A quotidien n°79

Publié le 02 Juil 2020
A quotidien n°79 L'Homme Nouveau

Peut-on parler, comme les militants antiracistes le font actuellement, de racisme institutionnel ? La question est abordée par Marianne (30 juin) :

La mort de Georges Floyd et les événements qu’elle a déclenchés sont l’occasion de revenir sur les disparités criantes entre Noirs et Blancs aux États-Unis. Les statistiques s’accumulent pour documenter ces inégalités en termes de salaire, d’espérance de vie, de taux d’emploi, de taux d’incarcération, d’échec scolaire, d’exposition à la violence policière, etc. Mais une chose est de reconnaître ces disparités, une autre est d’interpréter leur signification. L’une des lectures les plus répandues est la suivante : ces disparités seraient la conséquence d’un racisme institutionnel ou structurel. Analyse qui renvoie à l’ouvrage de 1967, Black Power. Pour une politique de libération aux États-Unis écrit par Carmichael et Hamilton. Ces derniers distinguaient le racisme individuel et le racisme institutionnel. Racisme individuel : l’attentat à la bombe dans une église de Birmingham tuant quatre fillettes noires. Ce racisme-là fait la Une des journaux et est universellement condamné. Racisme institutionnel : la surmortalité infantile des enfants noirs dans la même ville. Cette réalité est ignorée le plus souvent puisque seules des mesures y donnent accès. Et quand elle est sue, elle suscite bien souvent l’indifférence. Cette lecture, qui part des inégalités entre Blancs et Noirs pour les attribuer au racisme, mérite cependant examen. Non pour la congédier mais pour la complexifier : l’inégalité constatée est en réalité ancrée dans une multiplicité de processus dont le racisme n’est qu’un aspect. Le racisme donc, évidemment, mais pas seulement le racisme. Soit l’exemple de la réussite scolaire. Que fait-on au juste lorsqu’on compare les résultats des élèves noirs aux résultats des élèves blancs ? On compare en réalité des groupes très différents. Le groupe des élèves noirs est composé de façon écrasante par des individus issus des milieux les plus populaires ; celui des élèves blancs est beaucoup plus diversifié socialement et renvoie à toutes les strates de la société, grande bourgeoisie comprise. L’inégalité n’a rien d’étonnant. Que le racisme explique une partie de l’inégalité, sans doute ; mais peut-on faire abstraction de la question de l’origine sociale ? Ne vaudrait-il pas mieux comparer Blancs et Noirs à niveau social équivalent ? (…) En effet, si les Noirs sont sur-représentés parmi les victimes de la police aux États-Unis, ils ne forment pas la majorité d’entre elles. Depuis 2015, selon le Washington Post, 1.291 Noirs sont tués (31 pour 1 millions), 900 Latinos-Américains (23 pour 1 millions), et 2.468 Blancs (13 par millions). Le facteur « racial » joue, mais il ne rend compte, que d’une moitié des meurtres commis par la police. Et dans le meilleur des cas, puisque tous les Noirs tués ne le sont peut être pas pour des raisons raciales. Référons nous maintenant au profil économique des victimes : 95 % des individus tués par la police appartiennent aux classes populaires, toutes couleurs confondues, et vivent dans des quartiers où le revenu médian est très bas3. Le facteur social, sans exclure le facteur racial, joue à plein.

Interrogé par Le Point (2 juillet), l’essayiste britannique, Douglas Murray tente de décrypter les ressorts du mouvement Black Lives Matter :

cela fait bien longtemps que Black Lives Matter a montré sa propension à la malhonnêteté. Un des moments fondateurs du mouvement a été la mort de Michael Brown à Ferguson, dans le Missouri. Le mouvement a prétendu que Brown avait les mains en l’air et avait dit « Ne tirez pas » au moment de sa mort. En fait, on s’est ensuite rendu compte que Brown avait essayé de se saisir de l’arme du policier procédant à l’arrestation juste avant de se faire tirer dessus. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de problèmes avec la police aux États-Unis. Mais la manière dont Black Lives Matter a pu refuser les faits qui ne s’accordaient pas avec ses vues était un mauvais signe avant-coureur. Tout comme sa propension à se livrer, très tôt dans son existence, à du complotisme antisémite qui continue encore aujourd’hui. Le reste du monde commence seulement à réaliser ce que des observateurs américains ont remarqué depuis des années : Black Lives Matter est, tout comme les « peace studies » à l’université au temps de la guerre froide, conçu de façon à ce qu’on ne puisse s’y opposer. Mais derrière cette façade, on trouve tout un tas de choses avec lesquelles ont peut ne pas être d’accord. Les cofondateurs du mouvement sont, de par leur propre description, marxistes. Je crois aussi que leur extrapolation des actions répréhensibles d’un policier du Minnesota – aujourd’hui en prison en attente de son procès – pour l’appliquer à toute une nation et à toute une couleur de peau est très troublante. L’idée que l’assassin de George Floyd représente tous les policiers des États-Unis demande une sérieuse gymnastique mentale. Que cela représente ou révèle quoi que ce soit d’endémique dans les sociétés britanniques ou françaises est une affirmation franchement scandaleuse. (…) leur mouvement est conçu de manière à ce qu’on ne puisse pas s’y opposer. Qui pourrait dire « Black lives don’t matter » (« la vie des Noirs n’a pas d’importance ») ? Il y en a peut-être, mais ils ne sont pas majoritaires dans le débat public. C’est une stratégie marxiste très habile que de créer un mouvement qui, de par son nom, devient presque impossible à contester. Mais ce que Black Lives Matter a tenté de faire dans les semaines qui ont suivi la mort de George Floyd est épouvantable. Pourquoi devrions-nous mener cette guerre contre notre histoire ? Pourquoi si peu de personnes ayant une position d’autorité – à l’exception d’Emmanuel Macron, qui a dit exactement ce qu’il fallait dire – sont enclines à souligner l’importance qu’il y a à conserver des symboles de notre propre passé ? Le grand public n’est pas d’accord avec ces militants, mais il est intimidé et contraint d’acquiescer ou de rester silencieux. Il a peur de l’accusation de racisme, qui peut mettre fin aux carrières, et que ces activistes soient malhonnêtes et violents. Il y a de nombreuses ironies qu’il faut pointer du doigt. L’une est que si nos sociétés étaient ce que ces racistes « antiracistes » disaient, nous ne serions pas les sociétés diverses que nous sommes. Les gens n’auraient pas immigré chez nous et ne continueraient pas à le faire. Et en ce qui concerne le passé, s’il était aussi terrible que ce qu’on dit, pourquoi notre présent est-il si bon ? Certainement meilleur que les alternatives, en tout cas. Il faut le dire clairement et fortement. Il faut aussi demander : « comparé à quoi ? » Où est l’utopie à laquelle ces gens nous comparent ? Ont-ils une carte pour nous y conduire ? C’est le cas pour certains, mais leur chemin passe par un enfer infranchissable.

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