Il est paradoxal de célébrer une mise à mort si cruelle et pourtant la Croix est un motif de réjouissance pour les chrétiens que la liturgie souligne dans plusieurs fêtes et hymnes mais particulièrement au milieu du Carême.
Au milieu des austérités du Carême, les ornements du célébrant passent du violet au rose, les fleurs reviennent et l’orgue ne se contente plus de soutenir le chant. C’est le dimanche de Lætare, « Réjouis-toi ». Certes, la proximité des fêtes de la Résurrection est la source d’une sainte exultation. Pour autant, à l’instar des Byzantins qui, le IVe dimanche de Carême, célèbrent une fête en l’honneur du saint bois de la Croix, l’Église romaine fait station en ce jour en l’église de la Ville éternelle qui symbolise Jérusalem et conserve des reliques insignes de la Passion : Sainte-Croix de Jérusalem. De fait, la Croix rédemptrice et Jérusalem sont aujourd’hui les deux motifs de joie que nous présente l’Église. Le nom de la Ville sainte revient plusieurs fois dans les chants de la messe. Tout d’abord l’introït : « Réjouis-toi, Jérusalem, et rassemblez-vous, vous tous qui l’aimez ; tressaillez de joie avec elle, vous qui avez été dans la tristesse » (Is 66, 10). Les psaumes « des degrés » (ou « graduels »), que les Juifs chantaient en se rendant en pèlerinage au Temple, retentissent aussi : « Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion. Il ne sera jamais ébranlé, celui qui habite dans Jérusalem » (trait ; Ps 124, 1) ; « Jérusalem qui est bâtie comme une ville, dont toutes les parties se tiennent ensemble. Car c’est là que montaient les tribus, les tribus du Seigneur, pour célébrer votre nom, ô Seigneur ! » (communion ; Ps 121, 3-4). Et Jérusalem préfigure le royaume des cieux, comme le chante l’hymne du commun de la Dédicace : « Jérusalem, cité bienheureuse, est appelée vision de paix. Elle se construit dans les cieux avec des pierres vivantes ; elle est couronnée d’anges, comme une épouse a son cortège » (Urbs Jerusalem). La Croix s’impose dès le début de l’évangile du Missel romain de 1970 (Jn 3, 14-21) : « Jésus disait à Nicodème : “De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle” » (v. 14-15). Ce passage est…