Et les régions ?
Àl’heure où j’écris, la première phase des élections régionales vient de se dérouler. Quand vous recevrez ce journal, le second tour aura eu lieu et le sort politique des nouvelles régions françaises sera connu. Mais, quoi qu’il en soit du résultat final et du nombre de régions tombées dans l’escarcelle du Front national, nous sommes en train de vivre un moment historique, voire une accélération de l’Histoire, qui sera certainement déterminante pour le futur.
Il faut malheureusement constater que l’avenir des régions françaises a peu compté dans cette élection. D’une part, parce que la réalité, annoncée depuis des décennies, a justement fini par rejoindre les pires pronostics. Notre pays doit faire face à la menace islamique, dont il peine encore à prendre l’exacte mesure. La mort, le sang, la menace, lourde et pesante, s’installent dans notre quotidien. C’était déjà le cas avant, mais nous ne voulions pas le voir. Désormais, nos yeux sont grands ouverts, bien qu’ils soient sidérés. À ce titre, les enjeux politiques, souvent terre à terre, des élections régionales ont peu pesé.
Mais, d’autre part, le système politique dans lequel nous vivons continue de développer sa logique désastreuse. Fidèle au jacobinisme le plus étroit, l’organisation régionale dépend toujours des décisions d’en haut, faussant ainsi la réalité d’une véritable décentralisation. Le maire de ma commune m’expliquait ainsi que désormais les transports scolaires seraient à la charge de la région et non plus du département. Qui l’a décidé ? Un vote à l’Assemblée nationale ! Qui le sait ? À part les élus et quelques acteurs, personne ! Nous sommes en pleine application du principe de subsidiarité, mais à l’envers. Au lieu de remonter du bas vers le haut, face à un problème que les sociétés les plus petites n’arrivent pas à régler elles-mêmes, la décision, pesante et lourde, issue des cerveaux de technocrates sans responsabilité, s’impose depuis le sommet. Lequel, pendant ce temps, ne s’occupe pas des domaines dont il a la charge. Et l’on s’étonne encore du désamour des Français pour la politique et du score important de l’abstention (estimée à 49,5 % pour le premier tour) à ces dernières élections !…
Il faut revenir au politique
Àvrai dire, ce n’est pas de la politique dont se désintéressent les Français ! Aucun être normal ne laisse de côté son sort, celui de sa famille, de sa communauté professionnelle ou, au contraire, le poids de l’absence pesante de travail. Sans s’élever dans ses pensées et dans son discours à la hauteur d’un Platon, d’un Aristote ou d’un saint Thomas d’Aquin, chacun de nous perçoit qu’il est bien cet « animal social et politique » qu’ont décrit les Anciens. Même si, en raison de la profonde déformation due à la modernité, il se pense d’abord en tant qu’individu, l’homme d’aujourd’hui pressent inconsciemment que son sort est relié à celui des autres. Ce qu’en creux, il appelle de ses vœux, c’est au contraire un vrai retour du politique. Ce qu’il prend le plus souvent pour le fiasco des partis politiques ou de leurs ténors est au fond, de manière beaucoup plus profonde, l’échec radical du système politique moderne incapable d’assumer le bien commun et de permettre les conditions de l’amitié politique. Malheureusement, en ce sens, le résultat des élections ne réglera pas le fond des choses. L’urgent, l’important, n’est pas tant le remplacement du personnel politique, qui ne serait qu’une sorte d’emplâtre sur une jambe de bois, mais un véritable changement de paradigme, une libération des contraintes de la culture dominante, le retour au réel. Nous avons, nous, catholiques un effort considérable à effectuer dans ce sens, en reposant clairement notre action sur les véritables fondements de la philosophie classique et de la doctrine chrétienne. Et ce d’autant plus que se joue sous nos yeux l’agonie du système dominant mû par les contradictions inhérentes à la modernité.
L’Enfant de la Crèche
On trouvera peut-être ces réflexions bien sombres à l’approche de Noël. Ne nous y trompons pas ! Elles sont, au contraire, fondées sur la véritable espérance, qui n’est pas un optimisme béat à la sauce humanitaire, mais qui est ordonnée entièrement au règne de Celui qui est notre véritable fin. La véritable paix du Christ n’est pas celle du monde. Le Christ lui-même n’affirme-t-il pas (Mt 10, 34) : « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. » Toute notre espérance se trouve dans l’Enfant de la Crèche et dans la force de son message. Saint et joyeux Noël à tous !