Le génocide assyro-chaldéen enfin reconnu en France

Publié le 29 Mai 2024
assyro-chaldéen

Dès 1915, les Assyro-Chaldéens sont massacrés, poussés à la conversion forcée à l’islam ou à l’exode voire déportés. © Whiting, John D. (John David)

Plus d’un siècle après les exactions et massacres subis par les Assyro-Chaldéens dans l’Empire ottoman en 1915, un pas décisif vient d’être fait en France vers la reconnaissance de leurs souffrances et de la disparition progressive de leur civilisation.

 

Le 29 avril dernier, l’Assemblée nationale présentait et acceptait à la quasi-unanimité une proposition de résolution portant sur « la reconnaissance et la condamnation des persécutions des Assyro-Chaldéens de 1915 comme génocide », résolution déjà acceptée par le Sénat en février 2023. Cela faisait plus de 20 ans que la communauté assyro-chaldéenne de France tentait de faire reconnaître les massacres perpétrés contre son peuple entre 1915 et 1918, de la même manière qu’a pu être reconnu, en 2001, le génocide des Arméniens.

Les Assyriens sont présents au nord de la Mésopotamie depuis le IIe millénaire avant Jésus-Christ, sur les territoires actuels de l’Irak, de la Syrie, du Liban, de la Turquie et de l’Iran. Ce sont surtout les premiers chrétiens présents sur ce territoire et parlant la langue de Jésus. Le peuple assyro-chaldéen moderne, héritier d’un empire millénaire et d’une brillante civilisation, a toujours souffert de ne pas avoir d’État propre. Il est aujourd’hui dispersé entre plus de 50 États.

Au début du XXe siècle, lorsque l’Empire ottoman s’effondre, le sultan Abdülhamid est démis, laissant le pouvoir aux Jeunes-Turcs, animés de nationalisme et de panturquisme. Les Assyro-Chaldéens résidant dans le sud-est de l’Anatolie obtiennent un statut de citoyens de second rang, avant d’être massacrés, poussés à la conversion forcée à l’islam ou à l’exode, voire déportés. Sur 500 000 d’entre eux, on compte entre 250 000 et 350 000 morts.

Pour Joseph Yacoub, politologue et historien, « ce qui s’est passé en 1915 était une politique concertée, planifiée par les autorités ottomanes avec l’arrivée au pouvoir des Jeunes-Turcs en 1908 », l’objectif étant de « mettre fin à toute présence non-turque au nom du djihad et de l’islamisme utilisé à cet effet ». Cela correspond ainsi à la définition du génocide proposée par Raphael Lemkin et adoptée en 1948 par l’Onu : « L’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel. » Les autorités s’en sont aussi prises au patrimoine matériel des Assyro-Chaldéens, en profanant et détruisant plus de 450 monastères et églises ainsi que des écoles.

 

Un peuple dispersé et oublié

La diaspora s’est d’abord propagée dans les pays orientaux proches, avant de s’étendre à l’Europe et aux États-Unis. En France, on compte aujourd’hui environ 20 000 Assyro-Chaldéens, dont la majorité forme une véritable communauté à Sarcelles. C’est dans cette ville qu’a été inauguré Saint-Thomas, la première église chaldéenne de France et d’Europe occidentale.

En 2014, avec les attaques de Daesh, les Assyro-Chaldéens ont, une fois de plus, subi les menaces de la disparition de leur peuple et de leur patrimoine, qu’il soit matériel ou immatériel.

La reconnaissance du génocide signifie pour les Assyro-Chaldéens la possibilité de réclamer justice aux responsables, de faire connaître leur peuple et enfin de revendiquer leurs droits civils au Moyen-Orient. Pour Tigrane Yegavian, chercheur à l’Institut chrétiens d’Orient, la reconnaissance du génocide serait aussi une manière de fissurer le discours nationaliste turc. Si la Turquie a considéré le massacre des Assyro-Chaldéens comme une « conséquence de la guerre » dès 1915, elle refuse aujourd’hui de reconnaître le génocide, dénonçant « des accusations sans fondement juridique et historique ».

Actuellement, le génocide assyro-chaldéen n’est pas reconnu par l’Onu, contrairement au génocide arménien, mais seulement par quelques pays comme la Suède ou l’Écosse. Pourtant, pour Raymond Kévorkian, historien spécialiste des génocides, « le génocide arménien n’a pas à être isolé des violences qu’ont subies les deux autres groupes : les Assyro-Chaldéens et les populations grecques. » Le massacre des Grecs pontiques a lui aussi causé la mort de plus de 300 000 personnes dans ces mêmes années.

 

>> à lire également : « Si on veut défendre les femmes aujourd’hui, il faut regarder en vérité ce qu’il se passe quand on avorte ! »

 

Mayalen de Vergnette

Mayalen de Vergnette

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