thérèse le reflet de celui du Père, dont elle parle exactement dans les mêmes termes. Dans le visage défiguré de Louis lors de sa dernière maladie, elle va également contempler la Sainte Face du Christ lors de sa Passion, étape déterminante dans sa vie spirituelle. Le ­rôle de Zélie est plus indirect, puisqu’elle meurt quand Thérèse n’a que 4 ans. Outre la marque qu’elle a laissée dans sa famille, on peut aussi noter que la souffrance même de son absence sera un des moteurs du cheminement thérésien : Dieu creuse progressivement dans l’angoisse d’abandon qui accompagne Thérèse toute sa vie sa « petite voie » d’abandon et de confiance.

Que peut nous apporter ce saint couple de la fin du XIXe siècle à l’aube du XXIe siècle ?

Louis et Zélie, dans de nombreux aspects de leur vie, n’ont rien de dépassé : ils forment un couple équilibré et aimant, ils travaillent tout en élevant leurs enfants, Madame est chef d’entreprise, ils mettent en pratique la doctrine sociale de l’Église d’une manière prophétique, etc. Ils sont aujourd’hui encore un modèle très actuel pour beaucoup de couples et de familles.

Mais l’essentiel est intemporel : leur exemple nous montre que la sainteté est possible dans une vie de famille, de laïcs ordinaires. Rien d’extraordinaire dans leur existence, si semblable à la nôtre dans ses joies comme dans ses épreuves : mais en la vivant avec et pour Dieu, dans une charité rayonnante, ils ont porté du fruit dans le monde entier. Quelle espérance pour nous !

Ils nous apportent enfin leur présence affectueuse à nos côtés : combien de témoignages n’ai-je pas reçus de personnes que Louis et Zélie accompagnaient dans leur existence quotidienne, dans leurs épreuves. Confiez-vous à eux, croyez-moi, vous ne le regretterez pas !

1. Bienheureux Zélie et Louis Martin, Correspondance Familiale. 1863-1888, Cerf, 416 p., 26 € ou sur www.archives-carmel-lisieux.fr (ce site est une mine d’or !)
2. Sainte Thérèse de Lisieux, Histoire d’une âme, Éd. de l’Emmanuel, 360 p., 5 €.

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