À table du Mardi Gras au Carême

Publié le 22 Fév 2020
À table du Mardi Gras au Carême L'Homme Nouveau

« Mardi Gras, t’en vas pas ! On fera des crêpes ! Mardi Gras, t’en vas pas ! On mangera du chocolat ! », chantaient autrefois les enfants pour conjurer les rigueurs du Carême à venir. Aujourd’hui, dans notre société déchristianisée, il arrive que municipalités et écoles organisent des « carnavals » après Pâques, sans doute parce que la météo s’y prête mieux ; l’on mange encore des crêpes à la Chandeleur, à la grande joie des minotiers et des fabricants de poêles, mais l’on n’en fait plus guère le Mardi Gras et à la Mi-Carême, lequel, d’ailleurs, a vu ses jeûnes et abstinences réduits à bien peu de choses. Pourquoi, pourtant, ne pas renouer avec les pratiques de la chrétienté d’autrefois, et, dans la mesure du possible, ne pas réapprendre à faire maigre, sinon quarante jours durant, du moins quelques repas par semaine ? Pour cela, il n’est pas nécessaire de donner dans la mode vegan et les livres ne manquent pas qui offrent des recettes variées, étonnantes et délicieuses quoique  sans viande.

C’est une plante mystérieuse. On l’appelle blé noir, alors qu’elle n’est pas une céréale et que, membre de la même famille que l’oseille et la rhubarbe, elle n’a aucune parenté avec le blé. On l’appelle sarrasin, comme si elle nous était arrivée à l’époque des Croisades par l’intermédiaire des Arabes alors qu’elle est parfaitement inconnue dans le Bassin méditerranéen. En réalité, elle est originaire d’Extrême Orient, mais, si sa présence en Europe n’est prouvée par des sources écrites qu’au XVIe siècle, des archéologues en ont retrouvé trace dans des sépultures armoricaines du Néolithique.

Comprenne qui pourra ! 

Quoiqu’il en soit, la farine, sans gluten, mais extrêmement riche et nourrissante qu’elle produit en fit, des siècles durant, la nourriture de base, sous forme de bouillie ou de pâtes, des populations paysannes pauvres, avant d’être délaissée avec mépris par des sociétés devenues riches et délivrées de la disette. L’essor du tourisme et la mode des galettes lui rendirent une part de sa notoriété dans les années 60, alors que l’on en avait ou presque abandonné la culture en Bretagne. Depuis peu, quelques agriculteurs bretons s’y remettent, avec des labels de qualité, mais ne produisent qu’un tiers des quantités nécessaires aux besoins du marché local, car le sarrasin, dit plante des cent jours car il pousse vite, a le vent en poupe et l’on devrait bientôt voir refleurir en abondance ses fleurs blanches et roses qui illuminaient autrefois les campagnes de l’Ouest et faisaient la joie des abeilles.

Par sens des traditions culinaires, par goût ou par snobisme, le blé noir sera bientôt très tendance. Surfant sur cette vague, Maud Vatinel, (La cuisine au sarrasin, la graine star. Ouest-France. 92 p ; 13,90 €.) est allée chercher aux quatre coins de la planète les recettes qui le mettent en valeur : galettes bretonnes, bien sûr, mais aussi salades russes de kasha, la graine de sarrasin grillée, risotto de sarrasin, friture thaïlandaise de sarrasin, pâtes soba japonaises, sobasha, infusion de sarrasin sans théine ni caféine, lait de sarrasin, blinis, porridge, pain, pâtisseries sans gluten, et même glace au sarrasin.

Autant de façons de redécouvrir les bienfaits d’une petite graine excellente !

Sébastien Merdrignac, (Galettes, crêpes et compagnie. Ouest-France ; 80 p ; 9,90 €.) s’adresse à ceux qui rêvent d’offrir un dîner galettes et crêpes digne d’une crêperie bretonne, leur révélant les tours de main nécessaires et les recettes de base de ces grands classiques que sont « la complète », la saumon crème ou la saint-Jacques. Et ce n’est pas tout ! Vous découvrirez avec lui l’art de fabriquer des ravioles et des croquants de blé noir, des rouleaux de printemps revus à la mode de Bretagne, des naan, galettes à la farine de pois chiche, des crêpes à la farine de châtaigne, des blinis,  wraps, pancakes et crêpes soufflées. Salées, sucrées : chacun y trouvera son bonheur

Plats populaires, plats du pauvre, frites, croquettes et beignets, jugés néfastes pour le tour de taille et la santé sont souvent bannis des assiettes et des restaurants. Les grandes tables du Nord Pas de Calais ont fait le pari de leur rendre leurs lettres de noblesse en les revisitant. (Patrick Villechaize ; photographies de Thierry Bineau : Trop bon : les frites, croquettes et beignets. Ouest-France ; 66 p ; 9 €.)

Résisterez-vous au fabuleux croustillant de langoustines au basilic, au carpaccio de thon pommes Chatouillard, aux gambas en tempura aux légumes croquants craquants, au fritto misto de la Mer du Nord, au cheese cake transparence ? Ou fonderez-vous pour un simple cornet de frites, des croquettes de crevettes grises, un fish and chips ou des bugnes lyonnaises ?

Quand il lui arrivait de quitter sa trappe et de retourner dans sa Suisse natale, Père Jérôme de Sept-Fons, sans rompre avec les austérités de la vie monastique, demandait aux religieuses qui le logeaient de lui préparer « une tartine fribourgeoise », c’est-à-dire une large tranche de pain de campagne sur laquelle l’on étalait un morceau de vacherin de Fribourg mis à fondre et gratiner avant de casser un œuf par-dessus. 

Même si, autrefois, dans le catholicisme, et encore dans l’orthodoxie, fromages, laitages et œufs étaient bannis des tables de carême, ils offrent en effet de nombreuses alternatives aux plats carnés.

Gruyère, vacherin de Fribourg ou du Mont d’or, emmental, tête de moine, Appenzeller, Tilsiter, Sbrinz, raclette, tomme : la litanie des fromages suisses est longue. Cependant, à part l’incontournable fondue, les gougères, le soufflé, que peut-on faire avec ? Olivier Samson (Trop bon ! Les fromages de Suisse. Ouest-France ;  68 p ; 9 €.) propose trente façons inattendues de revisiter, chauds ou froids, en entrée, en plat principal, en dessert, ces grands classiques : velouté de chou-fleur au curry et à la crème d’Appenzeller ; croustillant de tête de moine et légumes à la grecque ; sardines marinées et copeaux de sbrinz ; beignets au vacherin fribourgeois ; panacotta d’Étivaz ; macaron au poivre de Timut et crème de raclette suisse ; crumble de pommes crues et cuites au lait glacé de Tilsiter …

Osez, vous ne le regretterez pas. Les photographies, merveilleuses et fleuries, sont de Franck Hamel.

Dans le même ordre d’idée, Patrick Villechaize décline, quant à lui, les innombrables possibilités qu’offrent les fromages du Nord. (Trop bon ! Les fromages du Nord-Pas-de-Calais. Ouest-France ; 66 p ; 7,90 €.)

Sauvés de justesse d’une disparition programmée quand le tout pasteurisé menaçait jusqu’aux plus respectables et anciennes productions locales, les fromages de nos provinces nordistes, souvent de tradition monastique, restent des produits rares, introuvables hors de leur région d’origine, sauf parfois chez de très bons fromagers affineurs. Réputés odorants et forts, ils effraient souvent les délicats. 

Patrick Villechaize, qui œuvre pour la réhabilitation du patrimoine gastronomique du Nord Pas-de-Calais, casse les idées reçues et prouve que Mont-des-Cats, Boulettes d’Avesnes, Cambrai, Papieux, Cœur d’Arras, Crayeux de Roncq, Maroilles, Vieux-Lille, Vieux-Boulogne, Pavé de Roubaix, Mignon, Dauphin, Fromage fort de Béthune dissimulent des saveurs raffinées et bien des façons de les accommoder. Des mises en bouche aux desserts en passant par les plats principaux, voici la brillante démonstration que les fromages du Nord ne sont pas ce que vous pensiez ! 

Qui dit maigre pense aussitôt poisson. De plus en plus cher, réputé difficile à cuisiner, celui-ci, pourtant, effraie souvent les cuisiniers amateurs qui le préfèrent tout préparé en conserve ou en plats surgelés. D’autres gardent de mauvais souvenirs de repas d’enfance où poisson rimait avec pénitence et sont rebutés par l’idée d’en manger. Beaucoup, enfin, sont simplement las de faire et refaire encore et toujours les mêmes recettes.

Je cuisine les coquillages, les crustacés et les poissons, de Raymonde Charlon (Ouest-France ; 215 p ; 19,90 €.) donne aussi bien les bases indispensables pour cuisiner convenablement poissons et fruits de mer que des idées originales permettant de renouveler vos repas. Il y en a pour tous les budgets, tous les goûts, toutes les curiosités.

Que vous ramassiez des couteaux, à tort réputés immangeables, sur la grève ou dégustiez des ormeaux,  que vous aimiez les crevettes grises ou le homard, que votre porte-monnaie vous incite à acheter du congre ou du turbot, vous trouverez là l’inspiration, empruntée à toutes les traditions culinaires, des côtes de France à l’Asie, de la Méditerranée aux Antilles. 

Vous pourrez compléter cette lecture par un ouvrage collectif, Petits secrets de cuisine. Coquillages et crustacés (Ouest-France. 45 p ; 6 €). Après avoir brièvement expliqué les techniques du nettoyage des moules, de l’ouverture des huîtres ou de l’épluchage des crevettes, le livre offre de rapides recettes de crustacés (brochettes, tempura, croustillants, tartare ou blanquette) ; des préparations de moules (crème, brochettes, marinières, mouclade), les classiques spaghetti alle vongole, chers aux Vénitiens, ou à l’encre de seiche, l’art de la paella, de la marmite de clovisses ou de palourdes. Et même, pour les plus ambitieux, celui de la bisque de homard, des huîtres chaudes au curry et de diverses recettes de saint-jacques.

Enfin, parce que, en plat principal ou en dessert, elles restent une alternative commode, voici, dans la collection à la table des régions de France, délicieuses tartes salées et sucrées (Ouest-France, 66 p ; 7,90 €.) de Marie Le Goaziou. 

Le principe de la collection est simple : demander à des tables d’hôtes renommées de livrer les secrets d’un de leurs plats, ici les tartes et quiches.

Voici donc, empruntées aux provinces côtières, une tarte aux maquereaux citronnée, une au rouget et basilic, une tourte d’huîtres normande, diverses tartes aux fromages de Normandie ou du Centre ; et une multitude de desserts : aux myrtilles, aux mûres, à la fraise, aux framboises, aux noix, et aux pommes.

Comme quoi, faire maigre ne signifie pas fatalement faire grise mine !

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