Comme chaque année depuis 7 ans, L’Homme Nouveau a lancé son concours Jeunes Talents 2024 entre avril et juin. Cette année, le thème était : « Après la guérison de son serviteur par Jésus, que devient le Centurion de l’Évangile ? »
Nous publions ici les écrits que nous avons reçus. Les trois lauréats sont aussi publiés dans le numéro d’été (n° 1812), daté du 27 juillet.
Retrouvez toutes les productions dans le dossier thématique Concours Jeunes Talents 2024.
« Entre vos mains, Seigneur, je dépose ma confiance »
Un texte de Tanguy Rubat du Mérac
Illuminé par le clair de Lune, s’esquissait un village paisiblement endormi. Les rues pratiquement désertes n’abritaient que quelques chats vagabonds en quête d’un dîner. Située au cœur du hameau, se dressait la noble mais humble demeure du Centurion. Cet homme qui, vingt années auparavant, arpentait les ruelles à la recherche d’une Providence pouvant sauver ce qui, à ses yeux, n’avait pas de prix : la vie de l’un de ses plus fidèles serviteurs. Un homme, répondant au nom de Jésus de Nazareth, sut par le plus grand des miracles exaucer sa fervente prière redonnant vitalité à son serviteur qui, encore à ce jour, daigne lui prêter allégeance.
À la lueur du feu, le Centurion allongé sur le lectus situé près du feu se présentait bien las, éveillant les soupçons d’une sombre nouvelle au sein du foyer. Son fidèle serviteur avait, lui, décidé de rester à ses côtés pour la nuit afin de s’assurer de sa santé. Le reste de la maisonnée semblait calme et les larmes ayant frôlé les joues de plus d’un visage…
Retentirent les douze coups de minuit.
« Maître ! Quel malheur trouble ainsi vos pensées ?» – s’exclamait le serviteur miraculé. Se dirigeant vers le Centurion, l’air alarmé, il posa sa main droite sur son front constatant d’immédiat une fièvre sévère. « Cela fait quelques heures que je constate que votre sommeil est interrompu par de multiples songes aux couleurs sombres. »
Hésitant, le Centurion répondit articulant avec difficulté : « Peu importe, mon vieil ami… tu sais combien certains petits malins s’amusent à troubler les esprits paisiblement ancrés dans le Christ… Cette petite fièvre s’en ira bien vite, j’en suis convaincu !
– Mais Maître, votre visage est pâle et brûlant… Je ne puis m’empêcher de m’inquiéter pour votre santé… Cet homme qui, écoutant vos prières ardentes, m’a sauvé la vie, il y a de cela quelques années… Peut-être pourrait-il intervenir ? Ne m’avez-vous pas expliqué qu’il était une personnalité importante, envoyé d’un royaume bien éloigné d’ici ? Se pourrait-il que son aide puisse encore se manifester auprès de ce foyer ?
– Sais-tu seulement combien il m’inspire ? Il est vrai que faisant face à la douleur du corps, l’esprit cherche parfois à s’évader … perdant quelque peu de sa lucidité ! Je t’en prie, ne tiens pas rigueur des divagations de ma conscience… J’ai entendu dire qu’Il est retourné à son royaume. Plus incroyable encore, certains disent que l’espace et le temps n’ont plus d’importance pour Lui. Malgré les peines, j’ai toute confiance en Lui. Mon âme tressaille à l’idée d’un jour le retrouver ! Il se peut toutefois que cela n’arrive plus dans nos contrées, mais bien dans Son royaume… »
Petit à petit, la fièvre du Centurion s’intensifia. Celui-ci peinait à garder pleine conscience, subissant des élans de visions troubles et un orchestre de voix indistinctes. Les sueurs froides parcourraient son visage et le reste de son corps. Le serviteur, pris de peur, s’élança vers la porte principale de la salle en annonçant : « Tenez bon Maître, je vais vous préparer une coupe d’hydromel ainsi qu’apporter quelques serviettes humidifiées pour réguler la fièvre ! »
Le Centurion se retrouva ainsi seul dans la pièce. Le feu perdant en vigueur laissait entrevoir quelques braises fraîches. Les flammes survivantes coloraient la salle de tons rouge-orangé, qui se reflétaient de part et d’autre de la pièce. Plongé dans une torpeur et ces ombres dansantes, le Centurion fondit en larmes.
Balbutiant, il murmura : « Seigneur, pardonnez mon désarroi. Le mouvement ondulant de ces flammes écarlates me terrifie… Bien que j’aie toute confiance en Votre miséricorde, la peur m’envahie… »
Telle la pointe d’une lance aiguisée, les douleurs infernales l’accablaient sans que ne s’esquissât une quelconque trêve. Reprenant son souffle entre les spasmes, il poursuivit : « La peur de ne plus être présent pour ma famille… mes serviteurs… mes centuries… Comment puis-je m’assurer qu’il ne leur arrive rien quand, soudain, je sens mon cœur vaciller ? Puissiez-vous tout du moins entendre ma prière et les préserver du monde ?… Je vous en prie… ne les abandonnez pas, tout comme vous n’avez pas abandonné l’un de mes plus fidèles serviteurs, vingt ans auparavant… »
La salle s’assombrit. Le foyer diminuait en intensité. Pris d’une nouvelle vague de crampes et de douleurs lancinantes, le Centurion se tut.
La porte principale claqua et le serviteur pénétra de nouveau dans le salon, quelques serviettes humidifiées et une coupe d’hydromel apportés sur un petit plateau en bois verni. Voyant le visage du Centurion teinté d’un rouge écarlate, il s’écria : « Maître, j’ai cru entendre quelques murmures depuis la cuisine… Était-ce une nouvelle crise de douleur ? Je vous en prie, dites- moi ce qu’il se passe et comment je puis vous aider au mieux… Je ne désire rien d’autre que de rester à vos côtés, tout comme vous avec moi, il y a de cela vingt ans… »
Prenant sur lui, le Centurion se ressaisit : « Mon ami, je ne peux que t’être infiniment reconnaissant pour toute ta loyauté envers ce que tu dois considérer comme une famille ! Tu as toute ta place en son sein… Ne t’inquiète point pour moi ! Je m’en remets à la volonté du Très-Haut. Pourras-tu veiller sur les enfants et le reste de la maisonnée ? Mis à part toi, je préfèrerais que personne ne me visite dans cet état… »
Sortant de la pénombre, le serviteur voyant le regard humide du Centurion réalisa alors : Il avait pleuré… de longues minutes s’étaient écoulées pendant son absence laissant son Maître à la merci d’un désespoir auquel il ne pouvait remédier. La voix tremblante, les yeux soulignant une peine infinie, le fidèle ami énonça sèchement : « Comment tolérer telle injustice ? Voir disparaître dans la douleur une personne si tendrement aimée de tous jusqu’à… Comment est- ce possible que personne ne puisse rien faire ? Et cet homme ? Cet homme qui vous a exaucé dans le passé ? Comment peut-il ainsi vous abandonner ? Vous avez toujours manifesté une profonde admiration et foi envers cet homme. Pourquoi vous protège-t-il pas ? Pourquoi ne vous porte-t-il pas secours dans la maladie quand vous lui adressez vos prières ? Tous ceci est bien trop injuste… Comment l’homme venu des cieux peut-il vous être indifférent en ces instants si sombres !? »
« Silence !! » – s’horrifia le Centurion. Des larmes nouvelles commencèrent à recouvrir son visage. Le regard vitreux, il sentit monter en lui des émotions contradictoires. Une cascade de visions troubles reprit de plus belle. Accablé par les douleurs incessantes, le Centurion porta son regard en direction du plafond peint, articulant avec peine : « Seigneur… Seigneur… accueillez les peines de ce foyer et pardonnez-nous nos instants de désarroi… La douleur obscurcit nos cœurs sans nous laisser entrevoir la grandeur de Votre Sainte Miséricorde. »
Soudain, le serviteur se rendit compte de la source maline de ses propos. Le regard honteux, il se retira expressément pour prévenir la femme du Centurion de son état, qui lui semblait critique.
Agonisant, le Centurion tenta tant bien que mal de se recueillir. Susurrant, d’une voix frêle, il s’élança : « Seigneur Jésus, Vous qui, avec tendresse, me bercez… Au rythme des battements doux de Votre Cœur Sacré, dans les instants de lumières comme dans ces périodes troubles… Guidez-moi, je vous en prie… »
Il continua, entre deux états de conscience, à réciter une petite prière que lui avait enseignée un de ses proches, deux semaines auparavant. Les spasmes et la fièvre s’étant calmés, la fatigue prit notre malade de court et l’emporta dans un sommeil profond. Les dernières flammes du feu s’estompèrent entièrement laissant le salon dans une obscurité presque totale.
C’est alors que le Centurion reçut la visite d’une silhouette, au début indistincte, mais à partir de laquelle émanait une faible lueur. La figure approchant, il l’identifia soudain, certains de ses traits semblant particulièrement familiers ! Cet homme mystérieux lui chanta quelques mots réconfortants. « Seigneur, est-ce Vous !?» – lança le Centurion avec réjouissance.
Soudain, les traits de ce personnage se dilatèrent, un nuage grisâtre de fumée s’en dégagea laissant place à l’horrible préfiguration de son propre cadavre. Le retentissement d’une marche funèbre fit son apparition, ce qui terrifia le Centurion. Au plus profond de lui, la peur prenait racine. La confusion le fit hurler à de multiples reprises. Confusion qui s’accompagnait de nouvelles crises de douleur, toujours plus aiguës. Petit à petit, il voyait sa conscience perdre en vivacité. Le regard couvert d’une brume, il ne voyait guère plus rien. Tentant de se débattre dans cet espace sombre, il essaya désespérément de se repérer en saisissant un objet à proximité.
Le Centurion aveuglé se retrouva seul, sans l’ombre d’un repère. Les voix qui l’accablaient semblèrent s’intensifier, laissant place à une cacophonie de grincements dissonants. Dans un élan d’inspiration, comme provenant d’un mirage, il répéta trois fois : « Seigneur… je ne suis point digne de Vous. Mais ce seul regard que, toute ma vie durant, Vous avez porté sur moi, suffit à me convaincre de combien la souffrance de ce monde est insignifiante. »
C’est alors qu’une chaleur agréable frôla son bras gauche. Il sentit quelqu’un lui prendre le bras avec tendresse et reconnut immédiatement la présence de celui qu’il avait rencontré dans les rues de la ville, vingt ans plus tôt. Le Centurion comprit alors qu’il était temps de déménager vers cette nouvelle maison du Ciel qui l’accueillait.
Le poids au cœur de ne pouvoir laisser de message à son serviteur, le Centurion s’endormit ainsi l’âme reposée, les yeux fermés et le visage paisible.
Le serviteur fut le premier à retourner au salon, ayant été alerté par les hurlements incessants. Voyant le corps inerte de son maître, tous ses membres furent secoués d’une sensation étrange. Plongeant le regard vers le cadavre, observant attentivement son regard apaisé, il se mit à pleurer ardemment. L’Ange gardien du serviteur se révéla, restant paisiblement assis dans un coin de la salle. Le regard resplendissant, il dirigea son regard avec la plus grande profondeur envers le serviteur qui aussitôt comprit. Ce fut là l’histoire d’une seconde, plutôt même d’un instant. Mais cet Ange et son regard si joyeux venaient tous deux suggérer que le Centurion s’en était allé pour un monde meilleur. Son visage paisible et sa confiance en ce fameux étranger en étaient les clés.
Ainsi la vie du Centurion inspire, jusqu’à ce jour, génération après génération. Aussi bien sa vie comme sa mort sont sources d’espoir. Beaucoup d’entre nous s’identifient au serviteur, recevant d’innombrables grâces que nous ne savons parfois pas reconnaître ou traitons comme de pures coïncidences. Puissions-nous, toujours, nous confier et reconnaître la présence de Celui qui, à chaque instant, porte sur nous son regard aimant et nous invite à le rejoindre, les bras grand ouverts !
Tanguy Rubat du Mérac
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