Hommage à un maître : Gérard Cholvy (1932-2017)

Publié le 08 Juil 2017
Hommage à un maître : Gérard Cholvy (1932-2017) L'Homme Nouveau

« Il est des lieux où souffle l’esprit » écrit Barrès. Il est des hommes aussi. Gérard Cholvy, rappelé à Dieu le 15 juin dernier dans sa 84e année, fut de ceux-ci. Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Montpellier III, le professeur Cholvy était l’un des grands spécialistes français en histoire religieuse. Avec d’autres chercheurs (dont son ami Yves-Marie Hilaire, professeur à Lilles III, décédé en 2014), Gérard Cholvy a profondément renouvelé les recherches dans ce domaine.

Ses sujets de prédilection étaient le Languedoc (il avait consacré sa thèse au diocèse de Montpellier au XIXe siècle), le christianisme social (sa biographie de Frédéric Ozanam est une référence en la matière) et l’histoire des mouvements de jeunes. Auteur d’une vingtaine de livres, directeur d’autant d’ouvrages collectifs et de centaines d’articles scientifiques ou de vulgarisation, Gérard Cholvy fut aussi un révélateur de jeunes historiens dont un certain nombre sont aujourd’hui enseignants dans le secondaire ou le supérieur. Il y a 25 ans, j’eu la chance d’être de ces historiens.

En quête des archives

Dans les années 1980, Gérard Cholvy avait lancé ses étudiants montpelliérains sur l’histoire et les histoires des mouvements de jeunes et de jeunesse dans le cadre géographique des départements languedociens. D’autres universitaires suivaient la dynamique initiée par Gérard Cholvy et des dizaines d’étudiants partaient en quête de cartons d’archives sur les mouvements de jeunesse spécialisés (JOC, JEC, JAC, JIC), les patronages, les Cœurs vaillants ou les mouvements de scoutisme. Les fonds sur ces sujets étaient rares en archives publiques et difficiles à trouver mais les témoins encore nombreux pour se souvenir. Avide de nos découvertes, Gérard Cholvy ne voulait pas qu’une fois présentées, les recherches de ses étudiants partent seulement rejoindre les étagères des bibliothèques universitaires. Aussi, prenait-il plaisir à nous faire intervenir (et publier) aux colloques scientifiques qu’il organisait. Quelle fierté (et quelle angoisse parfois) beaucoup de nous devons à Gérard Cholvy pour ses premiers pas dans l’arène sous le regard de nos aînés. Pour ma part, je prononçais ma première communication scientifique : « Scoutisme et officiers chrétiens » au colloque de Chantilly en 1993. Parmi les colloques les plus emblématiques qu’il dirigea, on peut citer celui de Brest en 1998 (avec Yvon Tranvouez): Sport, culture et religion, les patronages catholiques (1898-1998), et celui de Montpellier en 2003: Le scoutisme, un mouvement d’éducation au XXe siècle, dimensions internationales. À ce dernier colloque intervinrent les meilleurs spécialistes sur le sujet comme Jean-Jacques Gauthé, Lionel Christien, Arnaud Baubérot ou Alain Michel.

Poursuivant mes recherches sur le scoutisme sous la direction du professeur Yvon Tranvouez de l’Université de Bretagne occidentale à Brest, et autre grand spécialiste d’histoire religieuse, je soutenais une thèse de doctorat en histoire contemporaine intitulé Le scoutisme en Bretagne des origines aux années 1970. Gérard Cholvy me fit l’honneur et la joie de présider ma soutenance et de me soutenir face à l’hostilité et la virulence de certain collègue du jury.

Carrefour d’Histoire religieuse

Tous les ans, à l’été, Gérard Cholvy et ses amis réunissaient jeunes chercheurs et vieux barbons, laïcs, prêtres et religieux, journalistes, historiens catholiques, protestants, juifs ou musulmans sur des thématiques variées au sein du « Carrefour d’Histoire religieuse. » En sus de l’ouverture des travaux, Gérard Cholvy se réservait la « soirée livres » où il présentait avec délectation et humour, les parutions de l’année en Histoire religieuse. Fondée en 1992, cette université d’été originale organise cette année sa 26e édition à Bruxelles avec pour thème « Les figures de David d’hier à aujourd’hui. » Fidèle, le professeur Cholvy devait encore y intervenir ce mois-ci.

Un chrétien, fier de sa foi

Gérard Cholvy, historien des religions, fut aussi un chrétien fier de sa foi. Il n’hésitait pas à monter au créneau pour défendre l’honneur de l’Église catholique, particulièrement lorsqu’elle était attaquée à propos de son attitude pendant la Deuxième Guerre mondiale par exemple. Son livre sur le franciscain Marie-Benoît de Bourg d’Iré qui sauva 4 000 juifs avec la bénédiction de Pie XII en est un bon exemple (Marie-Benoît de Bourg d’Iré (1895-1990), un Fils de saint François, Juste des Nations, Cerf, 2010.). Avec son ami Yves-Marie Hilaire, Gérard Cholvy fut fait commandeur de l’Ordre de saint Sylvestre par S.S Jean-Paul II en 2003. Dans ses derniers courriers, il souffrait beaucoup de l’islamisation de notre pays et s’intéressait particulièrement aux conversions des musulmans au christianisme. Né à Casablanca, ancien combattant d’Algérie, il était sensible à tout ce qui touchait à l’Afrique du Nord. Homme de grande espérance, il ne terminait pas une lettre sans une formule d’union de prière pour nous, nos familles et la France. Curieux, facétieux, souriant, il était aussi un homme qui écoutait avec intérêt son interlocuteur, qualité rare aujourd’hui.

Jeune chercheur, il y a 25 ans, Gérard Cholvy m’avait accompagné sur les chemins de l’Histoire ; à mon tour, il y a quelques années, j’avais le privilège de lui faire publier deux de ses derniers ouvrages (Le XXe, Grand siècle des religieuses françaises, Artège, 2012 et Frédéric Ozanam, Artège, 2012). Je suis fier d’avoir reçu le témoin de ses mains.

Christophe Carichon

Centre de recherche bretonne et celtique (Université de Brest)

Professeur au lycée Jean Bodin, Les-Ponts-de-Cé

Auteur de :

Scouts et guides en Bretagne, Editions Yoran Embanner

Jean Deuve, Artège

Une vie offerte : Agnès de Nanteuil, Artège

Saint Salomon Le Clercq, Artège.

Christophe Carichon

Christophe Carichon

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