Un cadeau chrétien

Publié le 21 Déc 2017
Un cadeau chrétien L'Homme Nouveau

La polémique récemment soulevée par Stéphane Bern au sujet d’un éventuel accès payant aux cathédrales françaises est sans doute encore présente à vos mémoires. Outre que, n’en déplaise au célèbre animateur de télévision, toutes les cathédrales d’Europe n’ont pas déjà opté pour l’entrée payante, – j’en veux pour preuve que j’ai, il n’y a pas si longtemps, déambulé en toute liberté dans celle de Cologne comme au Duomo de Milan ou de Florence, il y a là une confusion des genres déplaisante.

Certes, nos cathédrales sont, pour la plupart, des monuments à part, d’une splendeur exceptionnelle et souvent d’une richesse artistique rare, en dépit des déprédations révolutionnaires et du temps qui passe, mais, avant cela, elles sont le cœur, vivant, malgré tout, de nos grandes villes et leur âme. L’oublier, ou les réduire à n’être plus ces sanctuaires où vaille que vaille continue de monter la prière de l’Église serait, surtout en nos temps incertains qui ont besoin d’un supplément de protection divine, une erreur : monumentale. 

Dans ce contexte, la très belle collection des éditions strasbourgeoises de la Nuée Bleue, la grâce d’une cathédrale, publiée sous la direction de l’archevêque émérite de Strasbourg, Mgr Doré, constitue, à sa manière, une réponse circonstanciée à tous ceux qui, seraient-ils animés des meilleures intentions du monde, perdent de vue la raison d’être de ces édifices.

Riche désormais d’une vingtaine de titres, plus beaux et passionnants les uns que les autres, la collection, à terme, constituera sans doute une véritable histoire religieuse et artistique, diocèse par diocèse, de la France catholique. En l’état, elle est déjà une mine d’informations, de connaissances, de précisions, accompagnée d’une iconographie à couper le souffle permettant l’accès à tout ce que, pour diverses raisons, vous ne pourrez jamais voir et qui, du détail d’un vitrail à une sculpture cachée, d’un tableau trop haut pour être bien regardé aux voûtes médiévales -ah, la forêt pétrifiée des toitures de Notre-Dame d’Amiens …- déclinent pourtant l’immense talent, et l’immense foi de ceux qui oeuvrèrent à bâtir, agrandir, embellir ces lieux.

À la plus haute et minutieuse érudition, qu’il s’agisse de musique sacrée, de vitraux, de mobilier liturgique, se joint un sens délicat de l’image ou de l’anecdote qui touchera. Ce peut être cette photo de soldats allemands aux traits encore presque enfantins heureux de nourrir des pigeons au pied de Saint-André de Bordeaux, ou l’apparition inattendue, entre les tours de la prodigieuse Saint-Étienne de Bourges, du trichodrome, un petit oiseau au plumage rose que les ornithologues n’avaient jamais repéré loin du massif alpin. Ce peut être le visage bouleversant d’une statue gothique ou l’évocation d’une partie disparue du sanctuaire ou de l’ancien quartier canonial dévoré par la ville.

Et puis, il y a tous ces hommes et ces femmes, ces catholiques d’autrefois qui furent à l’origine de ces églises : martyrs, comme Firmin d’Amiens, ou communautés plus tardives, et sans passé sanglant, comme ce fut sans doute le cas à Bourges ou Bordeaux.

Il y a aussi ces anecdotes révélatrices des fraîches croyances de nos aïeux : connaissez-vous sainte Ulphe, cette belle jeune fille de la noblesse mérovingienne qui préféra le Christ à un riche mariage et, retirée dans les marais amiénois, y fit taire les grenouilles qui l’empêchaient de prier en paix ? Savez-vous qu’en 1944, les Malouins se vouèrent à leur patronne, Notre-Dame de la Grand Porte, et que celle-ci, pour sauver, sinon sa ville et sa cathédrale Saint-Vincent, également détruites dans les derniers combats de la Libération, du moins les vies de ses fidèles, accepta de disparaître à leur place ? Savez-vous que deux rois de France se marièrent à Saint-André de Bordeaux ? Que l’archevêque de Bourges porte le titre de primat d’Aquitaine ? Que le chef de Saint Jean-Baptiste est vénéré à Amiens ?

Chacun de ces livres est une pure merveille. Parmi les derniers parus, j’avoue une préférence pour l’ouvrage consacré aux deux cathédrales de Vendée, Notre-Dame de Luçon, qui fut jadis le siège épiscopal, pas si « crotté » qu’il le prétendit, de Richelieu, grand évêque tridentin soit dit en passant, et riche de quelques joyaux méconnus, et Maillezais, effacée de la carte des diocèses à la fin des guerres de religion mais dont les ruines n’ont rien perdu de leur grandeur. Une troisième partie évoque la « ville sainte » vendéenne, Saint-Laurent-sur-Sèvre et l’épopée montfortaine, en même temps que le sacrifice héroïque des Blancs. 

Notons l’existence parallèle d’une autre collection, la grâce d’une basilique, qui ne compte pour l’heure que deux titres, mais d’une qualité tout aussi exemplaire, Saint-Roch à Paris et Notre-Dame de Fourvière à Lyon.

Certes, chacun de ces livres coûte cher, en moyenne autour de 85 €, parfois davantage, mais c’est le prix de l’excellence.

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