Revenir au sacrement de la réconciliation

Publié le 16 Mar 2016
Revenir au sacrement de la réconciliation L'Homme Nouveau

À maintes reprises, dans le cadre de l’Année de la miséricorde, le Pape a évoqué l’épisode évangélique de la guérison de Bartimée. Il y est revenu le 4 mars dernier lors d’une célébration pénitentielle avec confession et absolution individuelles. Cet aveugle ne souhaite qu’une chose : voir ; et il sait que seul Jésus peut lui rendre la vue. Ce texte inspire au Pape des réflexions à propos du sacrement de la réconciliation, invitant les confesseurs à éviter les deux excès du laxisme et de la torture, qui font certainement partie des causes de la défection quasi générale, en Occident du moins, du sacrement du pardon. Ils ont fait des dégâts dans les âmes, le premier en leur faisant croire que le péché n’était qu’une broutille et que de toute façon Dieu sauvait tout le monde. C’est alors la caricature de la justice qui pardonne tout. Le deuxième excès, celui de la justice qui condamne, a fait, dans une ambiance plus ou moins jansénisante, tomber bien des âmes dans le désespoir. En réalité, aucun de ces deux excès n’a su voir qu’en Dieu, miséricorde et justice, loin de s’exclure, s’identifient réellement tout en gardant leur valeur propre dans la plénitude débordante de la perfection divine.

La pauvreté spirituelle

Bartimée est aveugle physiquement. Sa cécité l’a conduit à la pauvreté, matérielle certes mais plus encore spirituelle. Elle l’a appauvri, isolé et marginalisé. C’est ce que réalise en nous le péché. Il endurcit notre cœur, mais aussi il nous rend myope, en nous faisant apercevoir la paille qui est dans l’œil du prochain, sans pour autant voir la poutre qui est dans le nôtre. Et l’égoïsme tue vraiment les âmes, car en les rendant aveugles il les prive du même coup de la vraie liberté qui ne s’épanouit que dans la vérité. Et nous savons combien le péché nous fait opter pour les voies du « prince de ce monde » qui n’est que mensonge, alors qu’au contraire c’est la vérité qui nous rend libres.

Et voilà que Jésus, Incarnation de la miséricorde, passe près de Bartimée, s’arrêtant près de lui. Le cœur de Bartimée comme bouleversé se trouve en face de la lumière du monde qui chasse les ténèbres. Alors, en se mettant à prier, Bartimée demande à Jésus sa guérison complète, corps et âme, afin d’adhérer à la lumière et à la vérité. Il se met à crier comme un mendiant de Dieu. Il a peur certes, car, comme le remarque le pape avec saint Augustin : quand Dieu passe, on a toujours peur. Mais la joie de voir Jésus l’emporte sur la peur, car il sait bien qu’il ne retrouvera la vue que par Jésus. Il accepte la miséricorde, le temps favorable. Et nous aussi, nous devons accepter le temps favorable de ce jubilé extraordinaire. Allons à confesse ; comme Bartimée, jetons-nous aux pieds de Jésus, car c’est Lui qui en réalité juge et pardonne dans le sacrement. Oui, jetons le fardeau de nos iniquités. Et nous entendrons alors Jésus nous dire : Lève-toi et marche. Et le Pape invite alors les confesseurs à écouter et à ne jamais repousser les cris des brebis perdues qui veulent regagner la bergerie. La rigidité excessive ne fait jamais du bien aux âmes, pas plus que le laisser-aller sans contraintes. Les confesseurs jugent certes, mais ils doivent surtout éclairer pour que leurs pénitents retrouvent la vraie vue, la vue d’une âme en état de grâce. Alors, même si nous sommes de très grands pécheurs, gardons toujours confiance. Le diable sait que si nous faisons confiance à la miséricorde infinie de Dieu, il nous perd. Et il sait aussi que là où est présente la Mère de miséricorde, le miracle se produira. Lève-toi et voie !

Le discours du Pape

« Que je retrouve la vue ! » (Mc 10, 51). C’est la demande que nous voulons adresser aujourd’hui au Seigneur. Retrouver la vue, après que nos péchés nous aient fait perdre de vue le bien et qu’il nous aient détournés de la beauté de notre appel, nous faisant au contraire errer loin du but.

Ce passage de l’Évangile a une grande valeur symbolique, parce que chacun de nous se trouve dans la situation de Bartimée. Sa cécité l’avait conduit à la pauvreté, et à une vie en marge de la ville, dépendant des autres en tout. Le péché aussi a cet effet : il nous appauvrit et nous isole. Il est une cécité de l’esprit, qui empêche de voir l’essentiel, de fixer le regard sur l’amour qui donne la vie ; et il conduit peu à peu à s’attarder sur ce qui est superficiel, jusqu’à rendre insensible aux autres et au bien. Combien de tentations ont la force de brouiller la vue du cœur et de le rendre myope ! Combien il est facile et faux de croire que la vie dépend de ce que l’on a, du succès ou de l’admiration qu’on reçoit ; de croire que l’économie est faite seulement de profit et de consommation ; que les envies individuelles doivent prévaloir sur la responsabilité sociale ! En regardant seulement notre moi, nous devenons aveugles, éteints et repliés sur nous-mêmes, privés de joie et privés de liberté. C’est si mauvais !

Mais Jésus passe ; il passe et ne va pas plus loin : « il s’arrête », dit l’Évangile (v. 49). Alors un frémissement traverse le cœur, parce qu’on se rend compte que l’on est regardé par la Lumière, par cette Lumière aimable qui nous invite à ne pas rester renfermé dans nos propres aveuglement obscurs. La proximité de Jésus fait sentir que, loin de lui, il nous manque quelque chose d’important. Elle nous fait sentir que nous avons besoin de salut ; et c’est le début de la guérison du cœur. Ensuite, quand le désir d’être guéri se fait audace, il conduit à la prière, à crier à l’aide avec force et insistance, comme l’a fait Bartimée : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi ! » (v. 47).

Se laisser déranger

Malheureusement, comme cette « foule » de l’Évangile, il y a toujours quelqu’un qui ne veut pas s’arrêter, qui ne veut pas être dérangé par celui qui crie sa souffrance, préférant faire taire et rabrouer le pauvre qui gêne (cf. v. 48). C’est la tentation de continuer comme si de rien n’était, mais on reste ainsi à distance du Seigneur et les autres aussi se tiennent loin de Jésus. Reconnaissons que nous sommes tous mendiants de l’amour de Dieu, et ne laissons pas fuir le Seigneur qui passe. « J’ai peur du Seigneur qui passe » disait saint Augustin. Peur qu’il passe et que je le laisse passer. Laissons parler notre désir le plus véridique : « (Jésus), que je retrouve la vue ! » (v. 51). Ce Jubilé de la Miséricorde est un temps favorable pour accueillir la présence de Dieu, pour faire l’expérience de son amour et revenir à lui du fond du cœur. Comme Bartimée, jetons le manteau et bondissons (cf. v. 50) : jetons ce qui nous empêche d’être envoyés sur le chemin à sa rencontre, sans peur de laisser ce qui nous donne de la sécurité et auquel nous sommes attachés ; ne restons pas assis, relevons-nous, retrouvons notre stature spirituelle – debout –, la dignité de fils aimés qui se tiennent devant le Seigneur pour être regardés par lui dans les yeux, pardonnés et recréés. Et la parole qui arrive peut-être dans notre cœur aujourd’hui, est la même que celle de la création de l’homme : « Lève-toi ! » Dieu nous a créés debout : « Lève-toi ! ».

Aujourd’hui plus que jamais, surtout nous les pasteurs, nous sommes aussi appelés à écouter le cri, peut-être caché, de tous ceux qui désirent rencontrer le Seigneur. Nous avons le devoir de revoir ces comportements qui parfois n’aident pas les autres à s’approcher de Jésus ; les horaires et les programmes qui ne rencontrent pas les besoins réels de tous ceux qui pourraient s’approcher du confessionnal ; les règles humaines, si elles valent plus que le désir de pardon ; nos rigidités qui pourraient maintenir loin de la tendresse de Dieu. Nous ne devons pas, il est vrai, diminuer les exigences de l’Évangile, mais nous ne pouvons pas risquer de rendre vain le désir du pécheur de se réconcilier avec le Père, parce que le retour du fils à la maison est ce que le Père attend avant tout (cf. Lc 15, 20-32).

Conduire à Jésus

Que nos paroles soient celles des disciples qui, répétant les expressions mêmes de Jésus, disent à Bartimée : « Confiance, lève-toi ; il t’appelle » (v. 49). Nous sommes envoyés pour infuser du courage, pour soutenir et conduire à Jésus. Notre ministère est celui de l’accompagnement, pour que la rencontre avec le Seigneur soit personnelle, intime, et pour que le cœur puisse s’ouvrir sincèrement et sans crainte au Sauveur. N’oublions pas : c’est Dieu seul qui agit en toute personne. Dans l’Évangile c’est lui qui s’arrête et qui demande l’aveugle ; c’est lui qui ordonne qu’on le lui amène ; c’est lui qui l’écoute et le guérit. Nous avons été choisis – nous pasteurs – pour susciter le désir de la conversion, pour être des instruments qui facilitent la rencontre, pour tendre la main et absoudre, rendant visible et opérante sa miséricorde. Que tout homme et femme qui s’approche du confessionnal trouve un père ; trouve un père qui l’attend ; trouve le Père qui pardonne.

La conclusion du récit de l’Évangile est pleine de signification : Bartimée « aussitôt retrouva la vue, et il suivait Jésus sur le chemin » (v. 52). Nous aussi, quand nous approchons de Jésus, nous revoyons la lumière pour regarder l’avenir avec confiance, nous retrouvons la force et le courage pour nous mettre en route. En effet, « celui qui croit, voit » (Lett. enc. Lumen fidei, n. 1) et va de l’avant avec espérance, parce qu’il sait que le Seigneur est présent, qu’il soutient et guide. Suivons-le en fidèles disciples pour faire participer à la joie de son amour tous ceux que nous rencontrons sur notre route. Et après l’étreinte du Père, le pardon du Père, faisons fête dans notre cœur ! Parce que Lui fait la fête !

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